Google This is a digital copy of a book thaï was prcscrvod for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project to make the world's bocks discoverablc online. It has survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that's often difficult to discover. Marks, notations and other maiginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book's long journcy from the publisher to a library and finally to you. Usage guidelines Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to prcvcnt abuse by commercial parties, including placing lechnical restrictions on automated querying. We also ask that you: + Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for Personal, non-commercial purposes. + Refrain fivm automated querying Do nol send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine translation, optical character récognition or other areas where access to a laige amount of text is helpful, please contact us. We encourage the use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help. + Maintain attributionTht GoogX'S "watermark" you see on each file is essential for informingpcoplcabout this project and helping them find additional materials through Google Book Search. Please do not remove it. + Keep it légal Whatever your use, remember that you are lesponsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other countiies. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can'l offer guidance on whether any spécifie use of any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner anywhere in the world. Copyright infringement liabili^ can be quite severe. About Google Book Search Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps rcaders discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full icxi of ihis book on the web at|http: //books. google .com/l Google A propos de ce livre Ceci est une copie numérique d'un ouvrage conservé depuis des générations dans les rayonnages d'une bibliothèque avant d'être numérisé avec précaution par Google dans le cadre d'un projet visant à permettre aux internautes de découvrir l'ensemble du patrimoine littéraire mondial en ligne. Ce livre étant relativement ancien, il n'est plus protégé par la loi sur les droits d'auteur et appartient à présent au domaine public. L'expression "appartenir au domaine public" signifie que le livre en question n'a jamais été soumis aux droits d'auteur ou que ses droits légaux sont arrivés à expiration. Les conditions requises pour qu'un livre tombe dans le domaine public peuvent varier d'un pays à l'autre. Les livres libres de droit sont autant de liens avec le passé. Ils sont les témoins de la richesse de notre histoire, de notre patrimoine culturel et de la connaissance humaine et sont trop souvent difficilement accessibles au public. Les notes de bas de page et autres annotations en maige du texte présentes dans le volume original sont reprises dans ce fichier, comme un souvenir du long chemin parcouru par l'ouvrage depuis la maison d'édition en passant par la bibliothèque pour finalement se retrouver entre vos mains. Consignes d'utilisation Google est fier de travailler en partenariat avec des bibliothèques à la numérisation des ouvrages apparienani au domaine public et de les rendre ainsi accessibles à tous. Ces livres sont en effet la propriété de tous et de toutes et nous sommes tout simplement les gardiens de ce patrimoine. Il s'agit toutefois d'un projet coûteux. Par conséquent et en vue de poursuivre la diffusion de ces ressources inépuisables, nous avons pris les dispositions nécessaires afin de prévenir les éventuels abus auxquels pourraient se livrer des sites marchands tiers, notamment en instaurant des contraintes techniques relatives aux requêtes automatisées. Nous vous demandons également de: + Ne pas utiliser les fichiers à des fins commerciales Nous avons conçu le programme Google Recherche de Livres à l'usage des particuliers. Nous vous demandons donc d'utiliser uniquement ces fichiers à des fins personnelles. Ils ne sauraient en effet être employés dans un quelconque but commercial. + Ne pas procéder à des requêtes automatisées N'envoyez aucune requête automatisée quelle qu'elle soit au système Google. Si vous effectuez des recherches concernant les logiciels de traduction, la reconnaissance optique de caractères ou tout autre domaine nécessitant de disposer d'importantes quantités de texte, n'hésitez pas à nous contacter Nous encourageons pour la réalisation de ce type de travaux l'utilisation des ouvrages et documents appartenant au domaine public et serions heureux de vous être utile. + Ne pas supprimer l'attribution Le filigrane Google contenu dans chaque fichier est indispensable pour informer les internautes de notre projet et leur permettre d'accéder à davantage de documents par l'intermédiaire du Programme Google Recherche de Livres. Ne le supprimez en aucun cas. + Rester dans la légalité Quelle que soit l'utilisation que vous comptez faire des fichiers, n'oubliez pas qu'il est de votre responsabilité de veiller à respecter la loi. Si un ouvrage appartient au domaine public américain, n'en déduisez pas pour autant qu'il en va de même dans les autres pays. La durée légale des droits d'auteur d'un livre varie d'un pays à l'autre. Nous ne sommes donc pas en mesure de répertorier les ouvrages dont l'utilisation est autorisée et ceux dont elle ne l'est pas. Ne croyez pas que le simple fait d'afficher un livre sur Google Recherche de Livres signifie que celui-ci peut être utilisé de quelque façon que ce soit dans le monde entier. La condamnation à laquelle vous vous exposeriez en cas de violation des droits d'auteur peut être sévère. A propos du service Google Recherche de Livres En favorisant la recherche et l'accès à un nombre croissant de livres disponibles dans de nombreuses langues, dont le français, Google souhaite contribuer à promouvoir la diversité culturelle grâce à Google Recherche de Livres. En effet, le Programme Google Recherche de Livres permet aux internautes de découvrir le patrimoine littéraire mondial, tout en aidant les auteurs et les éditeurs à élargir leur public. Vous pouvez effectuer des recherches en ligne dans le texte intégral de cet ouvrage à l'adressefhttp: //book s .google . coïrïl PROPERTY OF THE ARTES SCIENTIA VERITAS r » , > THÉÂTRE COMPLET Il V EUGÈNE LABICHE I <-. 2 '4 'i PARIS. — IMPRIMERIE CHAIX, 20, RUE .BERGERE. — 22634-6. THEATRE COMPLET DK EUGENE LABICHE y?7 < / AVEC UNE PRÉFACE PAR EMILE AUGIER UN CHAPBAU DB PAILLE D*ITALIU' LE MISAN rHROPB ET L*AUVBRONAT — BDOARDETSA BONNE LA PILLB BIEN OARDBB — UN JEUNB HOMME PRBSSB DEUX PAPAS TRÈS-BIEN l'affaire de LA RUE DB LOURCINB -C PARIS CALMANN LÉVY, ÉDITEUR ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES 3» RUE AUBER, 3 1886 Droits de reproduction et de traduction réservés. I MA CHERE FEMME >B ciDIE MBS OEDTBBS COHPLÂTBI E. L. I PRÉFACE J'étais chez mon ami Labiche, dans sa principauté de Sologne, qui ressemble si peu à nos gaies campa- gnes de Seine-et-Oise. Je m'y plaisais beaucoup toute- fois, dans la charmante famille de mon vieil ami, au çiilieu de l'animation des travaux champêtres si nou- veaux pour moi. Je trouvais grand plaisir, moi, simple jardinier fleuriste, à suivre ce cultivateur à travers les étendues qu'il a conquises sur le sable et la bruyère, qu'il a couvertes de blés et de pins, de bœufs et de moutons ; et devant ce grand paysan qui arpentait les routes, jetant partout l'œil du maître, le bâton ferré k la main et les jambes dans des guêtres de cuir, j'a- vais fini par oublier complètement l'autcar de tant de joyeuses fantaisies, le grand maître du rire, notre premier producteur de gaz ^hilarant. Oui, je l'avais P PREFACE. oublié 1 Ingratitude humaine I Ne devrions-nous pas graver en lettres d'or, sur nos monuments, les noms des bienfaiteurs qui entretiennent en hous la gaieté, Tan des deux privilèges qui distinguent l'homme le la bête? Un jour, un des fermiers de mon hôte mariait sa fille, et Labiche, pour ne pas me laisser seul, voulait m' ame- ner à la noce; mais je redoute les victuailles et je pré- férai garder la maison. Je passai donc la journée tout seul, dans la bibliothèque, et je ne me rappelle pas une journée plus divertissante; il y avait là tout le réper- toire de Labiche I Je n'avais jamais lu ces pièces qui m'avaient tant réjoui à la scène; je me figurais, comme bien d'autres, qu'elles avaient besoin du jeu abracada- brant de leurs interprètes, et l'auteur lui-môme m'en- tretenait dans cette opinion par la façon plus que mo- deste dont il parlait de son œuvre. Eh bien, je me trompais, comme l'auteur, comme tous ceux qui par- tagent cette idée. Le théâtre de Labiche gagne cent pour cent à la lecture ; le côté burlesque rentre dans l'ombre et le côté comique sort en pleine lumière ; ce n'est plus le rire nerveux et grimaçant d'une bouche chatouillée par une barbe de plume ; c'est U rire large et épanoui où la raison fait la basse. Quand Labiche rentra : « Je veut avoir votn théâtre, lui dis-je ; où se le procure-t on ? — Nulli part. Mes pièces ont été imprimées chez trente-six Jibraires en trente-six formats différents. ~ Faites PRÉFACE. t ▼OS œuvres complètes alors. — Vous vous moquez de moi, et vous ne seriez pas le seul si je vous écoutais. Est-ce que ces farces-là sont des œuvres? Si je faisais mine de les prendre au sérieux, la grammaire et la syntaxe m'intenteraient un procès en dommages-inté- rêts pour viol f — Vous lés chiffonnez quelquefois, j'en conviens, mais toujours si drôlement qu'elles ne peu- vent pas vous en garder rancune. D'ailleurs, c'est le droit des maîtres, et vous êtes un maître. — Pas un mot de plus t.. . sortez, monsieur I > Je ne sortis pas. Je travaillai Labiche jusqu'à mon départ, et, au moment des adieux, à une dernière ob- jurgation : € J'y consens, répondit-il de guerre lasse ; mais à condition que vous me présenterez au lecteur, et que vous assumerez sur votre tête la moitié de son indignation. Voilà comment j'écris une préface pour les œuvres de Labiche, après avoir refusé à mon éditeur d'en écrire une pour les miennes ; et, pour qui connaît ma paresse naturelle, je donne là à Labiche une preuve irrécusable de mon admiration. Encore un mot qui va le faire bondir! et j'a- voue que j'ai hésité à l'écrire; mais aujourd'hui ledia- pason des formules laudatives a tellement monté, qu'il faut dire trop pour dire assez. Merveilleux^ splendidey renversant^ répondent à peine à Vexcellent d'autrefois; admiration n'est qu'un faible équivalent de haute estime. Donc j'admire Labiche; je le tiens pour un VI PRÉFACE. maître, et sans hyperbole cette fois, car il y a autant de degrés de maîtrise qu'il y a de régions dans Tari. La hiérarchie des écoles n'importe guère ; l'important est de ne pas être un écolier. C'est surtout en cette matière que le mot de César est juste : mieux vaut être le premier dans une bourgade que le second à Rome. Je préfère Téniers à Jules Romain, et Labiche à Crébillon père. Ce n'est pas le hasard de la phrase qui rapproche sous ma plume le nom de Labiche et celui de Téniers. Il y a des analogies firappantes entre ces deux maîtres, et les magots de l'un, comme disait le Grand Roi, ressemblent beaucoup aux magots de l'autre. C'est, au premier abord, le même aspect de caricature ; c'est, en y regardant de plus près, la même finesse de tons, la même justesse d'expression, la même vivacité de mouvement. Le fond de ces joyeusetés à toute ou- trance, c'est la vérité. Cherchez dans les plus hautes œuvres de notre génération, cherchez une comédie plus profonde d'observation que le Voyage de M, Per- richon, ou plus philosophique que le Misanthrope et l'Auvergnat ? Eh bien, Labiche a dix pièces de cette force-là dans son répertoire. Pourquoi, doué à un si haut degré de la puissance comique, n'a-t-il pas eu l'ambition H élever son genre^ comme on dit ? Il n'a donné qu'une pièce au Théâtre-Français, Moi ^ La ij Je ne parle pas de la Cigale chez les fourmis^ parce que <» charmknt petit acte appartient plus à LeKOUvé ou'à Labidui PIlEFACE. VU majesté du heu avall bien quelque peu intimiâé et amorti ses qualités natives; mais il y avait la une maîtresse scène, celle où une nièce, pour détourner son oncle d'épouser une jeune fille, lui raconte tout ce qu'elle a souffert elle-même d'avoir épousé un vieux mari! < Et lui? répond l'égoïste à chaque trait du tableau. — Lui ? Il était très-heureux. — Eh bien,, alors? ». Cumas lui-même n'eût pas trouvé mieux. Moi avait pleinement réussi. Pourquoi Labiche n'a-t-il pas renouvelé la tentative? Le tempérament de sa muse s'accommodait-il mal d'un climat tempéré qui ne lui permettait pas de s'ébattre en manches de che- mise et pieds nus ? Je crois qu'elle se serait vite habi- tuée au brodequin et à la robe ajustée. Labiche ne 1'», sans doute pas cru, et il l'a reconduite dans les pays^ chauds, où elle jouit d'ailleurs d'une santé si plantu- reuse et d'une si merveilleuse fécondité. Tout compte fait, elle lui a donné jusqu'à ce jour cent soixante enfants, plus ou moins légitimes ; et, bien que la re- cherche de la paternité soit interdite, je ne peux m'empécher de me poser ici cette question : Quelle est la part des collaborateurs dans l'œuvre de Labiche? La question est d'autant plus délicate que la plu- part sont des hommes de beaucoup d'esprit ei. de ta- lent, que la plupart ont eu de grands succès sans lui. Mais je remarque que les pièces qu'ils font sans lui VIII PREFACE. ont une tournure toute différente de celles qu'ils font avec lui; ot'qu*au contraire ison répertoire à lui porte partout la . môme empreinte, la même marque de fabrique, reconnaissable entre mille, qui par consé- quent ne peut être que la sienne propre. Par quel pro- cédé de collaboration est-il arrivé à cette unification? « Je puis en parler savamment, ayant eu le très-grand plaisir de faire une pièce avec lui, non pas 3a meil- leure, hélas 1 Or voici comment les choses se sont passées : Nous avons fait ensemble un scénario très-déve- loppé, pour lequel je lui servais plutôt à Texciter par la contradiction qu'à lui donner desidées, car elles lui venaient si vite, que je n'avais pas le temps d'en avoir moi-môme; après quoi, il m'a demandé la per- mission, que je lui ai généreusement octroyée, d'é- crire la pièce tout seul, à la charge par moi de revoir son travail et de l'arranger à ma guise ; j'ai refait quel- ques bouts de scène, pratiqué quelques coupures, et voilà. Je n'oserais pas affirmer que le rôle de ses autres collaborateurs ait été aussi modeste que le mien; mais il est probable que le procédé a été analogue. Il est certain que dans tout concubitus il y a un mâle et une femelle ; or il n'est pas douteux que Labiche est un mâle. Le style, c'est l'homme. S'il est un auteur pour qui ce ] aphorisme soit juste, c'est assurément Labiche. Il ressemble à ses pièces et ses pièces lui ressemblent ; PRÉFACE. IX dans sa vie aussi bien que dans son théâtre, la gaieté coule de son urne comme un fleuve charriant pôie- ffléle la fantaisie la plus cocasse et le bon sens le plus solide, les coq-à-l'âne les plus fous et les observations les plus fines. Pour avoir une réputation de profondeur, il ne lui a manqué qu'un peu de pédantisme ; et qu'un peu d'amertume pour être un moraliste de haute vo- lée. Il n'a ni fouet ni férule; s'il montre les dents, c'est en riant ; il ne mord jamais. Il n'a pas ces haines vigoureuses dont parle Alceste ; il écrit, comme Re- gnard, pour s'amuser et non pour se satisfaire. C'est qu'il est l'homme heureux par excellence, comme Regnard ■ — plus même que Regnard, car il est heu- reux, non-seulement en lui-même, mais dans tout ce qui l'entoure. La vie lui a souri dès le berceau, et, si elle est juste, elle continuera à lui sourire jusqu'à (a fin. EMILE AUGIRR. UN MOT /e n'ai pas l'intention d'écrire une préface. Cepen- dant il m'est impossible de commencer cette publica- tion sans remercier ceux de mes confrères qui ont bien voulu m'accorder le concours de leur esprit, de leur gaieté, de leur bon sens et de leur science du théâtre. Je prie donc mes collaborateurs, qui sont tous restés mss amis, de recevoir ici l'expression de ma sincère gratitude et de me conserver une place dans leur af- fection. EUGÈNE LABICHE. UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE COMÉDIE BN CINQ ACTES, MÊLÉE DB COUPLETS Ktprésentée poor la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la M on ta h m a, le 14 août 1851. COLLABORATEUR : M. MARC- MICHEL PERSONNAGES ACTEUBS 4ui ont créé let rMn. FADINARD, rentier. MM. Ravel. NONANCOURT, pépiaiériste. Grassot. BEAUPERTHUIS. LbAbitikr. YÉZINET, sourd. Amant. TARDITEAU, tenear de Im-ci* Kalikaisk. B OB I N , nerea de Konancourt. S c h x t. EMILE TAYERNIBR, lienteoRnc. YALiiKK FÉLIX| domestique de Fadinard. Adoustin. ACHILLE DE R OS ALEA, jeune iioD. Lacooriévi. HÉLÈN8, fille de Nonancourt. Mlle CeiinviÉi. w. AXAIS, femme de Beaopertfaois. Mme Beroeb. LA BARONNE DE CHAMPIGNT. Mlles Paolin^. CLARA, modiste. Azimont. VIRGINIE, bonne chex Beaupertbuis. Gallois. UNE FEMME DE CHAMBRE DE LA BARONNE. Chollet. UN CAPORAL. MM. Floridor. 0N DOMESTIQUA. Ambrieux. ImTItAS des I>RDX sexes. — GeMS de la M0CI. La scène est k Varis» UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE ACTE PREMIER. (chez fadinard] Un salon octogone. — Au fond, porte à deux battants s*ouvrant sur lu scène. — Une porte dans chaque pan coupé. — Deux portes aux pre- miers plans latéraux. — A gauche, contre la cloison, une table avec tapis, sur laquelle est un plateau portant carafe, verre, sucrier. — > Chaisa« SCÈNE PREMIÈRE. VIRGINIE, FÉLIX. TIRGIIIIB, à Félix, qui cherche à Tembrasser. Mon, laissez-moi, monsieur Félix!... je n'ai pas le temps de jouer. FÉLIX. Rien qu on baiser? TIRGINIB. Je ne Yeux pasl... 4 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. FÉLIX. Puisque je suis de votre pays 1... je suis de Rambouil- let... TIRGINIE. Ahl ben! s'il fallait embrasser tous ceux qui sont de Rambouillet I... FÉLIX. H n'y a que quatre mille habitants. VIRGINIE. Une s'agit pas de ça... M. Fadinard, votre bourgeois, se marie aujourd'hui... vous m'avez invitée à venir voir la corbeille... voyons la corbeille!... FÉLIX. Nous avons bien le temps... Mon maître est parti, hier soir, pour aller signer son contrat chez le beau-père... il ne revient qu'à onze heures, avec toute sa noce, pour aller à la mairie. VIRGINIE. La mariée est-eUe jolie? FÉLIX. Peuhl... je lui trouve l'air godiche; mais elle est d'une bonne famille... c'est la fille d'un pépiniériste du Charen- tonneau... le père Nonancourt. VIRGINIE. Dites donc, monsieur Félix... si vous entendez dire qu'on ait besoin d'une femme de chambre... pensez à moi FÉLIX. Vous voulez donc quitter votre maître... M. Bauperthuis? VIRGINIE. Ne m'en parlez pas... c'est un acariâtre, premier nu- ACTE PREMIER. 5 méro... Il est groguon, maussade, sournois, jaloux... et sa femme donc I... certainement, je n'aime pas à dire du mal des mailres... PÉLIX. Oh I non!... VIRGINIE. * Une chipie lune bégueule, qui ne vaut pas mifeux qu'une autre. FÉLIX Parbleu 1 VIRGINIE. Dès que monsieur part... cracl elle part... et où va- t-elle?... elle ne me Ta jamais dit... jamaisl.. FÉLIX. Oh I vous ne pouvez pas rester dans cette maison-là. VIRGINIE, baissant les yeux. Et puis, ça me ferait tant de plaisir de servir avec quel- qu'un de Rambouillet... FÉLIX, Pembrassant. Seine-et-Oiscl SCÈNE II. VIRGINIE, FÉLIX, VÉZINET. TÉZINET, entrant par le fond; il tient an carton à chapeau de femme. Ne vous dérangez pas... c*est moi, Toncle Vézinet... L^ noce est-elle arrivée ? FÉLIX, d*un air aimable. Pas encore, aimable perruque!... 6 UN GHâPBAU de paille D'ITALIE. TIRGINIE, bas. , Qu'est-ce que vous faites donc? FÉLIX. Il est sourd comme un pot... vous allez voir... (a Yézinet.> Nous allons donc à la noce, joli jeune homme?... Nous allons donc pincer un rigodon?... Si ça ne fait pas pitié!... (n lai offire ano chaise.) Allez donC VOUS COUCher. VÉZINET. Merci, mon ami, merci!... J*ai d'abord cru que le ren- dez-vous était à la mairie ; mais j'ai appris que c'était ici ; alors, je suis venu ici. FÉLIX. Oui! M. de la Palisse est mort... est -mort de maladie.... VÉZINBT. Non pas à pied, en fiacre ! (Remettant son carton à Virginie.)^ Tenez, portez ça dans la chambre de la mariée... c'est mon cadeau de noces... Prenez garde... c'est fragile!... VIRGINIE, à part. Je vais profiter de ça pour voir la corbeille... (Saluant vézinet.) Adicu, amour de sourd!... Elle entre à gauche, deuxième porte, avec le carton. VÉZINET. Elle est gentille, cette petite... £h! eh! ça fait plaisir de rencontrer un joli mincHS. FÉLIX, lui offrant une chaise. Par exemple!... à votre Stge !... ça va finir!... gros far- ceur, ça va finir!... VÉZINET, assis à gauche. Merci!... (A part.) Il est très-convenable, ce garçon... ACTE PREMIER. SCÈNE m. VÉZINET, FADINARD, FÉLIX. FABINA&D, entrant par le fond et parlant à la cantonade. Dételez le cabriolet!... (En scène.) Ah! voilà une aven- lure!... ça me coûte vingt francs, mais je ne les regrette pas... Félix!... FiLIZ. Monsieur!... Figure-toi... FADINARD. FÉLIX. Monsieur arrive seul?... et la noce de monsieur?... FADINARD. Elle est en train de s'embarquer à Charentonneau... dans huit fiacres... J'ai pris les devants pour voir si rien ne cloche dans mon nid conjugal... Les tapissiers ont-ils fini?.,. A-t-on apporté la corbeille, les cadeaux de noce?... FÉLIX) indiquant la chambre du deuxième plan à gauche Oui, monsieur... tout est là dans la chambre... FADINARD. Très-bien!... Figure-toi . que, parti ce matin à huit heure» de Charentonneau... VÉZINET^ à lui-même. Mop neveu se fait bien attendre... FADINARD, apercevant Vézinet. L'onde Vézinet 1... (a Félix.) Va-t'en I... j'ai mieux que § 11^ CHAPSJllI OB PULLS D'ITALIE. toi I... (Félix M retire au fond ; commençant son récit.) FlgUrez- VOUS que, parti... YÉZINET. Mon injveu, permettez-moi de vous féliciter... II cherche à embrasser Fadinard. FADINÀRD. Hein?... quoi?... Ah! oui... (ils s'embrassent, à part.) On s'embrasse énormément dans la famille de ma femme!... (Haut, reprenant le ton du récit.) Parti ce matin à huit heures de Gharentonneau... VÉZINET. Et la mariée?... FADINARD. Oui... elle me suit de loin... dans huit fiacres... (Repre- aant.) Parti ce matin à huit heures de Gharentonneau... YÉZINKT. Je viens d'apporter mon cadeau de noces... FADINARD, lui serrant la main. C'est gentil de votre part... (Reprenant son récit.) J'étais dans mon cabriolet... je traversais le bois de Yincennes... tout à coup je m'aperçois que j'ai laissé tomber mon fouet... VÉZINET. Mon neveu, ces sentiments vous honorent. FADINARD. Quels sentiments !... Ah ! sapristi ! j'oublie toujours qu'il est sourd!... ça ne fait rien... (Continuant.) Gomme le manche est en argent, j'arrête mon cheval et je descends... À cent pas de là, je l'aperçois dans une touffe d'orties... je me pique les doigts. fÉZINET. J'en suis bien aise ACTE PREMIER. 9 FADINARD. Merci ! ... je retourne. . . plus de cabriolet ! . . . mon cabrio- let avait disparu I... PÉ'tlXy redescendant. Monsieur a perdu son cabriolet?... FADINARD, 1 Félix. Monsieur Félix, je cause avec mon oncle qui ne m'en- tend pas... Je vous prie de ne pas vous mêler à ces épan- chements de famille. VÉZINET. Je dirai plus : les bons maris font les bonnes femmes. FADINARD. Oui... turlututul... ran plan plan !... Mon cabriolet avait disparu... Je questionne, j'interroge... On me dit qu'il yen a un d'arrêté au coin du bois... J'y cours, et qu'est-ce que je trouve?... Mon cheval en train de mâchonner une es- pèce de bouchon de paille, orné de coquelicots... Je m'ap- proche... aussitôt ime voix de femme part de l'allée voisine, et s'écrie : « Giell... mon chapeau I... » Le bouchon de paille était im chapeau I... Elle l'avait suspendu à un arbre, tout en causant avec un. militaire... FÉLIX, à part. Ah I ah I c'est cocasse !... FADINARD, à Véxinet. Entre nous, je crois que c'est une gaillarde... VÉZINET. Non, je suis de Chaillot... j'habite Chaillot FADINARD. Turlututu I . . . ran plan plan I . . . VÉZINET. Près de la pompe à feul... I. 10 PEAU DE PAILLE D'ITALIE. FÀDIlfARD. Oui, c'est convenu!... J'allais présenter mes excuses cette dame et lui offrir de payer le dommage, lorsque ce militaire s'interpose... une espèce d'Africain rageur... 11 commence par me traiter de petit criquet!... sapristi!... la moutarde me monte au nez... et, ma foi, je l'appelle Beni-zoug-zoug !... Il s'élance sur moi... je fais un bond... et je me trouve dans mon cabriolet... la secousse fait par- tir mon cheval... et me voilà!... Je n'ai eu que le temps de lui jeter une pièce de vingt francs pour le chapeau... ou de vingt sous I... car je ne suis pas fixé... Je verrai ça, ce soir, en faisant ma caisse... Crirant de sa poche an fragment de chapeau de paille, orné de coquelicots.) Yoilà la monnaie de ma pièce?... véZINET, prenant le morceau de chapeau et l'examinant. La paille est belle ! . . . FADINARD. Oui, mais trop chère la botte !... VÉZINET. Il faudrait chercher longtemps avant de trouvtsr un chapeau pareil... j'en sais quelqpie chose. FÉLIX, qui s'est avancé et qui a pris le chapeau des mains de Vézinet.. Voyons... FADINARD. Monsieur Félix, je vous prie de ne pas vous mêler k 'mes épanchements de famille... FÉLIX. Mais, monsieur!... FADINARD. Silence, maroufle!... comme dit l'ancien répertoire 8*01 ix femoBt* «rv^ ACTE PREMIER. Al VÉZINET. Dites donc... à quelle heure va-t-on à la mairie? FADINARD. A onze heures!... onze heures 1... n montre avec ses doigts. VÉZIIfET. On dînera tard... j'ai le temps d'aller prendre im riz au lait... vous permettez?... n remonte.^ FADINARD. Comment donc!... ça me fera extrêmement plaisir... YÉZINET) revenant à lai pour l'embrasser. Adieu, mon neveu!... - " FADINARD. Adieu, mon oncle... (A Vézinet, qui cherche à Tembrasser.. Hein?... quoi?... Ah ! oui... c'est un tic de famUle. (Se lais" tant embrasser.) Là!... (A part.) Une fois marié, tu ne me pin ceras pas souvent à jouera ça... non... non... TÉZINET. Et l'autre c6té? FADINARD. C'est ce que je disais... « Et l'autre c6té?» (Vézinet rem< brasse snr Paatre jone.) Là... ENSEMBLE. Ain • Quand nom tomme» si fatigués, {RepréMenianti «n wieaneet, Aett; !•'•) FADINARD. Adieu, caressant pot-au-feu 1 A ta déplorable manie Je compte me soustraire un peu, En revenant de la mairie. I. « UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. TÉZINET. Adieu, je reviens, cher neveu, Avec la noce réunie. Vous embrasser encore un peu, Avant d'aller à la mairie. Telnet sort par le fond. Félix entre à gaache, deuxième plac, mn emportant le fragment de chapeaa. SCÈNE IV. FADINARD, seul. Enfin... dans une heure, je serai marié.. s je n'entendrai plus mon beau-père me crier à chaque instant : « Mon gendre, tout est rompu !... » — Vous êtes-vous trouvé quel- quefois en relations avecuiî j^orc-épic ? Tel est mon beau- père I... J'ai fait sa connaissance dans un omnibus... Son premier mot fut im coup de pied... J'allais lui répondre un coup de poing, quand un regard de sa fille me fit ou- vrir la main... et je passai ses six gros sous au conduc- teur... — Après ce service, il ne tarda pas à m' avouer qu'il était pépiniériste à Charentonneau... — Voyez comme l'amour rend ingénieux... Je lui dis : « Monsieur, ven- dez-vous de la graine de carottes? » — Il me répondit : «t Non, mais j'ai de bien beaux géraniums. » — Cette ré- ponse fut un éclair. « Combien le pot ? — Quatre francs. — Marchons ! » — Arrivés chez lui, je choisis quatre pots (c'était justement la fête de mon portier), et je lui de- mande la main de sa fille. — « Qui êtes-vous ? — J'ai vingt-deux francs de rente... — Sortez 1 — Par jouri — Asseyez-vous donc I » — Admirez-vous la laideur de son caractère I — A partir de ce moment, je fus acfcnis à par- tager sa soupe aux choux en compagnie du cousin Bobin, un grand dadais qui a la mani^ d'embrasser tout le i ACTE PREMIER. 13 monde... surtout ma femme... — On me ri^pond à ça : « Bah ! ils ont été* élevés ensemble !» — ce n*est pas une raison.. Et une fois marié... — Marié!!! (Au public.) Êtes- vous conmie moi?... Ce mot ine niet une fourmi à chaque jointe de cheveu... il n'y a pas à dire... dans une heure, je le serai... (Vivement.) marié I... J'aurai une petite femme à moi tout seuil... et je pourrai Tembrasseï sans que le porc-épic que vous savez, me crie : « Monsieur, on ne marche pas dans les plates -bandes ! » Pauvre petite femme!... (Au public.) Eh bien, je crois que je lui serai fi' dèle... parole d'honneur I... Non?... Oh! que si!... Elle est si gentille, mon Hélène !... sous sa couronne de ma* riéel... AIR : du Serment. Connaissez-vous dans Barcelone, Dans Barcelone I Une Andalouse au teint bruni, Au noir sourcil ? Eh bien, ce portrait de lionne. Ce portrait de fière amazone, A l'œil hardi Trop dégourdi... N'est pas du tout celui de ma heun. Non Dieu merci 1 Et c'est heureux pour un futur mari. Une rose.., avec une couronne d'oranger... telle est la lithographie de mon Hélène !... Je lui ai fait arranger un appartement délicieux... Ici, ça n'est déjà pas mal... (ladi- quant la gauch».) Mais par là, c'est déhcieux... un paradis en palissandre, — avec des rideaux chamois... C'est cher, mais a'est joli ; lin mobilier de lune de miel!... Ah ! ie voudrais qu'il fût minuit im quart !... — On monte !... c'est elle et son cortège!... — Voilà les fourmis!... En veux-tu, des fourmis ?... 14 UN CHAPEAU DE PAILLE DITALIE. SCÈNE V. ANAIS, FADINARD, EMILE, en costume d'officier. La porte s'onvre; on voit en dehors une dame sans chapeau et un officier. ANAÏS, à ÉmUe. Non, monsieur Emile... je tous en prie... EMILE. Entrez, madame; ne craignez rien. Ils entrent. FADINARD, à part. La dame au chapeau et son Africain !... Sapristi ! ANAÏS, troublée. Emile, pas de scandale ! EMILE* Soyez tranquille I... je suis votre cavalier... (a Padinardi vous ne comptiez pas nous revoir si tôt, monsieur?... FADINARD, avec un sourire forcé.  Certainement... votre visite me flatte beaucoup... mais j'avoue qu'en ce mordent., (a part.) Qu'est-ce qu'ils me veulent?... ÉMILEf brusquement. Offrez donc im siège à madame. FADINARD, avançant un fauteuil. Ahl pardon... Madame désire s'asseoir?... je ne savai» pas... (A part.) £t ma noce que j'attends... Anars tt^assoit. - ACTE PREMIER. 15 EMILE, s'assejant à droite. Vous avez un cheval qui marchie bien, monsieur. FÀDINARD. Pas mal... Yi^us êtes bien bon... Est-ce que vous Favez suivi à pied? ÉMflB. Du tout, monsieur : j'ai fait monter mon brosseur de Y rière votre voiture... FÀDINÀRD. Ah I bah I... Si j'avais sul... (A part.) J'avais mon fouet.. EMILE y durement. Si vous aviez su?... rADINARD. Je l'aurais prié de monter dedans... (a part.) Ah ! mais..» j1 m'agace, l'Africain I ANAÏS. Emile, le temps se passe, abrégeons cette visite. FADINARD. Je suis tout à fait de l'avis de madame... abrégeons... (A part.) J'attends ma noce. EMILE. Monsieur, vous auriez grand besoin de quelques leçons de savoir-vivre. FADINARD, offensé. Lieutenant ! (Émiie se lève. Plus calme.) J'ai fait mes classes... EMILE. Vous nous avaz quittés fort impoliment dans le bois de Vincennes. FADINABP J'ùlais pressft. 16 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. ÉUILE. Et VOUS avez laissé tomber par mègarde, sans doute... ette petite pièce de monnaie... FADINARD, la prenant. Vingt sous!... tiens 1 c'était vingt sous 1... Eh bien, j m'en doutais... (Fouillant à sa poche.) C'est une erreur... je suis fâché que vous ayez pris la peine... (Lai offrant une pièce d'or.) Voilà ! EMILE, sans la prendre. Qu'est-ce que c'est que ça? FADINARD. Vingt francs, pour le chapeau... EMILE, avec colère. Monsieur I... ■ ANÂIS, se levant. Emile! EMILE. C'est juste ! j'ai promis à madame de rester calme... FADINARD, fouillant de nouveau à sa poche. J'ai cru que c'était le prix... Est-ce trois francs de plus?... le ne suis pas à ça près. EMILE. Il ne s'agit pas de ça, monsieur... Nous ne sommes pa» venus ici pour réclamer de l'argent. FADINARD, très-étonné. Non?... Eh bien,... mais alors... quoi?... EMILE. Des excuses, d'abord, monsieur... des encenses à madame. FADINARD. Des excuses, moi ?... ACTE PREMIER. 17 AlfA'lS. C'est mutile, je vous dispense... EMILE*. Du tout, madame ; je suis votre cavalier... FADINARD. Qu*à cela ne tienne, madame... quoique, à vrai dire, ce ne soit pas moi personnellement qui aie mangé votre cha- peau... Et encore, madame... êtes-vous bien sûre que mon cheval n'était pas dans son droit, en grignotant cet ar- ticle de modes? EMILE. Vous dites?... FADINARD. Écoutez donc!... Pourquoi madame accroche-t-elle ses chapeaux dans les arbres?... Un arbre n'est pas un cham- pignon, peut-être!... Pourquoi se promène-t-eUe dans les forêts avec des mihtaires?... C'est très-louche, ça, ma- dame... ANAÏS. Monsieur I... EMILE, avec colèrv Que voulez-vous dire? ANAÏS. Apprenez que M. Tavernier... FADINARD Qui ça, Tavernier? EMILE, brusquement. C'est moi, monsieur 1 18 UN CHAPBAU DE PAILLE D'ITALIE. ▲ NAIS. Que M. favernier... est... mon cousin... Nous avons ètè élevés ensemble.. FADINARD, à part. Je connais ça... c'est son Bobin. ANAÏS. Et si j'ai consenti à accepter son bras... c'est pour cau- ser de son avenir... de son avancement... pour lui faire delà morale... FADINARD. Sans chapeau?... ÉMILE9 soulevant une chaise et en frappant le purqaet avec colfer* Morbleu!... ANAÏS. Emile !... pas de bruit!... EMILE. Permettez, madame... FADINARD. Ne cassez donc pas mes chaises!... (a part.) Je vais le flanquer du haut de l'escalier... Non... il pourrait tomber sur la tête de ma noce. EMILE. Abrégeons, monsieur... FADIRARD. J'allais le dire... vous m'avez pris mon mot, j'allais le dire 1 EMILE. Voulez- vous, oui ou non, faire des excuses a madame ? ACTE PREMIER. 19 FADINARD. inet de droite.) Ah )... Elle 7 entre. FADINARD, courant à elle. Madame, permettez... (Gourant à Ëmiie.} Monsieur... EMILE, entrant à gauche, premier plan. Renvoyez ces gens-là... nous reprendrons cet entretien. 20 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. FADINARD, fermant la porte sar Emile et apercevant Nonancoart qjBki entre au fond. Il était temps ill SCÈNE VI. FADINARD, NONANCOURT, HÉLÈNE, BOBIN. Ils sont tons en costume de noce. — Hélène porte la couronne et !• bouquet de mariée. NONANCOURT. Mon gendre, tout est rompu I... vous vous coniuiseï comme un paltoquet... HÉLÈNE. « Mais, papa... ■ NONANCOURT. Silence, ma fille I FADINARD. Mais qu'est-ce que j'ai fait? NONANCOURT. Toute la noce est en bas... Huit fiacres... BOBIN. Un coup d'œil magnifique ! FADINARD. Eh bien? NONANCOURT. Vous deviez nous recevoir au bas de l'escalier.., , BOBIN. Pour nous embrasser. ACTE PREMIER 21 NONANCOURT. Faites des exenses à ma fille... HÉLÈNE. Mais, papa... NONÀNGOURT. Silence, ma fille I... (a Fadioard.) Allons, monsieur, des excuses ! 7ÀDINARD, à part. Il parait que je n'en sortirai pas. (Haut, à Hélène.) Made- moiselle, veuillez, je vous prie, agréer T assurance de ma considération la plus distinguée... NONANGOURT, Pinterrompant. Autre chose! — Pourquoi ôtes-vous parti ce matin de Charentonneau sans nous dire adieu?... BOBIN. Il n'a embrassé personne I NONANGOURT. Silence, Bobin I (a Fadinard.) Répondez I FADINARD. Dame, vous dormiez! BOBIN. Pas vrai ! je cirais mes bottes. NONANGOURT. C'est parce que nous sommes des gen/de la campagne... des paysans !.•• BOBIN^ pleurant. Des pipiniéristes ! NONANGOURT. Ça n'en vaut pas la peine I 22 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. FADINARD, à part. Hein? comme le porc-épic se développe 1 NONANCOURl. Vous méprisez déjà votre famille I FA DINA RD. Tenez, beau-père, purgez-vous... je vous assure que ça vous fera du bien I NONANCOURT. Mais le mariage n'est pas encore fait, monsieur... on peut le rompre... BOBIPL. Rompez, mon oncle, rompez! NONANCOURT. Je ne me laisserai pas marcher sur le pied ! (Secouant son pied.) Cristi I FADINARl). Qu'est-ce que vous avez? NONANCOURT. J'ai... des souliers vernis, ça me blesse, ça m'agace... ça me turlupine... (Secouant son pied.) Gristi! HÉLÈNE. Ca se fera en marchant, papa. Elle tourne les épaules. FADINARD, la regardant faire, et à part. Tiens I... qu'est-ce qu'elle a donc? NONANCOURT. A-t-on apporté un myrte pour moi? FADISARD. Un myrte l... pour quoi faire? ACTE PREMIER. 23 NONANCOURT. C'est un emblème, monsieur... FADINARD. Ahl NONANCOURT. Vous riez de çal... vous vous moquez de nous... parce que nous sommes des gens de la campagne... des paysans!... BOB IN, pleurant. Des pipiniéristes ! FADINARD. Allez, allez! NONANCOURT. Mais ça m'est égal... Je veux le placer moi-même dans la chambre à coucher de ma fiUe, afin qu'elle puisse se dire... (Secoaant son pied.) Glisti 1 HÉLÈNE, à son père. Ah I papa, que vous êtes bon l Elle tourne les épaules. FADINARD, à part. Encore!... ah çà! mais c'est un tic... je ne l'avais pas remarqué... > HÉLÈNE. Papa! NONANCOURT. Hein? HÉLÈNE. J'ai une épingle dans le dos... ça me pique. FADINARD. Je disais aussi... Î4 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. BOBIN, vivement, retroussant ses manches. AttQpdez, ma cousine... FADINARD, Parrètant. Monsieur, restez chez vous I NONANCOURT. Bah! puisqu'ils ont été élevés ensemble... BOBIN. C'est ma cousine. FADINARD. Ça ne fait rien... on ne marche pas dans les plates- bandes ! NONANCOURT» à sa flUe, lai indiquant le cabinet où est Emile. Tiens, entre là ! FADINARD,..&^^ptt« Avec l'Africain... merci I... (Lui barrant le passage.) Nou!... pas parlai... NONANCOURT. Pourquoi ? FADINARD. C'est plein de serruriers. ^ f. NONANCOURT. àsa fille. Alors marche... secoue-toi... ça la fera descendre. (Se- eouant son pied.) Cristi ! je u'j tiens plus... je vais mettre des chaussons de lisière. Il se dirige vers te cabinet où est Anaîs FADINARD, lui barrant le passage* Nonl... pas par là! NONANCOURT. A cause ? '. ACTE PREMIER. 2S FADINARD. ' le vais vous dire... c'est plein de fumistes. NONANCOURT. Ah ç& ! vous logez donc tous les corps d'état?... Alors, filons!... ne nous faisons pas attendre... Bobin, donne le bras à ta cousine... Allons, mon gendre, à la mairie!... (Secouant son pied.) Gristi I • ^ |^ FADINARD, à part. Et les deux autres qui sont là! (Haut.) Je vous suis., le . temps de prendre mon chapeau, mes gants... ENSEMBLE NONANCOURT, HÉLÈNE, BOBIN. AIR : Chehes, sonnez/ {Mariée de Poiscy.) Vite, mon gendre, en carrosse I Nos huit fiacres nous attendent en bas. Et Ton dira : « C'est une noce Gomme à Paris l'on n'en voit past » FADINARD. Allez, montez en carrosse! cher beau- père, je suis vos pas. Je cours rejoindre la noce, Je descends, vous n'attendrez pas. HÉLÈNE et BOBIN. Vite, monsieur, en carrosse, etc. Nonancoq rt, Hélène et Bobin sortent par le fend. SCENE VII. FADINARD, ANAIS, EMILE, pais VIRGINIE. f ADINARD, courant vivement vers le cabinet où est la dame. Venez, madame... vous ne pouvez pas rester chez moi.** 1. » 4 i L 26 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. (Gourant au cabinet de gauche. ) AUons , monsieur , décam-> ponsl... Yirginie entre en riant par la deuxième porte de gauche. Elle tient à la main le morceau de chapeau de paille emporté par Félix, et ne voit pas les personnages en scène. — Pendant ce temps, Fadinard remonte au fond, pour écouter s^éloigner No- nancourt. Il ne voit pas Virginie. VIRGINIE, à elle-m6me. Âh! ah! ah! c'est comique! EMILE, à part. Ciel! Virginie!... ANAIS, entr'ouvrant la porte. Ma femme de chambre!... Nous sommes perdus!... Elle écoute, ainsi qu^Éinile, avec anxiété. VIRGINIE, A elle-raème. Une dame qui va faire manger son chapeau dans le bois de Vincennes avec un mihtaire!... FADINARD, se retournant et Tapercevaût; à part. D*où sort celle-là? Il redescend m peu vers la gauche. VIRGINIE, à elle-même. Il ressemble à celui de madame... Ça serait drôle tout de même!... EMILE, bas. Renvoyez cette fille, ou je vous tue !... VIRGINIE. u faut que je sache... FADINARD, faisant un bond. Sacrebleu ! (U arrache le morooaa de chapeau des mains d« Yir^^ aie.) Ya-t'en! ACTE PREMIER. 27 TIRGINIE, surprise et effrayée en apercevant Fadinard. Monsieur! monsieur!... FADINARD, la poussant vers la porte du fond. Va-t'en, ou je te tue î TIRGINIE, poussant m cri. Elle disparaît. SCÈNE VIII. EMILE, ANAIS, FADINARD. FADINARD, revenant. Quelle est cette créature?... que signifie?... (Soutenant Anai» ^i entre en chancelant.) Allons! bou!... elle Se trOUYC malt Il Passied à droite. EU ILE, allant à elle. Anaïs!... FADINARD. Madame, dépêchez-vous!... je suis pressé! TOIX DE NONANCOURT, au bas de l'escalier. Mon gendre! mon gendre! FADINARD. VoUà! voilai EMILE. Un verre d*eau sucrée, monsieur... un verre d'eau su- crée! FADINARD, perdant la tète. VoOàl voilà!... sacrebleu! quelle chance! n prend ce qu'il faut sur le guéridon et tourne le verre d'^au sucrée. •28 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. éUILE. Chère Anaîs!... (a Fadinard brusquement.) Allons donC ^ morbleu! FADINARD, tournant Peau sucrée. Ça fond, vertubleu! (a Anais.) Madame... je ne voudrais pas vous renvoyer... mais je crois que,. si vous retoumiei chez vous... ÉUILE. £hl monsieur, cela n'est plus possible, maintenant! FADINARD, étonné. Âh bah 1.0. comment, plus possible? AN AÏ s, d*une yoix altérée. Cette fille... FADINARD. Eh bien, madame?... ANAIS. Cette fille est ma femme de chambre... elle a reconnu le chapeau... elle va raconter à mon mari... FADINARD. Un mari?... ahl saprelottel il y a un maril... ÉUILE. Un jaloux, im brutal. ANAÏS. Si je rentre sans ce maudit chapeau... lui qui voit tout en noir... il pourra croire des choses... FADINARD, à part. Jaunes I ANAIS, avec désespoir. Je suis perdue. . . compromise!... ah! j'en ferai une ma- ladia -, ^ -^ ACTE PREMIER. 29 PADINARD, TiTement. Pas ici, madame, pas ici!... Tappartement est très-mal- tain. VOIX DE NONÂNCOURT, au bas de Tescalier. Mon gendre! mon gendre I FADINARD. Voilai YOilàl... (U boit. Revenant à ÉoaUe.) Qu'est-Ce que nous décidons? EMILE» à Anals. Il faut absolument se procurer im chapeau tout sem- blable... et vous êtes sauvée! FADINARD, enchanté. £h mais, parbleu!... T Africain a raison!... (Lui offrant le morceau de chapeau.) Tenez, madame... voici rôchantillon... et en visitant les magasins... ANAÏS. Moi, monsieur?... mais je suis mourante! ÉUILE« Vous ne voyez donc pas que madame est mourante?... Eh bien, ... ce verre d'eau ! . . . FADINAIiD, lui offrant le verre.' Voilà... (Le Yoyant yide.) Ah! tiens! il est bu... (Offrant Vé- ehantiiion à ÉmUe.) Mais VOUS, monsieur... qui n'êtes pas mou/rante? EMILE. Moi, monsieur, quitter madame dans un pareil état?... VOIX DE NONANCOURT. Mon gendre! mon gendre! FADINARD. Voilà!... (Allant poser le verre sur la table.) Mais, sapristi t I. t. r* .■• •t. ■ ■ . ■• 30 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. % m ï>/ -. Vf monsieur... ce chapeau ne Rendra pas tout seul sur \m tète de madame!... EM2LI, Sans doute. Gourez, monsieur, courez I FADINARD. Moi?... ANAÎSy se levant très- agitée. Au nom du ciel, monsieur, partez vite!, FADINABD, se récriant. Partez vite est joli!... mais je me marie, madame... j'ai l'honneur de vous faire part de cet affreux événement... ma noce m'attend au pied de l'escalier... ÉMILE^ brusquement. Je me moque bien de votre nocel... FADINARD. Lieutenant! ANAÏS. Surtout, monsieur, choisissez une paille exactement par reille... mon mari connaît le chapeau. FADINARD» Mais, madame... EMILE. Avec des coquelicots... FADINARD. Permettez... EMILE. Nous l'attendrons ici quinze jours, un mois... s'il le laut... m ACTE PREMIER. 3i FADINARD. De façon qu'il me faut galoper après an chapeau... sous peine de placer ma noce en état de vagabondage I ahl vous êtes gentil!... EMILE, saisissant une chaise. Eh bien, monsieur, partez-vous? FADINARD, exaspéré, lai prenant la chais«». Oui, monsieur," je pars... laissez mes chaises... ne tou- chez à rien! sapristi! (a lui-même.) Je cours chez la pre- mière modiste... Mais, qu'est-ce que je vais faire de mes huit fiacres?... £t le maire qui nous attend! n s'assied machinalement sur la chaise qu'il tenait VOIX DE NONANCOURT. Mon gendre ! mon gendre ! FADINARD, se levant et remontant. Je vais tout conter au beau-père I ANAIS. Par exemple I EMILE. Pas im mot... ou vous êtes mort! FADINARD. Très-bien!... ah! vous êtes gentils I... ^-- VOIX DE NONANCOURT, qui frappe A la porte Mon gendre ! mon gendre ! I ! ANAÏS et EMILE, courant à Fadinard N'ouvrez pas! Ils se jettent chacun à droite et à gauche de la porte qui s'juvre de façon à ce qu'ils soient cachés par les battants. 32 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE- SCÈNE IX. FADINARD, EMILE et ANAIS, cachés; NONANCOURT aa fond, puis FKLIX. NONANCOURT, paraissant à la porte du fond et tenaot un pot de myrte. , Mon gendre tout est rompu ! Il veut entrer. FADINARD, lui barrant le passage. Oui... partons! NONANCOURT, voulant entrer. Attendez que je dépose mon m3nrte. FADINARD, le faisant reculer. N'entrez pasi... n'entrez pas! NONANCOURT. Pourquoi? ' FADINARD. C'est plein de tapissiers!... venez!... venez ^ Ils disparaissent tous deux. La porte se referm*. ANAÏS, éplorée, se jetant dans les bras d^Emile. Ah! Emile! EMILE, c\e m6ine, en même temps. Ah! Analsl FÉLIX, entrant et les voyani. Qu'est-ce que c'est que ça? ACTE DEUXIEME. La thé&tre représente un salon de modiste. — A gaache, un comptoir parallèle à la cloison latérale. — Au-dessus» sur unesétagôre» une de ces iètes en carton dont se servent les modistes. Une capote de femme est placée sur cette tète. — Sur le comptoir, un^rand re- gistre, encrier, plumes, etc. — A gauche, porte au troisième plan. — A droite, portes aux premier et deuxième plans. — {^orte princi- pale au fond. — Banquettes des deux côtés de cette porte. — > Chaises. — On ne voit pas un seul article de modes dans cette pièce, excepté la tète en carton. — C^est un salon de modistes, les maga- sins sont censés être à c6té,>dans la pièce du deuxième plan de droite. — La porte du fond ouvre sur une antichambre. SCÈNE PREMIÈRE. CLARA, puis TARDIVE AU. CLARA, parlant à la cantonade^ à la porte de gauche, deuxième plan Dépôchez-Yous, mesdemoiselles I... cette commande est très-pressée... (En scène.) M. Tardiveau n'est pas encore arrivé!... Je n'ai jamais vu de teneur délivres auss» lambin... U est trop vieux... j'en prendrai un jeune. TARDIVEAU, entrant par le fond. Ouf I... me voilà!... je suis en nage... Il prend an foulard dans son chapeau et s'essuie U fironc 34 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. CLARA. Mon compliment, monsiem* Tardiveau... vous arriver de bonne heure. TARDIVEAU. Mademoiselle... ce n'est pas ma faute... je me suis levé à six heures... (a part.) Dieu! que j'ai chaud !... (Haut.) J'ai fait mon feu, j'ai fait ma bdrbe, j'ai fait ma soupe, je l'ai manf^àe... CLARA. Votre soupe!... Qu'est-ce que cela me fait? TARDIVEAU. Je ne peux pas prendre de café au lait... ça ne passe pas... et, comme je suis de garde... CLARA. Vous? TARDÎTEAU. Alors, j'ai été ôter ma tunique... parce que, chez une modiste... l'uniforme... CLARA. Ah çà, mais, père Tardiveau, vous avez plus de cin- quante-cinq ans... TARDIVEAU. J'en ai soixante-deux, mademoiselle... pour vous servir. CLARA, à part. Merci bien. TARDIVEAU. Mais j'ai obtenu du gouvernement la faveur de conti-^ nnermon service... CLARA. £n voilà du dévouement! ACTE DEUXIÈME. 35 TARDIYEAU. Non! oh! non!... c'est pour me retrouver avec Trauille- bert. CLARA. Qu'est-ce que c'est que ça? TARDIYEAU. Trouillebert?... un professeur de clarinette... alors, noua nous faisons mettre de garde ensemble, et nous passons la nuit à jouer des verres d'eau sucrée... C'est ma seule fai- blesse... la bière ne passe pas. n va prendre place dans le comptoir. CLARA, à part. Quel vieux maniaque! TARDIVEAU, à part. Dieu! que j'ai chaud!... ma chemise est trempée. CLARA. Monsieur Tardiveau, j*ai une course à vous donner, vous allez courir... TARDIVEAU,' Pardon... j'ai là mon petit vestiaire, et, auparavant, je vous demanderai la permission de passer un gilet de flanelle. CLARA. Oui, en revenant... Vous allez courir rue Rambuteau, chez le passementier... TARDIVEAU. C'est que... CLARA. Vous rapporterez des écharpes tricolores... TARDIVEAU. Des écharpes tricolores?... 30 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE, CLARA. C est pour ce maire de province, vous savez... TARDIVE AU, sortant du comptoir. C'est qiie ma chemise est trempée. CLARA. liais allez donc !... vous n'êtes pas parti? TARDÏVEAU. Voilà! (A part.) Dieu! que j'ai chaud!... je changerai en revenant... 11 sort par le fond. SCÈNE II. CLARA, puU FADINARP. CLARA, seule. Mes ouvrières sont à l'ouvrage... tout va bien... C'est une bonne idée que j'ai eue de m'établir... Il n'y a que quatre mois, et déjà les pratiques arrivent... Ah! c'est que je ne suis pas une modiste comme les autres, moi!... Je suis sage, je n'ai pas d'amoureux... pour le moment. (On «ntend un bruit de voitures.) Qu'CSt-CC que c'est que Cela? FADINARD, entrant vivement. Madame, il me faut un chapeau de paille, vite, tout de suite, dépêchez-vous! CLARA. Un chapeau de...? (Apercevant Fadinard.) Ah! mon Dieuf FADINARD, à part. Bïgre! Garai... une ancienne!... et ma noce qui est à la porte ! (Haut, tout en se dirigeant vers la porte.) YOUS n'en tenez pas?... très-bien... je reviendrai... ACTE DEUXIÈME. 37 CLARA, Parrètant. Ahl VOUS voilai... et d'où venez-vous? FADINARD. Chut!... pas de bruit... je vous expliquerai ça... J'arrive de Saumur. CLARA. Depuis six mois? FADINARD. Oui... j'ai manqué la diligence... (a part.) Fichue ren- contre ! CLARA. Âh ! vous êtes gentil!... c'est conune ça que vous vous conduisez avec les femmes ! FADINARD. Chut! pas de bruit I... j'ai quelques légers torts, j'en conviens... CLARA.' Gomment, quelques légers torts?... Monsieur me dit : « Je vais te conduire au château des Fleurs... nous par- tons... en route, la pluie nous surprend... et, au lieu de m'ofFrir un fiacre, vous m'ofifrez... quoi?... le passage de? Panoramas. FADINARD, à part. C'est vrai... j'ai été assez canaille pour ça. CLARA. Une fois là, vous me dites : « Attends-moî, je vais cher- cher un parapluie... » J'attends, et vous revenez... au bout 1^e six mois... sans parapluie I FADINARD. Oh! Clara... tu exagères!... d'abord, il n'y a que cinq I. 3 3H UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. mois et demi... quant au parapluie, c'est un oubli... je vais le chercher... Fausse a->rtie. CLARA. Du tout, du tout... il me faut une explication I FADINARD, à part. Sapristi! et ma noce qui drogue à l'heure... dans huit fiacres... (Haut.) Clara, ma peEte 'CIararrr4u sais si je t'aime. Il l*embrasse. CLARA. Quand je pense que cet être-là avait promis de m'é- pouserl... FADINARD, à part. Gomme ça se trouve 1 (Haut.) Mais je te le promets tou- jours... CLARA. Oh! d'abord, si vous en épousiez une autre... je ferais un éclat. FADINARO. Oh! ohl qu'elle est bêtel... moi, épouser une autre femme!... mais la preuve, c'est que je te donne ma pra- tique... (Changeant de ton.) Ahl... j'ai besoin d'un chapeau de paille d'Italie... tout de suite... avec des coquelicots. CLARA. Oui, c'est ça... pour une autre femme! FADINARD. Oh! oh! qu'elle est bête !... ufi chapeau de paille pour... non, c'est pour un capitaine de dragons... qui veut faire des traits à son colonel. CLARA. Hum! ce n'est pas bien sûr I... mais je vous pardonne. •• & une condition. ACTE DEUXIÈME. . ^ 39 FADINARD. Je Faccepte... dépéchons-nouBf CXARA. C'est que vous dînerez avec moi. FADINARD. Parbleu! CLARA. Et vous me conduirez ce soir à TÂmbigu. FADINARD. Ah ! c'est une bonne idée ! . . . voilà une bonne idée ! . . . J'ai* justement ma- soirée libre... je me disais comme ça: « Mon Dieu! qu'est-ce que je vais donc faire de ma soirée ?...>r Voyons les chapeaux! CLARA. C'est ici mon salon... venez dans mon magasin et ne faites pas l'oeil à mes ouvrières. Bile entre à droite au deuxième plan. Fadlnard va pour la suivre. Nonancourt entre. SCÈNE III. FADINARD, NONANCOURT, puis HÉLÈNE, BOBIN, VËZINET et Gens de la noce des deux sexes. NONANCOURT, entrant et tenant un pot de myrte. Mon gendre!... tout est rompu! FADINARD, à part. Pristi! le beau-père! NOKANCOURT. OÙ est monsieur le maire? 10 UN CHAPEAU DE PAILLE D4TALIS. FADINARD. Tout à rheure... je le cherche... attendez-moi... II entre vivement à droite, deuxième plan. Hélène. Babio, Véslnoi •t les gens de la Noce entrent en procession. CHOEUR AIR : Ne tardons pas {^Mariée de Poissy) Parents, amis, En ce beau jour réunis, A la mairie Entrons en cérémonie. C'est en ces lieux Que deux cœurs bien amoureux Vont, des époux. Prononcer les serments si doux I NONANCOURT. Enfin, nous voilà à la mairie!... mes enfants, je vous recommande de ne pas faire de bêtises... gardez vos gants ceux qui en ont... quant à moi... (Secouant son pied, a partj Gristi! il est embêtant, ce myrte!... si j'avais su, je l'aurais laissé dans le fiacre! (Haut.) Je suis très-ému... et toi, ma fille? HÉLÈNE. Papa, ça me pique toujours dans le dos. HONAlfCOURT. Marche, ça la fera descendre. Hélène remonte. BOBIN. Père Nonancourt, déposez votre myrte. NONANCOURT. Non I je ne m'en séparerai qu'avec ma fille I (A. Hélène, av^o attendrissement.) Hélène !..# ACTE DEUXIÈME. i| AIR de la romance de l'Amandier, Le jour même qui te vit naître J'empotai ce frêle arbrisseau; ♦^e le plaçai sur la fenêtre, n grandit près de ton berceau, n poussa près de ton berceau. Et, lorsque ta mère nourrice Te donnait à teter le soir... [Dis,] Je lui rendais le même office Aunioyen... de mT5n arrosoir. Oui, je fus sa mère nourrice Au moyen de mon arrosoir. (S*!nterrompant et secouant son pied.) Crlstl! (Remettant ie myrte à Bobin.) Tiens ! prends ça... j'ai une crampe! YÉZINET. C'est très-gentil ici... (Montrant le comptoir.) Voilà le pré- toire... (Montrant le livre.) Le registre de l'état civil... nous allons tous signer là-dessus. BOBIN. Ceux qui ne savent pas? NONANCOURT. Y feront une croix. (Apercevant la tète en carton.) Tiens 1 ^ns! un buste de femme!... ah! il n'est pas ressem- blant ! BOBIN. Non... celui de Charentonneau est mieux que ça. HÉLÈNE. Papa, qu'est-ce qu'on va me* faire? NONANCOURT. Rien, ma fille... tu n'auras qu'à dire : Oui, ej baissaui les yeux.. /el tout sera fini. 42 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. BOBIN. Tout sera finil... ahl... (Passant le myrte à Vézinet.) TendI ça, j'ai envie de pleurer... YÉZINET, qui s'apprêtait à se moucher. Aveô plaisir... (a part.) Diable I c'est que, moi, j'ai envie de me moucher. (Remettant le myrte à Nonancourt.) Tenez, père Nonancourt. NONANCOURT. Merci l (a part.) Si j'avais su, je l'aurais laissé dans le fiacre. SCÈNE IV. Les Mêmes, TARDIVEAU. TARDIVEAU, rentrait tout essoufflé, entre dans le comptoir. Dieu l que j'ai chaud I (II pose sur le comptoir des écharpes tricolores.) Ma chemise est trempée I NONANCOURT, apercevant Tardiveau et les écharpes. Hum 1 voici monsieur le maire avec son écharpe... gardez vos ganta. BOBIN, bas. Mon oncle, j'en ai perdu un... NONANCOURT. Mets ta main dans ta poche. (Bobin met la main gant^-^ dat>* •a poche.) Pas celle-là, imbécile. n les mot toutes les deux. Tardiveau a pris ud gilet de flanelle sous lo comptoir. TARDIVEAU, à part. Enfin, je vais pouvoir changer 1 ACTE DEUXIÈME. 43 RONÀNCOURT, prend Hélène par la main et la pré«ente à Taviiyea» Monsieur, voici la mariée... (Bas.) Salue! Hélène fa'it pluaienrs réyérences* TARDIYBAUy cachant vivement son gilet de flanelle et à pari Qu'est-6e que c'est que ça? NONÀNGOURT. €'esl ma fille. BOBIN. Ha cousine... NONANGOURT. Je suis son père... ROBIN. Je suis son cousin. NONANGOURT. Et voilà nos parents. (Aux antres.) Saluez ! Toute la Noce salw TA RDI VEAU, rend des saints à droite et à gauche, à part Us sont très-polis... mais ils vont m'empôçher de changer. NONANGOURT. Voulez-vous commencer par prendre les noms? Il pose son myrte sur le comptoir. TARDIVEAU. Volontiers, (il onyre le grand livre et dit à part.) C'CSt nne noce de campagne qui vient faire des emplettes. NONANGOURT. Y étes-vous? (Dictant.) Antoine, Petit-Pierre... TARDIVEAU. Les prénoms sont inutileF 44 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. NONANCOURT. Ahl (Aux gens de la Noce.) A Gharentonneau, on les de- mande. lARDIYEAU. Dépêchons-nous, monsieur... j'ai extrêmement chaud NONANCOURT. Oui. (Dictant.) Antoine Voiture, Petit-Pierre, dit Nonan- court. (SMnterrompaat.) Grîstil... Pardonnez à mon émotion... j'ai un soulier qui me blesse... (OuTrant ses bras à Hélène.) Ah! ma fille... HÉLÈNE. Ah I papa, ça me pique toujours. TARDIVEAU, Monsieur, ne perdons pas de temps. (A part.) Bien sûr, je vais attraper une pleurésie. Votre adresse? NONANCOURT. Citoyen majeur. TARDIVEAU. Où demeurez-vous donc? NONANCOURT. Pépiniériste. BOBIN. Membre de la société d'horticulture de Syracuse. TARDIVEAU. Mais c'est inutile ! NONANCOURT. Né à Grosbois, le 7 décembre, nonante-huit. TARDIVEAU. En voilà assez 1 Je ne vous demande pas votre Liogrr- phiel ACTE DEUXIÈME. 48 NONANCOURT. J*ai fini... (a part.) Il est caustique, ce maire, (a Vézinet.) A TOUS. Vézinet ne bouge pas. BOBIN, le poussant. A TOUS I YÉZINET, s^avance majestueusement près du comptoir. Monsieur, a. -zt d'accepter la mission de témoin... TARDIVEÀU. Pardon... VÉZINET, continuant. Je me suis pénétré de mes devoirs... NONANCOURT, à part. OÙ diable est passé mon gendre? VÉZINET. n m*â paru qu'un témoin devait réunir trois questions, TARDIVEAU. Hais, monsieur... VÉZINET. La première... BOBIN, entr'ouvrant la porte de droite, deuxième plan. Ahl mon onde! venez voir. NONANCOURT. Quoi donc?... (Regardant et poussant un Cfi.) Nom d*un pé» pini 1 1 Mon gendre qui embrasse une femme... TOUS. Ohl Rumeur dans la Noce. *• 3. 46 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIk. BOBIN. Le polisson! HÉLÈNE. C'est affreux I NONAWCOUHT Le jour de ses noces! TÉ Z INET, qui n*a riea entendu, à Tardiveau. La seconde est d'être- Français... ou tout au moins na turalisé. NONANCOURT, à Tardiveau. Arrêtez I... Ça n'ira pas plus loinl... Je romps tout... Biffez, monsieur, biffez I (Tardiveau biffe.) Je reprends ma fille. — Bobin, je te la donne! BOBIN, juyeux. Ah! mon oncle I... -SCÈNE V. Les Mêmes, FADINARD. TOUS, en voyant paraîtra Fadinard Ah 1 le voilà ! CHOEUR. ENSEMBLE. àlB : t'est vraiment une horreur {Tentations d'Antoineite^ fin dn S« «et») Alil vraiment c'est affreux! • C'est un trait scandaleux ! C'est honteux ! ^ Odieux ! Oui, c'est monstrueux} ACTE DEUXIÈME. 4Î FADINARD. Quel courroux orageux t Qu'ai-je donc fait d'aflfreux,. De honteux. D'odieux, De si monstrue«x? Mais qu'est-ce qu'il y a? Pourquoi avcz-vous quitté yoê fiacres? IfONANCOURTr Mon gendre, tout est rompu I FADINARD. C'est convenu. NONANCOURT. Vous me rappelez les orgies de la Régenr^e I fi, mon- sieur, fil BOBIN et LES INYITÉS. Fil fil FADINARD. Maïs qu'estrce que j'ai encore fait? TOUS. Ohl NONÂNCOURT. Vous me le demandez?... Nonl... Tu me le demandes! Quand je viens de te surprendre avec ta Golombine... ar- lequin! FADINARD, à part. fichtre I il m'a vul (Haut.) Alors, je ne le nierai pas. TOUS. Ahl 48 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE HÉLÈNE, plearant. 11 l'avoue! BOBIN. Pauvre cousine 1 (Embrassant Hélène.) Fi, mousieuT, fi! FADINARD. Tenez- vous donc tranquille, vous!... (ABobin, i« repoussant.) On ne marche pas dans les plates-bandes. BO.^IN. C'est ma cousine I NONANCOURT. C'est permis* FADINARD. Ahl c'est permis... Eh bien, cette dame que j'ai em- brassée est ma cousine aussi. TOUS. Ahlll NONANCOURT. Présentez-la-moi... je vais l'inviter à la noce. FADINARD, à part.. 11 ne manquerait plus que ça I (Haut.) C'est inutile... elle n'accepterait pas... elle est en deuil. NONANCOURT. En robe rose? FADINARD. Oui, c'est de son mari. NONirtrCOURT. Ah! (A Tardiveau.) Monsieur, je renoue I Bobin, je te la retire. ACTE DEUXIEME. 49 BOBIN, vexé, à part: Vieux tourniquet! NONANCOURT. Nous pouvons commencer... (Amx autres.) Prenons place* Toute la Noce s'assied à droite, en face de Tardiveau. FAD^'NARD, à l*extr6me gauche, sur le devant, à part. Que diable font-ils là? TARDIYEAUy quittant son grand livre et allant prendre son gilet d« flanelle à Pextrémité du comptoir, à part. Non I je ne yeux pas rester comme ça... NONANCOUBÏT, à la Noce. Eh bien, il s'en va ?... 11 paraît que ce n'est pas ici qu'on marie. TARDIYEAU, son gilet de flanelle à la main, à part. Il faut absolument que je change. Il sort du comptoir, par Payant-scène. NONANCOURT, à la Noce. Suivons monsieur le maire I Il prend son myrte sur le comptoir, et passe dans le comptoir en sniyant Tardiveau. Toute la Noce suit Nonancourt à la file ; Bobin prend le registre, Vézinet, Pécharpe ; d'autres l'encrier, la plume, la règle. Nonancourt donne le bras à sa fille. Tardi- reau, se voyant suivi, ne sait ce que cela signifie, et sort pré» cipitamment par la droite, premier plan. CHOEUR. AIR : Vitel que Von se rende {Tentations d'Antoinette, acit 4*). Puisque ce dignitaire Daigne guider nos pas. Suivons monsieur le maire fit ne le quittons pas t 50 UN CHAPEAU DE PAILLE SCÈNE VI. FADINARD, puis CLARA. FADINARD, seul. Qu'est-ce qu'ils font ?... où vont-ils ? GLABA, entrant parla droite, deuxième pian. Monsieur FadinardI FADINARD. Ah! Claral... CLARA. Dites donc.jyoici votre échantillon... je n'ai rien d© pa- reil à ça. FADINARD. Gomment I CLARA. C'est une paille très-fine... qui n'est pas dans le com- merce... Ohl vous n'en trouverez nulle part, allez I Elle lui rend le fragment de chapeau FADINARD, à part. Sapristi I me voilà bien I CLARA. Si vous voulez attendre quinze jours, je vous en ferai venir im de Florence ? FADINARD. Quinze jours I... Petite bûche I CLARA. Je j:i'en connais qu'un semblable à Paris. ACTE DEUXIÈME. 51 FADINARD, vivement. Je rachète 1 CLARA. Oiii, mais il n'est pas à vendre... Je l'ai monté, il y a huit jours, pour madame la baronne de Ghampigny. Clara s^approche du comptoir et range dans le magasin. FADINARD9 à part, se promenant. Une baronne I... Je ne peux pas me présenter chez ello et lui dire : « Madame, combien le chapeau?... » Ma foi, tant pis pour ce monsieur et cette dame I... je vais d'abord me marier, et après... SCÈNE Vil. Les Mêmes, TARDIVEAU, toute la Noce. TARDIVEAU. Il entre trèa-effaré par la porte du fond, il tient son gilet de flanelle à la main. Dieu l que j'ai chaud 1 Au m^me instant, toute la Noce débouche à sa suite. Nonancourt avec son mjrte, Bobin portant le registre et Vézinet Pécharpe. Tardiveau, en les voyant, reprend sa course et entre à gauche. CHOEUR. Même chœur que ci-dessus. Puisque ce dignitaire, Etc.. CLARA, 'Stupéfaite. Qu'est-ce que c'est que ça ? Elle entre à gauche. FADINARD. Quel commerce font-ils là ?.. . Père Nonancourt ! 11 va Bulyre la Noce, lorsquUl est arrêté parFéM^^ qui eivtrtj vive- ment par le fond. 1 V 52 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE, SCÈNE VIII. FERDINAND, FÉLIX, puis CLARA. FÉLIX. Monsieur, je viens de la maison. FADINARD, vivement * Eh bien, ce militaire?... FÉLIX. Il jure... il grince... il casse les chaises... FADINARD. Sapristi I FÉLIX. Il dit que vous le faites poser... que vous deviez être de retour dans dix minutes... mais qu'il vous repincera tôt ou tard quand vous reYitrerez... FADINARD. Félix, tu es mon domestique, je t'ordonne de le flanquer par la fenêtre. FÉLIX. 11 ne s'y prêterait pas. FADINARD, vivement. Et la dame?... la dame?... FÉLIX. Elle a des attaques de nerfs... elle se roule... elle pleure. FADINARD. Ça séchera. ^jywfM.iiaiP i| m ^^^^^B^iMHHaHps^M^HHBB^HBB ACTE DEUXIÈME. 53 FÉLIX. Alors, on a envoyé chercher le médecin, il l'a fait mettre au lit et il ne la quitte pas. FADINÀRD, criant. Au lit?... où ça, au lit?... dans quel lit?... FÉLIX. Dans le vôtre, monsieur ! FADINARD, avec force. Profanation!... je ne veux pas!... la couché de ii£8Si Hélène... que je n'osais pas même étrenner du regard!... et voilà une dame qui vient y rouler ses nerfs I... Va, cours... fais-la lever... tire les couvertures... FÉLIX. Hais, monsieur... FADINARD. Dis-leur que j'ai trouvé Tobjet... que je suis sur la piste!... FÉLIX. • Quel objet ? FADINARD, le poussant. Va donc, animal!... (a lui-mème.) 11 n'y a plus à hésiter... Une malade chez moi, tin médecin !... il me faut ce chapeau à tout prix I... dussé-je le conquérir sur une tête couron- Dée... ou au sommet de Tobélisque !... Oui, mais... qu'est- ce que je vais faire de ma noce?... Une idée!... si je les introduisais dans la colonne!... C'est ça... je dirai au gar- dien : « Je retiens le monument pour douze heures ; ne faissez sortir personne !... » (a Glai*a qui rentre étonnée par la ^uche, en regardant à la cantonade. — La ramenant vivement sur le ievan t.) Gla?a ! . . , vitc 1 . . . OÙ demcurc-t-elle ?. . . CLARA. Qui ça? Sf UN CHXPBAU DE PAIULK D'ITALIR. FÀDINARD. Ta baronne I *- CLARA. Quelle baronne? FADINARD. La baronne au chapeau, crétinel... CLARA, se révoltant. Ahl mais, dites donc!... FADINARD. Nonl... cher angel... je voulais dire : cher ange I... Donne-moi son adresse. CLARA. M. Tardiveau Ta vous j conduire... le voici... Mais« vous m'épouserez?... PADINARD. Parbleu i... SCÈNE IX. FADINARD, CLARA, TARDIVEAU, pui. TOUTE LA NOCB. TARDIYEAU, entrant par la gancfae, et de pins en plus effaré. Mais qu'est-ce que c'est que ces gens-là?... Pourquoi diable me suivent-ils?.... Impossible de changer I... CLARA. Vite, conduisez monsieur chez la baronne de Cham- Pigny. TARDITEAU. Mais, madame... «i^ipaiv N ACTE DEUXIÈME. 85 FADINARD. Dépêchons-nous... c'est pressé I... (a Tardiveau.) J'ai huit fiacres... prenez Je premier... II Pentralne par le fond* Toute la Noce -débouche par la gauche et 8*élance à la suite de Tardiveau et de Fadinard. CHOEUR. M6me chosur que le précédent- Puisque ce dignitaire, Etc. Gara, voyant emporter son grand livre» veut le retenir, le rideau tombe. ACTE TROISIÈME. Le théâtre représente un riche salon. — Trois portes ao fond s^ovyrant sur la salle à manger. — A gauche, une porte conduisant dans les autres pièces de Tappartement. — Sur le devant, une causeuse. — A droite, porte principale d^entrée; plus loin, une porte de cabinet. — Sur le devant, adossé à la cloison, un piano ; ameublement somp- tueux. SCÈNE PREMIÈRE. LA BARONNE DE CHAMPIGNY, ' ACHILLE DE ROSALBA. Au lever du rideau, les trois portes du fond sont ouvertes, on aperça 't une table splendidement servie. ACHILLE, entrant par la droite et regardant dans la coulisseu Charmant 1 ravissant!... c'est décoré avec un goûti... Regardant au fond.) Et par ici... unc Êable servie !... LA BARONNE, entrant par la gauche. Curieux I... ACHILLE. Ah çàl ma chère cousine... vous nous invitez à une matinée musicale, et je vois les préparatifs d'un souper..- Qu'est-ce que cela signifie ? ACTE TROISIÈME. 57 LA BAR01fN£. Cela signifie, mon cher vicomte, que j'ai Tinteî^lion de garder mes invités le plus longtemps possible... Après le concert, on dînera, et, après le diner, on dansera... Voili^ le programme. ACHILLE. Je m*y conformerad... Est-ce que vous avez beaucoup de chanteurs ? LA BARONNE. Oui; pourquoi? ACHILLE. C'est que je vous aurais priée de me conserver une pe- tite place... j'ai composé une romance... LA BARONNE, à part. Aîel... ACHILLE. Le titre est délicieux : Brise du soir ! LA BARONNE. C'est neuf surtout. ACHILLE. Quant à l'idée... c'est plein de fraîcheur... on fait les foins... un jeune pâtre est assis dans la prairie... LA BARONNE. Certainement... c'est très-gentil... en famille... pendant qu'on fait le wisth... Mais, aujourd'hui, mon cousin... place aux artistes I... Nous aurons les premiers talents, et, parmi eux, le chanteur à la mode, le fameux Nisnardi de Bologne. ACHILLE. Nisnardi I... Qu'est-ce que c'est que ç&î 58 UI^ CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. Lk BARONNE. Un ténor, arrivé depuis hait jours à Paris, et qui est déjà célèbre... on se Tarrache. ACHILLE. Je ne le connais pas. LÀ. BARONNE. Ni moi... mais j'y tenais... je lui ai fait offrir trois mille francs pour chanter deux morceaux... ACHILLE. Prenez Brise du soir... pour rien! LA BARONNE, souriant. C'est trop cher... Ce matin, j'ai reçu la réponse du si- gnor Nisnardi. . . la voici I . . . ACHILLE. Ah I un autographe... voyons !... LA BARONNE, lisant « Madame, vous me demandez deux morceaux, j'en chan- terai trois... Vous m'offrez mille écus, ce n'est pas assez... » ACHILLE. Mazettel... LA BARONNE, continuant. « Je n'accepterai qu'une fleur de votre bouquet. » ACHILLE. Ahl... c'est délicat I... c'est... tiens! j'en ferai une ro- mance I . . . LA BARONNE. C'est un homme charmant I... feudi dernier, il a chanté chez la comtesse de Bray... qui a de si jolis pieds... tous savez ?... ACTE TROISIÈME. %9 ACHILLE. Oui... Eh bien !... LÀ BARONNE. Devinez ce qu'il lui a demandé ? ACHILLE. Dame I je ne sais pas.... un pot de giroflées 7 LA BARONNE. Non... un soulier de bal I ACHILLE. In soulier !•«• Ah I voilà un original I LA BARONNE. H est plein de fantaisies. ACHILLE. Après ça... tant qu'elles ne passeront pas la cheville... LA BARONNE. Vicomte I... ACHILLE. Damel écoutez donc!... un ténor 1... On entend le brait de plnsieurs voitures. LA BARONNE. Ahl mon Dieul... seraient*ce déjà mes invités?... Mon eousin, veuUlez me remplacer, je ne serai pas longtempa Elle sort par la ganehe. SCÈNE II. ACHILLE, puis UN DOMESTIQUE. ACHILLE, à la baronne qui sort. SojOE tranquille^ belle cousine... comptez sur moi. 60 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. UN DOMESTIQUE, entrant par la dro/ie. Il 7 a là un monsieur qui demande à parler à madaiii la baronne de Champigny. ACHILLE. Son nom? LE DOMESTIQUE. Il n'a pas voulu le donner... Il dit que c'est lui qui a eu rhonneur d'écrire ce matin à madame la baronne. ACHILLE, à part. Ah! j'y suis... le chanteur, l'homme au soulier, je suis curieux de le voir... Diable !... il est exact... On voit bien que c'est un étranger... N'importe!... un homme qui re- fuse trois mille francs, on doit le combler d'égards... (Aa domestique.) Faites entrer... (a part.) D'ailleurs, c'est un mu- sicien, un confrère... SCÈNE II. FADINARD, ACHILLE. FADINARD, paraissant à droite, très-timidement. Pardon, monsieur!... Le domestique sort* ACHILLE. Entrez donc, mon cher, entrez donc!^.. FADINARD, embarrassé et s^avançant avec force salut» • Je VOUS remercie... j'étais bien là... (ii met sou cnapeaa suv •a tète et Tôte vivement.) Ah!... (A part.) Je UC sais plus ce que je fais... ces domestiques... ce salon doré... (indiquant u droite.) CCS grands portraits de famille qui avaient l'air ACTE TROISIÈME. 61 de me dire ; x Veux-tu f en aller I nous ne vendons pas de chapeaux ]»«. » Tout ça m'a donné im trac!... ACHILLE, le lorgnant, à part. 11 a bien l'air d'un Italien!... Quel drôle de gilet!.., (il rit en le lorgnant.) Eh eh eh 1 ' FADINARD, lui faisant plusieurs saluts. Monsieur... j'ai bien l'honneur... de vous saluer... (a part) C'est quelque majordome ! . . . ACHILLE. Asseyez- vous donc ! . . . FADINARD. Non, merci... je suis trop fatigué... c'est-à-dire... je suIb venu en fiacre... ACHILLE, riant. En fiacre?... c'est charmant I FADINARD. C'est plus dur... que charmant. ACHILLE. Nous parlions de vous à l'instant!... Ah! mon gaillard I il paraît que vous aimez les petits pieds?... FADINARD, étonné. Aux truffes?... ACHILLE. Ah! très-joli!... C'est égal, votre histoire de soulier est adorable... adorable!... FADINARD, à part. Ahçà! qu'est-ce qu'il riie chanto?... (Haut.) Pardon... s'D n'y a pas d'indiscrétion, je désirerais parler à madame la baronne... 02 UN GHAPfiAU DE PAILLE D'ITALIB. ACHILLE. C'est prodigieux, mon cher... vous n'avez pas le K:;>'ïn- dre accent... FADINARD. Oh! vous me flattez... ACHILLE. Ha parole ! tous seriez de Nanterre... FADINARD, à part. Ah çàl qu'est-ce qu'il me chante?... (Haut.) Pardon., s'il n'y a pas d'indiscrétion, je désirerais parler... ACHILLE. A madame de Ghampigny?... Elle va venir, elle esta sa toilette... et je suis chargé de la remplacer, moi, son cousin, le vicomte Achille de Rosalba. FADINARD, à part. Un vicomte!... (ii lui fait plusieurs* saïuts, à part.) Je n'oserai jamais marchander un chapeau de paille à ces gens-là I... ACHILLE, rappelant Dites donc?... FADINARD, allant à lui. Monsieur le vicomte ?. . . ACHILLE, s^appuyant sur son épaule. , Qu'est-ce que vous penseriez d'une romance intitulée ï Brise du soir ? FADINARD. Moif... mais... Et vous? ACHILLE. C'est plein de fraîcheur... On fait les foins... un jeune pâtre... « AGTB TROISIÈME. 63 FADINÀRB, retirant son épaule de dessooa le bras d*AchiUe. Pardon... s*il n'y a pas. dlndiscrétion , je "désirerais parier... ACHILLE. C'est juste... Je cours la prévenir... Enchanté, mon cher, d'avoir fdt votre connaissance... FADINÀRD. Ohl monsieur le vicomte!... c'est moi... qui... ACHILLE, sortant. C'est qu'il n'a p^s le moindre accent... pas le moindre I... Il sort à gauche. SCÈNE IV. FADINARD, seul. Enfin, me voici chez la baronne 1... Elle est prévenue de ma visite; en sortant de chez Clara, la modiste, je lui ai vite écrit un billet pour lui demander ime audience... Je lui ai tout raconté, et j'ai fini par cette phrase que je crois pathétique : « Madame, deux têtes sont attachées à votre chapeau... rappelez-vous que le dévouement est la plus belle coiffure d'une femme!... » Je crois que ça fera bien, et j'ai signé : le comte de Fadinard. Ça ne fera pas mal non plus... parce qu'une baronne... Sapristi! elle met le temps à sa toilette I... et ma diable de noce qui est toujours là, en bas... C'est qu'il n'y a p^s à dire, ils ne veulent pas me lâcher... depuis ce matin, je suis dans la iituation d'un homme qui se serait po&é une place de fiacres... pas sur l'estomac!... c'est très-incommode.. pour aller dans le monde... sans compter le beau-père.. mon porc-épic... qui a toujours le nez à la portière pour me crier : « Mon gendre, êtes-vous bien?... Mon gendre. 64 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. quel est ce monument?... Mon gendre,oùallone-nous?...)i Alors, pour m'en débarrasser, je lui ai répondu: « Au Veau qui tèteU., et ils se croient dans la cour de cet établisse- ment; mais j'ai recommandé aux cochers de ne laisser monter personne... Je n'éprouve pas le besoin de présen- ter ma famille à la baronne... Sapristi l elle met le temps à sa toilette!... si elle savait que j'ai chez moi deux enra> gés qui disloquent mes meubles... et que, ce soir, peut- être... je n'aurai pas même une chaise à offrir à ma femme... pour reposer sa tête... Oui, à ma femme î... Ah! tiens! je ne vous ai pas dit... un détail!... je suis marié!... c'est fini!... Que voulez-vous!... le beau-père écumait... sa fille pleurait et Bobin m'embrassait... Alors, j'ai profité d,'un embarras de voitures pour entrer à la mairie et, de là, à l'église... Pauvre Hélène!... si vous l'aviez vue avec son air de colombe!... (changeant de ton.) Ah! sapristi! elle met le temps à sa toilette !... Ah! la voici!... SCÈNE V. FADWARD, LA BARONNE. LA BARONNE, entrant par la gauche, en toilette de bal et avec un bouquet. Mille pardons, cher monsieur, de vous avoir fait at- 'tendre... FÂDINARD. C'est moi, madame, qui suis confus... (Dans son trouble, n remet son chapeau sur sa tète et Pâte vivement, à part.) BiCD ' VOilà mon trac qui me reprend. LÀ BARONNE. Je vous remercie d'être venu de bonne heure... nous pourrons causer... Vous n'avez pas froid? ACTE TROISIÈME. 65 FADINARD, s'essuyant le front. Merci... je suis venu en fiacre... LA BARONNE. Ahl dame! il y a une chose que je ne puis pas vous donner... c*esHe ciel de l'Italie.* FADINARD. Ahl madame!... d'abord, je ne l'accepterais pas... ç» me gênerait... et puis ce n'est pas là ce que je suis venu chercher... LA BARONNE. Je le pense bien... Quel magnifique pays que l'Italie I FADINARD. Ah! oui... (a part.) Qu'est-ce qu'elle a donc à parler da ritalie? LA BARONNE. . AIR de la Fée aux roses. Le éouvenir retrace à mon âme charmée Seb palais somptueux, ses monts et ses coteaux... FADINARD, comme pour lui rappeler le but de sa visite. Et ses chapeaux t LA BARONNE. Et sef; bois d*orangers où la brise embaumée BÏêle des chants d'amour aux chansons des oiseaux; Son golfe aux tièdes eaux Berçant mille vaisseaux; Et ses blés d'or si beaux... FADINARD, de même. Dont on fait de très -jolis chapeaux... Que mangent les chevaux. I 66 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. LA. BARONNE, étonnée. Comment? FADINARD, un peu ému. Madame la baronne a sans doute reçu le billet que je lui ai fait l'honneur... no^! que je me suis feit l'honneur... c'est-à-dire que j*ài eu l'honneur de lui écrire?... LA BA.R0NNE. Certainement... c'est d'une délicatesse... Elle s'assied sur la causeuse et fait signe à Fadinard de prendre une chaise. FADINARD. Vous avez dû me trouver bien indiscret... LA BARONNE. Du tout. FADINARD, s'asseyant sur une chaise, presse la baronne. Je demanderai à madame la baronne la permission de lui rappeler... que le dévouement est la plus belle coiffure d'une femme. LA BARONNE) étonnée. Plaît-il? FADINARD. Je dis... le dévouement est la plus belle coiffure d'unt^ femme. LA BARONNE. Sans doute, (a part.) Qu'est-ce que cela veut dire? FADINARD, à part. Elle a compris... elle va me remettre le chapeau... LA BARONNE. Convenez que c'est une belle chose que la musique!.. ACTE TROISIÊMB. ^'^ FÀDIKÀRD. Hein? LÀ BARONNE. Quelle langue I quel feul quelle passion! ^ FADINARD, se montant à froid. Oh! ne m'en parlez pasi la musique I... la musique!!... la musique 1 1! (a part.) Elle va me remettre le ehapeau. LA BARONNE. Pourquoi ne faites-vous pas travailler Rossini, vous? FADINARD. Moi? (A part.) Elle a une conversation très-décousue, cette femme-là 1 (Haut.) Je rappellerai à madame la baronne que j*ai eu rhonneur de lui écrire un billet... LA BARONNE. Un billet délicieux et que je garderai toujours!... croyei le bien. . . toujours. . . toujours 1 ^ FADINARD, à part. Conmientl voilà tout? LA BARONNE. Qu'est-ce que vous pensez d'Alboni? FADINARD. Rien du tout!... mais je ferai observer à madame la ba* renne... que, dans ce billet, je lui demandais.. LA BARONNE. Ah! folle que je suis! (Regardant son bouquet.) vous y tenez donc beaucoup? FAITINARD, S9 levant, et avec force. Si j'y tiensl... Comme TArabe à son courtier! LA BARONNE, se levant. Oh! oh! quelle dialeur méridionale! (Eiie se dirige ren :e fis UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. piano pour détacfaor une fleur de son bouquet.) Il y aurait d6 1a * l9 contredanse I NONANCOURT. Au diable la musique I Voilà toute la Noceî (a Fadinard.) Vous, allez faire danser votre femme l FADINARD. Allez vous promener 1 (a part.) Sauve qui peut I Les invités de la noce s*em parent malgré elles des dam et de la société de la baronne et les font danser. Gris, tumalte. Le rideaa tombe. ACTE QUATRIÈME. Un. chambre à coucher chez Beauperthuis. - Au fond, alcôve à n. deaux. - Un paravent ouvert au premier plan, à gauche. - PorU d'entrée à droite de l'alcôve, -f Autre porte à gauche. - Portei latérale». - Un guéridon à droite, contre la cloison. SCÈNE PREMIERE. BEAUPERTHUIS, seul. Au lever du rideau, Beauperthuis est assis devant le paravent, n prend un bain de pieds. Une serviette cache ses jambes. Ses souliers •ont à côté de sa chaise. Une lampe sur un guéridon. Les rideaux de Palcôve sont ouverts. G*estbien drôle!... c'est bien drôle I Ma femme me dit, ce matin, à neuf hem'es moins sept minutes : « Beauper- thuis, je sors, je vais acheter des gants de Suède... » Et elle n'est pas encore rentrée à neuf heures trois quarts du soir. — On ne me fera jamais croire qu'il faille douze heures cinquante-deux minutes pour acheter des gants de Suède... à moins d'aller les chercher dans leur pays natal!... A force de me demander où ma femme pouvait âtre, j'ai gagné un mal de tête fou... Alors, j'ai mis les oieds à l'eau, et j'ai envoyé la bonne chez tous nos pa- rents, amis et connaissances... — Personne ne l'a vue... ACTE QUATniÊME. «5 Ah^ j'ai oublié de l'envoyer chez ma tante Grosininet... Anaîsy est peut-être... (n sonne et appelle.) Virginie 1 Yirgimel SCÈNE II. BEAUPERTHUIS, VIRGINIE. VIRGINIE, apportant une bouilloire. Voilà deFeau chaude, monsieur! BEAUPERTHUIS. Très-bien!... mets-la làl... Écoute... VIRGIN lEy posant la bouilloire à terre. Prenez garde, elle est bouillante... BEAUPEBTEUIS. Te rappelles-tu bien quelle toilette avait ma^p***^'*" matin, quand elle est sortie ?... t VIRGINIE. Sa robe neuve à volants... et son beau chapeau» '^*- paille d'Italie... BEAUPERTHUIS, à lui-mftme. Oui... un cadeau de la baronne... sa marraine... Un chapeau de cinq cents francs au moins!... pour aller acheter des gants de Suède!... (ll met de Peau chaude dana aoa bain de pieds.) C'est bien drôle ! VIRGINIE. Le fait est que ce n'est pas ordinaire... BEAUPERTHUIS. Bien certainement ma femme est en visite S6 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. VIRGINIE, à part. Dans le bob de Vincennes. BEAUPERTHUIS. Tu vas aller chez madame Grosminet... VIRGINIE. Au Gros-Caillou? BEAUPERTHUIS. Je suis sûr qu'elle est là. VIRGINIE, s'oubliant. Ohl monsieur, je suis sûre que non... BEAUPERTHUIS. Hein?... tu sais donc?... VIRGINIE, vivement. Moi^ monsieur?... Je ne sais rien... Je dis : « Je ne crois pas... » C'est que voilà deux heures que vous me faites cou- rir... Je n'en puis plus, moi, monsieur... Le Gros-Caillou... c'est pas à deux pas... BEAUPERTHUIS. Eh bien, prends une voiture... (Lui donnant de l'argent.) Voilà trois francs... va... cours! VIRGINIE. Oui, monsieur... (a part.) J'vas prendre le thé chez la fleuriste du cinquième. BEAUPERTHUIS, la voyant. Eh bien ? VIRGINIE. Voilà, monsieur... Je pars!... (a part.) C'est égall tant que je n'aurai pas revu le chapeau de paille... Ah! ça serait amusant tout de même. Elle sort. ACTE QUATRIEME. 87 SCÈNE III. BEAUPERTHUIS, puis FADINARD. BEAUPERTHUIS, seul. La tête me part!... J'aurais dû y mettre de la mou- tarde... (Avec une ftireur concentrée.) 0 Anaïs! si je CTOyais!.., fl n'est pas de vengeance... pas de supplice que... (on •onne. — Radieax.) Enfin I... la YOici!... Entrez. (On sonne très- bruyamment.) J'ai les pieds à Teau... Tu n'as qu'à tourner le bec... Entre, chère amie!... FADINARD entre; il est égaré, éreinté, essoufflé. M. Beauperthuis, s'il vous plaît?... BEAUPERTHUIS. Un étranger 1 Quel est ce monsieur?... Je n'y suis pas..» FADINARD. Très-bien! c'est vous! (a lui-même.) Je n'en puis plus... On nous a tous rossés chez la baronne!... moi, ça m'est égal... mais Nonancourt est furieux. Il veut mettre un ar- ticle dans les Débats contre le Veau-qui-tète. Étrange hal- lucination! (Essoufflé.) Ouf! BEAUPERTHUIS. Sortez, monsieur... sortez! FADINARD, prenant une chaise. Merci, monsieur... Vous demeurez haut... votre escalier estraide... Il vient s'asseoir près de Beaupert^uis. BEAUPERTHUIS, ramenant la serviette sur ses jambes. Itfonsieur, on n'entre pas ainsi chez les gens!... Je voui rèaère... Kîî UN CHAPEAU DE PAILLE D»ITALIE. FÀDINARO, soulevant un pea la serviette. Vous prenez un bain de pieds? Ne vous dérangez pas... je n'ai que peu de chose à vous dire... Il prend la bouilloire. BEÂUPERTHUIS. Je ne reçois pas... je ne suis pas en état de vcas écon ter!... j'ai mal à la tête. FADINÀRD, versant de Peau chaude dans le bain. Chauffes votre bain... BEÀUPERTHUIS, criant. Aiel (Lui arrachant la bouilloire quMI repose à terre.) Voulez- vous laisser ça I Que demandez-vous, monsieur? Qui êtes- vous? FÀDINABB. Léonidas Fadinard, vingt-cinq ans , rentier... marié d'aujourd'hui... Mes huit fiacres sont à votre porte. BEÂUPERTHUIS. Qu'est-ce que ça me fait, monsieur? je ne vous connais pas. FADINARD. Ni moi non plus... et je ne désire pas faire votre con- naissance... Je veux parler à madame votre épousQ. BEAUPERTHUIS. Ma femme!... vous la connaissez? FADINARD. Pas du touti mais je sais à n'en pas douter qu'elle pos- sède un objet de toilette dont j'ai le plus pressant be- soin... 11 me le faut I BEAUPERTHUIS. Hein? ■«■■■^Hn^ ACTE QUATïllfiME. '"9 '> f A.DlIf ABD, 86 levant. AIR : Ces bosquets de taurters, n me le faut, monsieur... Remarquez bien Ce que ces mots renferment d'énergie. Je t'obtiendrai, quel que soit le moyen, Affreux produit de la belle Italie I Veut-on le vendre? Eh bien, je le pafrai Le prix coûtant, plus une forte prime. Refusez-le?... soit I je le volerai î n me le faut, monsieur... et je l'aurai... Pour l'avoir, j'irai jusqu'au crime, Je me vautrerai dans le crime. BEAUPERTHUIS, à part. C'est un voleur au bonsoir. (Fadlnard se rassied et verse de Peau chaude. — Criant.) Aie!... Encore un coup, monsieur, sortez! ^ FADINABD. Pas avant d'avoir vu madame... BEAUPERTHUIS. Elle n'y est pas. FADINABD. A dix heures du soir?... c'est invraisemblable... BEAUPERTHUIS. Je vous dis qu'elle n'y est pas. FADINARD, avec colère. Vous laissez courir votre femme à des heures pareilles ?••• ça serait par trop jobard, monsieur! Il verse énormément d*eau houillanto. BEAUPERTHUIS. Aïe! sacrebleu!... je suis ébouillanté! Il met avec fureur la bouilloire de l'autre cûté. 90 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE- FÂDIXARD, se levant et remportant sa chaise à droit*. Je vois ce que c*est... madame est couchée... mais ça m'e'^t égal... mes intentions sont pures... je fermerai les yeux... et nous traiterons à l'aveuglette cette négoCa- tion... BEAUPERTHUIS, se levant debout dans son bain, et brandissant U bouilloire ; snfToquant de colère. Monsieur I ! I FÀDINÀRD. OÙ est sa chambre, s'il vous plaît? BEAUPEBTHUIS. Je vous brûle la cervelle 1 n lance la bouilloire ; Fadinard pare le coup en fermant le para- vent sur Beauperthuis. Les souliers de Beauperthuis se trou" vent en dehors du paravent. FADINARD. Je vous l'ai dit, monsieur... j'irai jusqu'au crime I... n entre dans la chambre, à droite SCÈNE ÎV- BEAUPERTHUIS, dans le paravent; puis NONANCOURT. BEAUPERTHUIS, qu^on ne voit pas. Attends un peu, Cartouche I... attends, Papavoine!... On Tentend se rhabiller. NOrfANCOURT, entrant avec son myrte, et boitant. Qui est-ce qui m'a bâti un malotru de cette espèce ! Il monte chez lui, et il nous plante à la porte!... Enfin me voilà chez mon gendre ! Je vais pouvoir changer de chaussures!... ACTE OUATRIËME. 01 BEAUPERTHUIS, se dépêchant. Attends... attends-moi! NONANCOURT. liens î il est là dedans... Il se déshabille... (AperceTant )» •oniiers.) Des souliers ! sapristi! quelle chance!.., (n les prends quitte les siens et met ceux de Beauperthuis. — Avec soulagement.) Ahl... (n pose ses souliers à la place où il a pris ceux de Beauper- thuis.) Ça va mieux!... Et ce myrte que je sens pousser dans mes bras... je vais le poser dans le sanctuaire con- jugal.. ^ BEAUPERTHUIS, allongeant le bras et prenant Iw souliers qu» Nonancourt a posés. Mes souliers!... NONANCOURT, frappant au paravent. Dis donc, toi... où est la chambre? BEAUPERTHUIS, dans le paravent. La chambre I... Oui... un peu de patience! j'ai fini... NONANCOURT. Parbleu ! je trouverai bien. . . n entre dans la chambre du fond, à gauche de Palcâve. — Aa mftme instant, Véz^iet entre par Pentrée principale. SCÈNE V. BEAUPERTHUIS, VÉZINET. BEAUPERTHUIS. Cristi ^j*ai les pieds enflés... mais ça ne fait rien!... (u sort du paravent en boitant et saute sur Yézinet, qu^il prend d'ahord pour Fadinard, et le saisit à la gorge) A nOUS deUÎ, gredin!... 92 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. TÉZINET, riant. Non! noni j*ai assez dansé... je suis fatigué ! BBAUPERTHUIS, stupéfait. Ce n'est pas celui-là!... c'en est un autre!... Toute una bande !... Où est passé le premier?... Brigand, où est ton capitaine? YÉZINBT, très-aimable. Merci!... je ne prendrai plus rien... j'ai sommeil. Brait d'an meuble qui tombe dans la chambre oh est entr4 Fadinard. Û est là ! BEAUPERTHUIS. S s'élance dans la chambre, à droite. SCÈNE VI. VÉZINET, NONANCOURT, HÉLÈNE, BOBIN, Dames de la noce. VÉZINET. Encore un invité que je ne connais pas!... Il a sa robe de chambre... Il parait qu'on va se coucher... Je n'en suis pas fâché!... Il cherche et regarde dans l'alcôve. NONANCOURT, revenant. Il a son myrte. La Chambre nuptiale est par là... Mais j'ai réfléchi... j'ai oesoin de mon myrte pour mon discours solennel!... (u itf pose sur le guéridon. -^ S'adressant au paravent.) Rhabillez* vous, mon gendre!... Je vais faire monter la mariôe... ACTE QUATRIÈME 93 TÉ Z IN ET, qai a regardé sous 1« lit. Pas de tire-bottes I Bobin, Hélène et les autres dames paraissent à la porte d^entré*. BOBIK, et LES DAMES. CHOEUR. ▲IR de Werther, C'est ramour Dans ce séjour Qui vous réclame, Entrez, madame. Le jour fuit, Voici la nuit. Moment bien doux Pour deux époux ! HÉLÈNE, hésitant A entrer. Non... je ne veux pas... je n'ose pas... BOBIN. Eh bien, ma cousine, redescendons. NONANCOURT. Silence, Bobin!... Ton rôle de garçon d'honneur expire sur le seuil de cette porte... BOBIN, soupirant. Heinl N0NàNC0«URT. Entre, ma fille... pénètre sans crainte puérile danslt domicile conjugal... HÉLÈNE, très- émue. £st-ce que mon mari... est déjà là? NONANOOURT. 11 est dans ce paravent... il se coiffe de nuit. ,14 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALTR. HÉLÈNE, eiTrajéa. Oh! je m'en vais... BOBIir. Redescendons, ma cousine... NONANCOURT. Silence, Bobin!... HÉLÈNE, très-émua. Papa... je suis toute tremblante. NONA.NCOURT, Je le conçois... c'est dans le programme de ta situation... Mes enfants... voici le moment, je crois, de vous adresser quelques paroles bien senties... — Allons, mon gendre, passez votre robe de chambre... et venez vous placer à ma dextre... HÉLÈNE, vivement. Ohl non, papa!... NONANGOUBT. Eh bien! restez dans votre paravent... et veuillez me prêter une religieuse attention. — Bobin, mon myrte. n fait asseoir Hélène. BOBIN, le prenant sur le guéridon et le lui donnant en pleurnichant. Voilà! NONANCOURT, tenant son myrte, et avec émotion. Mes enfants!... (n hésite un momeat, puis se mouche brc^'aai ment. Reprenant.) Mes enfants... VÉZINEIy A NÔnancourt, et A sa droite. Savez-vous où Ton met le tire-bottes? NONANCOURT, furieux. Dans la cave... AUez vous faire pendre* ACTE QUATRIEME 95 TÉZtNET. Merci > Il se remet à chercher. NONÀNCOURT. le ne sais plus où j'en étais... BOBIN, pleurniohaiit. Tous étiez à: «Dans la cave... allez vous faire pendre! » NONANCOURT. Très-bien ! (Reprenant, et changeant son myrte de hras.) Mes enfants... c'est un moment bien doux pour un père, que celui où il se sépare de sa fille chérie, Fespoir de ses vieux jours, le bâton de ses cheveux blancs... (Se tournant vers le paravent.) Cette tendre fleur vous appartient, ô mon gen- dre!... Aimez-la, chérissez-la, dorlotez-la... (a part, indigné.) 11 ne répond rien, le Savoyard!... (a Hélène.) Toi, ma fille... tu vois bien cet- arbuste... je Fai empoté le jour de ta naissance... qu'il soit ton emblème I... (ayoc une émotion croissante.) Que SCS rameaux toujours verts te rappellent toujours... qxie tu as un père... im époux... des enfants!... que ses rameaux... toujours verts... que ses rameaux... toujours verts... (changeant de ton, à part.) Va te promener !... j'ai oublié le reste I... Pendant ce discours, Bobin et les dames ont tiré leur» mouchoir» et sanglotent. HÉLÈNS^ se jetant dans mb hrtm, Âh! papal... BOBIN, pleurant. Que vous êtes bête, mon oncle I... NONANCOURT, à Hélène, après s'être mouché. J'éprouvais le besoin de t' adresser ces quelques paroleg bien senties... Maintenant, allons nous coucher. 96 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. HÉLÈNE, tremblante. Papa, ne me quittez pas ! BOBIN. Ne la quittons pas I NONANCOURT. Sois paisible, mon ange... J'ai prévu ton êmol... j'ai sti- pulé quatorze lits de sangle pour les grands parents. Quant aux petits, ils coucheront dans les fiacres... BOBIN. A l'heure ! y É Z 1 N E T • tenant an tira-bottes, à Nonancoart. Dites donc... j'ai trouvé un tire-bottes... nonàncourt. Zut!... — Va, ma fille! (Avec on soupir.) Heue! .. BOBIN, soupirant. Heue!... CHOEUR AIR de Zampa» Elle a aonné l'heure mystérieuse md Qui du bonheur te garde les secrets. vous me Puisse à jamais l'hymen te rendre heureuse vous „. ^ ^ les pleurs et les regrets. Et vous sauver ^ ** Les dames emmènArf ^z :ûànée dans la chambre à la gauche du fond. -« 3obin veut s'élancer; Nonancourt le retient et le fait entrer dans la chambre de droite en lui donnant son myrte. — Vézinet disparaît derrière les rideaux de IMcôve du fond qu se ferment. 1 I ACTE QUATRIEME. 97 SCÈNE VII. NONANCOURT, puis FADINARD. ICONANCOURT, regardant le paravent, et avec indignation. Ah çàl mais... il ne bouge pas, là dedans!... Est-ce que ce monstre-là, se serait endormi pendant mon discours? 'U ouvre brusquement le paravent.) Personne! (Le voyant entrer vivement par la porte de gauche, premier plan, que cachait le para- ient.) Ah ! ! ! FADINARD, entre vivement, et parcourt la scène. A lui-même. EUe n'y est pas... j'ai parcouru tout l'appartement, elle n'y est pas! NONANCOURT. Mon gendre... que signifie?... FADINARD. Encore vous!... mais vous n'êtes pas un beau-père... vous êtes un morceau de colle -forte ! NONANCOURT. Dans ce moment solennel, mon gendre.. ^ FADINARD. Laissez-moi tranquille! NONANCOURT, le suivant. Je crois devoir blâmer l'anachronisme de votre tempé- rature... vous êtes tiède, mon gendre... FADINARD, impatienté. Allez vous coucher. NONANCOURT. Oui, monsietr, j'y vais... mais demain, dès l'aube... Qous reprendrons cette conversation. U entra dans la chambre à droUa oh est entré Bobin. I. ti I \ S8 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. SCÈNE VIII. FADINARD, BEAUPERTHUIS. PADINARD, se promenant, agité. Elle n'y est pas!... j'ai fouillé partout! j'ai tout boule» versé... je n'ai rencontré sur ma route qu'une collection de chapeaux de toutes les couleurs... bleu, jaune, vert; gris... l'arc-en-ciei... et pas un fétu de paille! BEAUPERTHUIS, entrant par la mftme porte qae Fadlnard. Le voilà!... il a fait le tour ûe l'appartement... ah ! je te tiens!... n le saisit aa collet. FADINARD. LÀchez-moil BEAUPERTHUIS, cherchant à Pentralner yers Poscaliei, Ne te défends pas... j'ai un pistolet dans chaque ^oclié. FADINARD. Pas possible!... Tandis que las deux mains de Beanperthuis le tiennent aa collet, Fadinard plonge les siennes dans les poches de Beauperthuisi prend les pistolets, et le couche en joue. BEAUPERTHUIS, le l&diant et reculant effrayé. A l'assass... FADINARD, criant. Ne criez pas... ou je commets un déplorable fait-Pans. BEAUPERTHUIS. fiendez-moî mes pistolets... FADINARD, horsd^luL Donnei-moi le chs^eau*.. le chapeau ou la vie!«*« ACTE QUATRIÈME. 99 BEAUPERTHUIS, anéanti et suffoquant. Ce qui m'.arrive là est peut-être unique dans les fastes de rhumanité!... J'ai les pieds à l'eau... j'attends ma femii'e... et voilà un monsieur qui vient me parler de cha- peau et me viser avec mes propres pistolets... FADINARDy avec force et le ramenant au milieu de la seène. C'est une tragédie!... vous ne savez pas... un chapeau de paille mangé par mon cheval... dans le bois de Vin- cennes... tandis que sa propriétaire errait dans la forêt avec un jeune milicien! BEAUPERTHUIS. Eh bien?... qu'est-ce que ça me fait? PADINARD. Mais vous ne comprenez pas qu'ils se sont incrustés chez moi... à bail de trois, six, neuf... BEAUPERTHUIS. Pourquoi cette jeune veuve ne rentre-t-elle pas chez elle?... FADINARD. Jeune veuve, plût au ciel ! mais il y a un mari î BEAUPERTHUIS, riant. Ah bah! ah! ah! FADINARD. Une canaille! un gredin! un idiot! qui. la pilerait sous- ses pieds... comme un frêle grain de poivre. BEAliPERTHUIS. Je comprends ça. FADINARD. Oui, mais nous le fourrerons dedans... le mari ! grâce à vous... gros farceur! gros gueux-gueux I n'est-ce pas que nous le fourrerons dedans? iOO PN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE BEAUPERTHUÎf Monsieur, je ne dois pas me prêter... FADINARD. Dépêchons-nous... voici réchantillon... Il la lui xnontr». BEAUPERTHUIS; à part, voyant réchanlillon. Grand Dieu ! FADINARD. Paille de Florence... coquelicots... BEAUPERTHUTS, à part. C*est bien ça ! c'est le sien !... et elle est chez lui... les gants de Suède étaient une craque ! FADINARD. Voyons... combien?... BEAUPERTHUIS, à part. . Oh ! il va se passer des choses atroces... (Haut.) Marchd^ ; monsieur. Il lui prend le bras. FADINARD. BEAUPERTHUIS. FADINARD. BEAUPERT&UIS. OÙ ça? Chez vous ; Sans chapeau? Silence I n écoute vers la chambre oti est Hélène VIRGINIE, entrant par le lond. Monsieur, je viens du Gros-Caillou... personne 1 ACTE QUATRIÈME. 101 BEAUPERTHUISy écoutant. Silence I FÀDINARD, à part. firand Dieul la bonne de la dame! VIRGINIE, à part. Tiens! le maître de Félix! BEAUPERTHUIS, à lui-même. On parle dans la chambre de ma femme... elle est ren- trée I... ohl nous allons voir!... cristi ! II antre vivement en boitant dans la chambre oii est Hélène. SCÈNE IX. FADINARD, VIRGINIE. FADINARD, effaré. Que viens-tu faire ici, petite malheureuse? VIRGINIE. Comment! ce que je viens faire?... je rentre chez moi] maître, donc ! FADINARD. Ton maître?... Beauperthuis... ton maître?... VIRGINIE. Qu'est-ce qu'il a ? FADINARD, à part, bon de lui. Malédiction !... c'était le mari... et je lui ai tout ditUt VIRGINIE. Est-ce que madame?... I 6. ICtt UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. FÀDIICARD. Va- t'en, pécore !... va-t'en, ou je te coupe en tout petits morceaux !... (n la pousse dehors.) Et ce chapeau que je pour- chasse depuis ce matin avec ma noce en croupe... le nez sur la piste, conmie un chien de chasse... j'arrive, je tombe en arrêt... c'est le chapeau mangé I... SCÈNE X. FADINAKD, UEAUPERTHUIS, HÉLÈNE, NONANCOURT, BOBIN, VÉZINET, Dames de la noce. Gris dans la chambre d'Hélène. FADINARD. n va là massacrer... défendons cette infortunée!... n va s'élancer, mais la porte s'ouvre, Hélène, en coiffe de nait, entre tout éplorée suivie des dames de la Noce et de Beauperthuia stupéfait. LES DAHES, en dehors. Au secours! au secours !... FADINARD, pétrifié. Hélène ! HÉLÈNE. Papa! papa! BEAUPERTHUIS. Qu'est-ce que c'est que tout ce monde-là?... dans la ehambre de ma femme ! . . . Nonancourt sort de la chambre de droite, en bonnet de coton, en bras de chemise, son habit sur le bras et tenant son myrte, Bobin le suit, même costume. ACTE QUATRIEME. jq^. NONANCOURT et BOBIIf- Qa'est-ce que c'est ? qu'y a-t-il ? ''' BEAUPERTHUIS, stupéfait. Encore!... FADINARD. Toute la Noce I!I voilà le bouquet! GHGBUR. AIR : Neveu du mercier. BEAUPERTHUIS. Je n'y puis rien comprendre î D'où sortent ces gens-là ? pourquoi Viens-je ici de surprendre Tout ce monde chez moi. NONANCOURT. Je n'y puis rien comprendre ! Pourquoi ce bruit, ces cris d'effroi f Tout est rompu, mon gendre ; - Ne comptez plus sur moi. PADIXARD» Je n'y puis rien comprendre î Bs ont le diable au corps, ma foi f Se faire ici surprendre Lorsqu'on bas je les croi. BOBIN. Je n'y puis rien comprendre Cousine, d'où vient votre effroi i Je saurai vous défendre ; Comptez, comptez sur moi. HÉLÈNE. Je n'y puis rien comprendre ! Ah! je succombe à mon effroi! Qui donc pour me surpreûdï^ Osa venir chez moi I 104 DN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIS. LES DAMES. Je n'y puis rien comprendre I Quel est cet étranger ? pourquoi Ose-t-il la surprendre Et causer son effroi ? BEAUPERTHUIS. Que faisiez-vous là dedans, chez moi?... NONANCOURT et BOBIN, avec un crid^étonnement. Chez VOUS?... t HÉLÈNE et LES DAMES, en tnème temps. 0 ciell... NONAN COURT, indigné, donnant ane poussée à Fadinard. Chez lui?... pas chez toi?... chez Aii?... PADINARD, criant. Beau-père I vous m'ennuyez ! NONAXCOURT, indigné. Conmient! être immoral et sans vergogne... tu nous mènes coucher chez un inconnu I et tu souffres que ta jeune épouse... chez un inconnu !... Mon gendre, tout est rompu I FADINARD. Vous m'agacez I... (a Beauperthuîs.) Monsieur, vous dai- gnerez excuser une légère erreur... NONANCOURT. Repassons nos habits, Bobin... BOB£If. Oui, mon onde. ACTE QUATRIÈME. «05 FADINARD. C'est çal... et£i]ons chez mol... Je passe devant avec ma feionie 1... II va vers elle^ Beauperthuls le retient BE4CPERTHUIS, d voix basse. Monsieur, la mienne n'est pas rentrée ! FADINARD. Elle aura manqué Fomnibus. BEAUPERXHUIS, qui 6te sa robe de chambre et met son habit. Elle est chez vous. FADINARD. Je ne crois pas... la dame qui campe chez moi est une négresse... la vôtre est-elle négresse? BEAUPERTHUIS. Est-ce que j*ai l'air d'un gobe-mouches, monsieur? FADINARD. J'ignore cet oiseau. NONANCOURT. Bobin, ma manche... BOBIN. Voilà, mon oncle. BEAUPERTHUIS. Où demeurez-vous, monsieur? FADINARD. Je ne demeure pas!... NONANCOURT. 8, place... « FADINARD, vivement.^ Ne lui dites pas I.., m UN CHAPEAU DB PAILLE DITALIR. NONANCOURT, criant. 8, place Baudoyerl.., vagabond!... FADINARD. Vlan!... BEAUPERTHUIS. Très-bien! NONANCOURT. En route, ma fille! BOBIN. En route, tout le mondel BEAUPERTHUIS, à Fadinard, Uaî prenant l^'^Kf^, En route, monsieur! FADINARD. Ce?* une négresse!.., CHOEUR. — ENSEMBLK. Y AIR final du Plastron. Le soir du mariage, Se troiaper de maison I C'est un trait, je le gage, Digne de Gharenton BEAUPERTHUIS. Ah! du sanglant outrage Qui fait rougir mon front, Dans un affreux carnage Je vais laver l'affront 1 FADINARD, Son œil morne et sauvage Me donne le frisson 1 Dans quel affreux carnage Va naaer ma maison. Beauperthuis, boitant, ACTE QUATRIÈME. 107 SCÈNE XI VIRGINIE, VÉZINET. ▼IRGIHIB9 entrant par la porte de gauche, premier plan. Elle tien nne taaae sur une soucoupe; entr^ouvrant les rideaux de Palc^ve. Monsieur 1 voilà votre bourrache... TÉ Z INET, se levant sur son séant. Merci! je ne prendrai plus rien ! TIRGINIEy jetant un grand cri et laissant tomber la tasse. Ahl TÉZINET. Vous pareillement! \\ se recouche* ■-(*■: i** ■«■ 1'.. \ 'C- ACTE CINQUIEMI ;"V !Jne place. — Hues à droite et à gauche. — Premier plan, à droite, la maison de Fadinard; une autre maison au deuxième plan. — Pre- mier plan, à gauche, un poste de la garde nationale, avec guérite. — Il est nuit. — La scène est éclairée par un réverbère suspendu à une corde qui traverse le théâtre du premier plan de gauche au troisième plan de droite. SCENE PREMIÈRE. TARDIVEAU, en garde national; UN CAPORAL, GARDES NATIONAUX. Un garde national est en faction. Onze heures sonnent. Plusieurs gardes nationaux sortent du poste. LE CAPORAL. Onze heures!... à qui de prendre la faction? LES GARDES. A Tardiveau! à Tardiveau 1 TARDITEAU. Mais, Trouillebert, j*en ai monté trois dans le jour pour être exempté de cette nuit... le serein m'enrhume. LE CAPORAL, riant. Tais-toi donc, farceur! jamais le serein n*enrhuma son ACTE CINQUIÈME. 109 semblable... (Tous rient.) Allons, allons! Arme au bras' - Et nous, messieurs, en patrouille. CHOEUR. AIR: Taime l'uniforme» La ville sommeille Et compte sur nous; La patrouille veille; Malheur aux filous t La patrouille sort à droits SCÈNE II. TARDIVEAU, puis NONANCOURT, HÉLÈNE, VÉZINET, BOBIN, la Noce. TARDIYEÀU, seul, posant son fusil et son schako dans la guérite et mettant un bonnet de sole noire, un cache-nex. . Dieul que j'ai chaud ! Voilà pourtant comme on attrape de mauTais rhumes... Ils font un feu d'enfer là dedans. J'avais beau répéter à Trouillebert : « Trouillebert, vous mettez trop de bûches I... » Ah ben, oui I — Et je suis en moiteur. . . J'aurais presque envie de changer de gilet de fla- nelle... (il défait deux on trois boutons de son habit et s*arrète.) Non!... ii peut passer des dames! (Étendant la main.) Ahl... bien 1 . . . ah !.. . très-bien ! . . . voilà la pluie qui recommence! (U s^enveloppe dans la capote des factionnaires.) Ah ! parfait ! par- fait I voilà la pluie, à présent ! II s'abrite dans la guérite. -^ Toute la Noce entre par la gauche, avec des parapluies. Nonancourt tient son myrte. Bobin donne le bras à Hél6ne. Yézinet n'a pas de parapluie et s'abrite tantôt sons l'un, tantôt sous l'autre ; mais les mouvements des per- sonnages le laissent toujoars à découvert. I. T 110 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. NONÀNCOURT, entrant le premier avec aon myrte. Par ici, mes enfanls, par ici!... Sautez le ruisseau! n saute, toute la Noce suit et saute le ruisseau. CHOEUR. AIR des Deux Comuehet* ' Âh t vraiment, c'est atroce t Quelle affreuse nocet Où donc nous fait- on courir Quand nous devrions dormir t NONANGOURT. Quelle noce ! quelle noce ! HÉLÈNE, regardant autour d*elto» Âht papal... Et mon mari? NONANGOURT. Allons, bon t nous ravons encore égaré I HÉLÈNE. Je n'en puis plus t BOBIN. C'est éreintantl UN MONSIEUR. Je n'ai plus de jambes. NONANGOURT. Heureusement, j'ai changé de souliers. HÉLÈNE. Aussi, papa, pourquoi avez-vous renvoyé les fiacres? NONANGOURT. Gomment, pourquoi? trois cent soixante-quinze francs, tu trouves que ce n'est pas assez 1... J« ne veux pas man ger ta dot en cochers de fiacre l ACTE CINQUIÈME. 4i* TOUS. Ah çàl... mais... où sommes-nous ici NONANGOURT. Le diable m'emporte si je le sais... J'ai suivi Bobin. BOBIN. Du tout, mon oncle, c'est nous qui vous avons suivi. vézINET, à Nouanconrt. Pourquoi nous a-t-onfait lever si tôt?... Est-ce qu'on va encore s'amuser? NONANCOURT. La faridondaine, oh I gai ! (Furieux.) Ah I gredin de Fa* dinardt HÉLÈNE. Il nous a dit d'aller chez lui... place Baudoyer. BOBIN. Nous sommes sur une place. NONANCOURT. Est-elle Baudoyer? voilà la question! (a vézinet qui sV brite lous son parapluie.) Dites donc^ VOUS qui êtes de GLaillot, vous devez savoir ça. (Criant.) Est-elle Baudoyer? VÉZINET. Oui, oui, joli temps pour les petits pois. NONANCOURT, le quittant brusquement. Au sucre I... Tarare pompon... petit patapon I Il est près de la guérite. TARDIVEAU, éternuant. Atchil NONANCOURT. Dieu vous bénisse !... Tiens !... une sentinelle.. • Pardon, sentinelle... la place Baudoyer, s'il vous plaît? / H2 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIK. TÀRDIYBAU. Passez au laige. NONANCOURT. Merci!... Et pas un passant... pas même «Mit. d'Auvergnat ! BOBIN.  onze heures trois quarts I NONANCOURT. Attendez! nous allons savoir... II frappe à une maison, deuxièmt^ plan à aroiU. HÉLÈNE. Qu'est-ce que vous faites, papa? NONANCOURT. Il faut nous informer... Ou m'a dit que les Parisiens se faisaient un plaisir d'indiquer leur chemin aux étrangers, UN MONSIEUR» en bonnet de nuit, en robe de chambre' paraissanl à la fenêtre. Qu'est-ce que vous demandez, sacrebleu NONANCOURT. Pardon, monsieur... la place Baudoyer, s'il vousplaitî LE MONSIEUR. Attends ! brigand ! scélérat ! canaiUe ! Il verse un pot à Peau par la fenêtre et ferme. Nonancourt évite l^eau; Vézinet, qui est sans pami-Iuie, la reçoit sur la tète. ViziNET. Sac à papier ! j'étais sous la gouttière! NONANCOURT, Gen*est pas un Parisien... c'est un Marseillais. ACTE CINQUIÈME. il3 BOBINf qui est monté sur une borne» au fond, pour lire la nom de la place. Baudoyer!... mon oncle!... Place Baudover... nous y sommes. NONANCOURT. Quelle chance !... Cherchons le numéro 8, TOUS. Le voilà... Entrons ! entrons ! NONANCOURT. Ah! sapristi!... pas de portier! et mon gueux de gendre ne m'a pas donné la clef ! HÉLÈNE. Papa, je n'en puis plus... je vais m'asseoir. NONANCOURT, vivement. Pas par terre, ma fille... nous sommes en plein maca dam. BOBIN. Il y a de la lumière dans la maison. NONANCOURT. C'est l'appartement de Fadinard... il sera rentré avant nous... (Il frappe et appelle bruyamment.) Fadinard, mon gendre!... (Tous appellent avec lui.) Fadinard ! TARDIVEAU, à Vézinet. Un peu de silence, monsieur I VÉZINET, gracieusement. Trop honnête, monsieur... je me brosserai à la maison. NONANCOURT; criant. Fadinard!!! BOBIN. Votre gendre se fiche de nous» iU UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. HÉLÈNE. n ne veut pas ouvrir, papa. NONANCOURI Allons chez le commissaire. TOUS. Oui, oui... chez le commissaire. CHOEUR AIR : Ce gendre nous berne t 0 ciel! quelle indignité! Cherchons la lanterne GeUederautorîté! lU remcntMit. SCÈNE III Les Mêmes, FÉLIX. FÉLIX, arrivant par la rue de droite. Ah! mon Dieu!... que de monde!... NONANGOURT. Son groom!... Arrive ici, Mascarîlle. FÉLIX. Tiens 1 c'est la noce de mon maître I... Monsieur, avez- ▼ous vu mon maître? NONANGOURT. As-tu vu mon gueux de gendre? FÉLIX. Voil& plus de deux heures que je court ACTE CINQUIÈME. 118' NONANCOURT. Nous Dous passerons de lui... Ouvre-noun la porte, Pierrot. FÉLIX. Oh! monsieur... impossible... ça m'est bien défendu..* la dame est encore là-baut. TOUS. Une dame ! NONANCOURT, avec un cri sauvaga. Unedamel!! FÉLIX. Oui, monsieur... qui est chez nous... sans chapeau... depuis ce matin... avec... NONANCOURT, hors de lui. Assez!... (il rejette Félix à droite.) Une maîtresse t.. . un jour de noces... BOBIN« Sans chapeau I.,. — NONANCOURT. Qui se chauffe les pieds au foyer conjugal.... £t nous, sa femme... nous, ses belles gens... nous flânottons de- puis quinze heures avec des myrtes dans nos bras... (Don- aant le myrte à Vézinet.) Turpitude I turpitude I HÉLÈNE. Papa... papa... je vais me trouver mal... NONANCOURT, vivement. Pas par terre, ma fille... tû flétrirais ta roba de cin- quante-trois francs ! (a tous.) Mes enfants, jetong une ma- lédiction sur cet immonde polisson, et retournons tous ù Charentoimeau 416 UN CHAPEAU DE PAILLÉ D'ITALIE. TODS. Oui, oui! . HÉLÈNE. Mais, papa, je ne veux pas lui laisser mes bijoux, )Mei cadeaux de noces, w^ NONANCOURT. Ma fille, ceci est d'une femme d'ordre... (a Félix.) Grimpe là-haut, jocrisse... et descends-nous la corbeille, les écrins, tous les bibelots de ma fille. FÉLIX, hésitant. Mais, monsieur... NONANCOURT. Gnmpeî... Si tu ne meurs d'envie que je greffe une de tes oreilles. Il le pousse dans la maison, à droite, premier plan. SCÈNE IV Les MÊMES, hors FELIX, puis FADINARD. HÉLÈNE. Papa, vous m'avez sacrifiée. BOBIN. Comme Éphigénie ! NONANCOURT. Que veux-tu! il était rentier!... voilà ma circonstance atténuante aux yeux de tous les pères.. Il était rentier, le capon ! FADINARD, accourant de la gauche, efTaré, es^tenué. Ah ! la rate î la rate ! la rate I ACTE CINQUIÈME. UT TOUS. Le voîîà ! FADINARD. Tiens ! voilà ma noce! (Faiblissant.) Beau-père je voudrais m' asseoir sur vos genoux? NONANCOURT, le repoussant. Nous n'en tenons pas, monsieur!... tout est rompu I FÀDIMARD, prêtant Toreille. Taisez-vous! NONANCOURTy Qatr4. Plaît-il? FADINARD. Taise7'Vous donc, maugrebleu! NONANCOURT. Taisez -vous vous-même, sauvageon) FADINARD, rassuré. Non ! je me trompais... il a perdu mes traces... et puis, ses souliers le gênent... il boite... comme feu Vulcain... Nous avons quelques minutes à nous... pour éviter cet affreux massacre... HIÊLÈNE. Un massacre! NONANCOURT. Quel est ce feuilleton? * FADINARD. Le chacal a mon adresse... Il va venir, bourré jusqu'à la gueule de poignards et de pistolets... Il faut faire échap- per cette dame. NONANCOURT, avec indignation. Ah! tu en conviens, Sardanapalel I. ' IIS UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIl. TOUS. Tl en convientlK FADINARD» ahart Plait-ilf SCÈNE V. Les MÊUES, FÉLIX^ portant U corbeille, des pae^uets, un carton A chapeau de femme FÉLIX. Voilà les bibelots I Il les pose A terr*. FADINARD. Hein?... Qu'est-ce que c'est que ça? NONANCOURT. Gens de la noce... que chacun de nous prenne un co- lis... et opérons le déménagement... FADINARD. Gomment)... le trousseau de mon Hélène?... NONANCOURT. £Ue ne Test plus... Je la remporte avec suâmes et baga- ges dans mes pépinières de Ghârentonneaul... fULDINARD. M' enlever ma femme... à minuitl... Je m'y oppose!... NONANCOURT. Je brave ton opposition 1... lADiNARD cherchant à arracher un carton A chapeau dont s'est ampavé Nonancourft. Ne touchez Das au trousseau! Jf • » • J ■*' 1» i" » I ■* .J ■ p ACTE CINQUIEME. «19 NONANCOURT, résistant. Veux-tu lâcher, bigame I... (n tombe assis.) Ah!... ♦oui est ' rompu, mon gendre... Lo bas dtt cartoa, qui conti«nt le chapeaa, est resté dans se» maias, et le couvercle dans celles de Fadinard. TÉ Z INET, ramassant le carton. Prenez donc garde !... un chapeau de paille d'Italie!... FADINARD, criant. Hein?... d'Italie?... yéziNEXy rexAmlnaBt^ Mon cadeau de noces... Je Tai fait venir de Florence... pour cinq cents francs» FADINARD, tirant son échantillon. De Florence !... (Lut prenant le chapeau et le comparant à l*é- «hantillon sous le réverbère.) Donnez ça!... Est-il pOSSiblc!... moi qui, depuis ce matin... et il était... (Étouffant de joie,) Mais, oui... conforme!... conforme!... conforme!... et des coquelicots ! . . . (csriant.) Vive l'Italie ! . . . Il le remet dans le carton. TOUS. nest fou!.., FADINARD, sautant, chantant et embrassant tout le monde. Vive Yézinet!... vive Nonancourt!... vive ma femme !... vive Bobinl... vive la ligne!... Il embrasse' TardlTM». TARDIVEAU, ahuri. Passez au large*!»., sac à papier!... VOVANCOURTy pendant que Fadinard embrasse follement tout la monde. Un chapeau de cinq cents francs!... tu ne l'auras pas, gredin!... n tir« le chnpeau da caiioa et reltB»* te oonverd*. 120 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. FADINARO, qu^ ii*a rien vu, passant le cordon du carton à son bras et follement. Attendez-moi là... je la coiffe... et je la flanque à la porte!... Nous allons rentrer!... nous allons rentrer!... Il entre éperduraent dans la maison. SCÈNE VI. Les MâtfES, hors FADINARD, LE CAPORAL, Gardes nationaux. nonancourt. Aliénation complète!... nullité de mariage!... Bravis- limo!... En route, mes amis... cherchons nosfîacrés... Ils remontent et rencontrent la patrouille qui arrive au fond. LE CAPORAL. Halte-là, messieurs!... Que faites-vous là avec ces pa- quets?... NONANCOURT. Caporal, nous déménageons... LE CAPORAL. Clandestinement ! . . . NONANCOURT. Permettez, je... LE CAPORAL. Silence!... (a vézinet.) Vos papiers?... VÉZINET. Oui, monsieur, oui... cinq cents francs... sans les ru- bans f... LE CAPORAL. Ohl oh!... nous voulons faire le farceur !••• ACTE CINQUIÈME. 12] NONANCOVRT. . Du tout, caporal... ce malheureux vieillard, '* LE CAPORAL. Vos papiers?... Sur un signe qu'il fait, deux gardes nationaux prennent an collet, Tan Nonancourt, et Pautre Boljin. NONANCOURT. Par exemple!... HÉLÈNE. Monsieur. . . c'est papa. . . LE CAPORAL, à Hélène. Vos papiers? BOBIN. Puisqu'on vous dit que nous n'en avons pas... Nous sommes venus... LE CAPORAL. Pas de papiers?... au poste!... vous vous expliqueres avec l'officier. On les pousse yen le poste. NONANCOURT. Je proteste à la face de l'Europe!... CHOEUR AIR: Cest assez de débats, (Petits Moyent>j LA PATROUILLE. Au violon! au violon! Marchez! pas de rébellion! Et plus tard nous verrons S'il faut écouter vos raisons. LA NOCE. Quoi ! la noce au violon ! ^h! pbur nous quel cruel affront! i22 UN GHÂPBAU DE PAILLE D'ITALIE. Soldats, ncNis protestons t Écoutez au moins nos raisons. On les poaue dans le corps de garde. Nonanoourt tient tonjoan le chapeaa. Félix, qni se débat, est mis au poste comme lea antres. La patroniUe entre avec eux. SCÈNE VII. TARDIVEAU, puis FADINARD, ANAIS, EMILE. TARDIYBAU. La patrouille est rentrée... j'ai bien envie d'aller prendre mon riz au lait... Pendant ce qui suit, il 6to sa capote grise, qu'il aaeroche au fosil, et met son schako sur la baïonnette, de manière à figurer un factionnaire au repos. FADIKARI^y sortant de la maison avec le carton, sniri d*AnaIs et d'Emile. Venez, venez, madame... j'ai trouvé le chapeau... c'est votre salut... votre mari sait tout... il est sur mes talons... coiffez-vous et partez I . . . Il tient le carton, Anals et Emile rouvrent, regardent dedans jettent un grand cri. TOUS rROI»* Ahl... ANA18. €iel!... ÉUILBy ^regardant dans le carton. Vide!... FADINARDy égaré et tenant le carton. Il j était!... il j était!... c'est mon viens Bosco de beau* ACTE CINQUIÈME. 123 4)ëre fouira escamoté!... (Se tournant.) Où est-il?... où est ma femiiie?... où est ma noce?... TÀRDIYEAU, en train de s'en aller. Au poste, monsieur... tout ça au violon... n sort i droite. FADINARD. Au violon )... ma noce!... et le chapeau aussi!... Gom- ment fasîrei? ANÀÏS, désolée. Perdue!... EMILE, frappé. Ahî... j'y vais... j'y vais... je connais roffîcierl... Il entre an poste. FADINARD, joyeux. Il connaît l'officier I... nous l'aurons!... Bruit de voiture A gauch*. • BEAUPERTHUIS, dans la coulisse. Cocher, arrêtez-moi là!... ANAÏS. Ciel! mon maril... FADINARD. lia pris im cab..., le lâche! ANAÏS. Je remonte chez vous!... FADINARD. Arrêtez!... il vient fouiller mon domicile I > ANAÏS, très-effrayée. Le voici!... FADINARD, la poussant dans la guérite. Entrez làl... ^^a iui-m4ibe.) Et Ton appelle ça un jour noce!... U« UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. SCÈNE VIII. ANAIS, cachée; FADIiNARD, BEAUPERTHUIS. BEAUPERTHUISy entrant en boitant un peu* Alil VOUS voilà, monsieur!... vous m*avez échappé... 11 secoue le pied. FàDINARD. Pour acheter un cigare... Je cherche du feu... Voub n'avez pas de feu?... BEAUPERTHUIS. Monsieur, je vous somme d^ouvrir votre domicile... et 81 je la trouve!... je suis armé, monsieur!... FADINARD. Au premier, la porte & gauche, tournez le bouton, 8*il vous plaît. BEAUPERTHUIS, à lui-même. Cristii... c'est drôle, j'ai les pieds enflés! n entre. FADINARDy «".ivant un moment des yeux. U y en a un de biche à la porte. SCÈNE IX FADINARD, ANAIS, puis EMILE, à la fenêtre du post*» ANAÏS, sortant de la guérite. Je suis morte de peur... où me cacher?... où fuir? ACTE CINQUIEME. 425 FADINARD, perdant la tète. Rassurez-vous, madame, j'espère qu^U ne vous trouvera pas là-haut ! Une fenêtre du poste s'ouvre A un étage supérieur. ÉHILE, à la fenêtre. fite ! vite l voici le chapeau ! FADINARD. Nous sommes sauvés... le mari est là... jetez! jeteil ÉmUe lance le chapeau qui reste accroché au réverbère. AN AÏ S, jetant un cri. . Ah! ' FADINARD. Sapristi! a. v * J^ 11 saute avec son parapluie pour le décrochât, Vu-^ ^U»^ \ atteindre. —On entend dégringoler dans 1'esc^.tet^ et Beauperthuis crier. BEAUPERTHUIS, dans Pescalier. Sacrrredié I ! ! ANAÏS, ofifrayée. C'est lui ! ' . FADINARD, vivement. Saprelottel (nlVttela capote grise de garde national sur les épaules d'Anais. rabat le capuchon sur sa tête, et lui met le fusil entre les main . De l'aplomb! s'il approche, croisez... em\ passez au large l ANAÏS. Mais ce chapeau... il va le voir ! tiS UN CnAPEAir DE PAILLE D'ITALIE. SCÈNE X ANAIS, en faction; FADINARD, BEAUPERTHUIS, puis EMILE, puis TARDIVEAU. FADINAKDy courant au-devant de Beavperthuis et l'abritant aous son parapluie pour Pempècher de voir le chapeau de paille qui so balance au-dessus de sa tète. Prenez garde, vous allez vous mouiller. BEAUPERTHUIS, boitant encore plus fort. * ^ La diable emporte votre escalier sans quinquet! FADINARD. On éteint à onze heures. EMILE, sortant du poste, bas. Dcoupez le mari ! Il va au fond, à droite, monte sur une borne et s'occupe A icier la corde avec son épée. BEAUPERTHUIS. Lâchez-moi doncl... il ne pleut plus... il y a des étoiles I Il veut regarder en Pair. FADINARD, le couvrant avec le parapluie. €*estégal... vous allez vous mouiller. BEAUPERTHUIS. Mais, parbleu! monsieur... je suis un bien grand im* bécile... FADINARD Oui, monsieur. IX élève le parapluie très-haut et saute pour décrocher le chapeau, et, comme il tient le bras de Beauperthuis, ce mouvement fait sauter Beaupertbuis malgré lui» ACTE GINQUIÊMB. 127 BCÂUPEnTHUISw Vous Tavez fait sauver... FADIITJLirD. Pour qui me prenez-vous? II saate de noavesat BEAUPERTHUIS. Qu'avez-vous donc à sauter, monsieur? FADINARD. Des crampes... ça vient de l'estomac. BEAUPERTHUIS. Parbleu I je vais interroger ce factionnaire... AKAÏS, i part. Dieul FADINARDy le retenant brusquement. Non, monsieur... c'est inutile, (a part, regardant Emile.) Bravo!... il scie la corde... (Haut.) U ne répondra pas... il est défendu de parler sous les armes 1 BEAUPERTHUIS, cherchant à se dégager. Mais lâchez-moi donc ! FADINARP. Non... VOUS, allez vous mouiller. Il le couvre plus que jamais et saute. TARDIYEAU, revenant de' la droite et stupéfait de voir un factionnaire. Un factionnaire à ma place 1 ANAÏÔ. Passez an large! BEAUIERTHUIi. Hein!... cette voix! 12^ UN CHAPEAU DE PAILLE D^ITALIE. FÀDINARD, mettant le parapluie en traver» Un conscrit! TARDIYEAU) apercevant le chapeau. Ahl... qu*est-ce que c'est que ça? BEAUPERTHUIS. Quoi? n écarte le parapluie et lere la tète . FADINARD. RienI Il lui enfonce son chapeau sur les yeux. Au môme in&tant la corde est coupée. Le réverbère tombe. BEAUPERTHUIS. Ah! TARDIYEAU, criant. Aux armes ! aux armes ! FADINARD, à Beauperthuis. Ne faites pas attention... c'est le réverbère en tombant. Ici les gardes nationaux sortent du poste. Des gens paraissent aux fenêtres avec des lumières. — Pendant le chœur, Fadioard dé- crocha le chapeau et le donne à Ânals, qui le met sur sa tète. CHOEUR. AIR : VtvCat les hussards d'Berchini (Tentations d'Antoinette, oeCe t^ Quel bruit t quel vacarme infernal! Qui fait cet affreux bacchanal? C'est indécent I c'est illégal! Dressons procès -verbal! Après le chœur, Beauperthuis est parvenu à retirer non feutra de dessus ses yeux BEAUPERTHUIS Mais, encore une fois, messieurs... ACTE CINQUIÈME. «29 àNAIS) le chapeaa sur la tète, s*approchant, les bras croisé* et avM dignité. Âh! je vous trouve donc eafin, monsieur!.., BEAUPERTHUIS; pétriÛé. Ma femme I... ANAIS. Voilà donc la conduite que vous menez?... BEAUPERTHUIS, i part. Elle a le chapeau! AN AÏS. Vous colleter dans les rues, à une pareille heure l.«o BEAUPERTHUIS. Paille de Florence I FADINARD. Et des coquelicots... ANAÏS. é Me laisser rentrer seule... à minuit, quand, depuis ce matin, je vous attends chez ma cousine Éloa... BEAUPERTHUIS. Permettez, madame, votre cousine Éloa... FADINARD. 'yie a le chapeau! BEAUPERTHUIS. Vous êtes sortie pour acheter des gants de Suède... On ne met pas quatorze heures pour acheter des gants do Suède... FADINARD. Elle a le chapeau 1^ 130 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. ANAÏS, à Fadinard. Monsieur, je n'ai pas Tavantage... FADINARD, saluant. Moi non plus, madame, mais vous avez le chapeau! (S^adressant aax gardes nationaux.) Madame a-t-elle le Chapeau'? LES Gardes NilIONAUZ et LES GENS AUX FENÊTRES Elle a le chapeau! elle a le chapeau! BEAUPERTHUIS, i Fadinard. Mais pourtant, monsieur, ce cheval du bois de Vin- cennes... FADINARD. U a le chapeau ! NONANCOURT, paraissant à la fenMre da poste. « Très-bien, mon gendre!... Tout est raccommodé! FADINARD, à Beanperthais. Monsieur, je vous présente mon beau- père! NONANCOURT, de la ienMre. Ton groom nous a conté Tanecdotei... C'est beau... c*est chevaleresque!... c'est français!... Je te rends ma fille, je te rends la corbeille, je te rends mon myrte. .« Tire-nous des cachots ! FADINARD, s'adressant au caporal. Monsieur, y aurait-il de Tindiscrétion à vous réclamer ma Noce? LE CAPORAL. Avec plaisir, monneur. (Criant.) Lâchez la Noce! Tonte la Noce sort da poste. T»- ACTE CINQUIEME, 131 CHOEUR. AIR: C'est V amour (acte 4). Fadinard brise nos fers t Nous sommes fiers De sa belle âme t Que sa femme Et ses amis Embrassent tous ces Àmadis! ! Pendant le chœur, la Noce entoure et embrasse Fadinard. YÉZINET, reconnaissant le chapeau sur la tète d^Anals Oh! mon Dieul mais cette dame... FADINARD, très-vivement. Otez-moi ce sourd de là! BEAUPERTHUIS, à Vézinel. Quoi, monsieur? TÉZINET. Elle a le chapeau I BEAUPERTHUIS. Allons, je suis dans mon tortl... Elle a le chapeau! Il baise la main de sa fAraratr CHOEUR AIR final de la Tour d'Ugoîin. Heureuse journée, Charmant hyménée! G ^on âme étonnée Bénit le destin. Grâce au mariage Dont le nœud J^^engage, Ce couple, je gage, J'aurai l'avantage De Va dormir enflât <32 UN CHAPEAU DE PAILLE D'ITALIE. VÉZINET. - AIR ooureaa d'Hervé. Qnelîo noce charmante 1 FADINARD. ,, Alif oui!... c'était divin Mais les plus doux plaisirs doivent avoir leur fin. Allons tous nous coucher. NONÂNCOURT, tenant son myrte. ' Je vote la mesure I FADINARD, prenant le bras de sa femme. Viens, mon ange, au cœur... d'oranger "Et puisses-tu, témoin de ma triste aventure, A mon chef marital ne jamais adjuger Un chapeau... qu'un cheval ne pourrait pas manger. TOUS. A son chef marital, Etc. FIN d'un chapeau DE PAILLE d'iTALIE. LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT COMÉDIE BN UN ACTE, MÂLBE DB COUPLBTS Représentée pour la premiàre fois, à Paris, tarie théâtre du pALiis-RoTÀL, le 40 août 185t. «OLLABORATBURS *. MM. LUBIZB BT SIR4UDIII I. 18. PERSONNAGES ACTEURS q«I ont créé les rùlMU CHIFFON NET y rentier. UH. SAinviLLi. MAGSÂVO//B, auTergnat, porteur d'eaa. Baisaïua. CO'^UENi AD) ami de CkifTonnet. LHiaiTiaa. Mki)AME COQUBNARD. Mmes Paolimb. PRUNETTE. Dureis. I«riTif , BBaZ DoMBBTIQOBSi PSBeOlIllAeiS MUBT*. La scèM se fuisse à Paria^ cbei CUiffoDaei. I LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT Vm salon. — Porte an foùd. •>- Portes latéaales. — Une tenhil e. — Dei taUes de jett préparées à droite et à gauche. SCENE PREMIÈRE. PRUNETTE , à la cantonade. VOUS n'y êtes pour personnel bîenl monsieur!... (aq pa- biio) En voilà un bourgeois sauvage et ^désagréable!... Ordinairement les vieux garçons... c^estun tas de farceurs... mais celui-là, il vit tout seul, dans des endroits noirs, comme un colimaçon!... Dans eê momenii il se rase... en 88 rasant, il se coupe... et, pour arrêter le sang, il cher- che des toiles d'araignée... il n'en trouve pas, et alors il bougonne... Ah! et puis il a encore un autre tic... quand il a fini sa >arbe... il va se recoucher. Il se lève tard, très- tard, afin, dit-i], de contempler moins longtemps ses sem- blables... Tiens, à propos de semblables... j'ai oublié d'acheter du mouron pour le serin à monsieur... le seul être qu'il aime ici-bas... Je vais lui donner du sucre... (SUeirpreafl «a morceau de sucre et le donne au serin, dans la cage 436 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. appendue près de la fenêtre.) Tiens... petit I... petit!... (On sonne.) Ab ! c'est lui... il sonne. (Nouveau coup de sonnette très-violent.) 11 grince!... Je reconnais ça à la sonnette... Ma foi!... gare la sauce I... je me sauve I... £Ile sort. SCÈNE 11 CHIFFONNET, seuL La scène reste un moment^vide. Chiffonnet ptiralt i gauche. Il a une bande de taffetas d^Angleterre sur la figure, tient un rasoir à la main et porte un pet-en-Pair. H est sombre, et s'avance jusque sur la rampe sans parler. Mon coutelier m'a dit que ce rasoir couperait... et ce rasoir ne coupe pasi... (Avec amertume.l Et l'on veut que j'aime le genre humain! Pitié! pitié! Oh! les hommes!... je les ai dans le nez !... Oui, tout en ce monde n*est que mensonge, vol et fourberie! Exemple : hier, je sors... à trois pas de chez moi, on me fait mon mou- choir... J*entre dans un magasin pour en acheter un autre... Il y javait écrit sur la devanture : English spoken... et on ne parlait que français! (Avec amer- tume.) Pitié! pitié î... Il y a^vait écrit: « Prix fixe...» Je mar- chande... et on me diminue neuf sous!... Infamie!... Je paye... et on me rend... quoi? une pièce de quatre sous pour une de cinq!... Et Ton veut que j'aime le genre hu- main... non! non!... non!,.. Tout n'est que mensonge, vol et fourberie!... Aussi, j'ai conçu un vaste dessein... J'ai des amis, des canailles d'amis qui, sous prétexte que c'est aujourd'hui ma fête, vont venir m'ojffrir leurs vœuxcmen- leurs. Jb leur ménage une petite surprise... un raout... une petite fête Louis XV, avec des gâteaux de l'époque et des' rafraîchissements frelatés, comme leurs compliments. Je ftCÉNE TROISIÈME. 137 « leur servirai deo riz au lait sans lait... et sans riz !... A mi- nuit, je monte sur im fauteuil et je leur crie : « Vous êtes tous des gueux! j'ai assez de vos grimaces! fichez- ;noi le camp!...» Et, quand ils seront partis, je brûlerai au final- grell ! (Grelottant.) Brrr!... je me refroidis dans ce costume... y ai mal dormi... J'ai fait des rêves atroces... j'ai rêvé que l'embrassais un notaire et trois avoués!... pouah!... (ouTniii son sacrier.) C'est la bile qui me tourmente. (Renyersant les morceaax de sacre suit la table.) Àh!... je reconnais bien là les enfants des honmies... J'en ai laissé cinq morceaux et je n'en retrouve plus que quatre!... Où est le cinquième?... Avec mon portefeuille, sans doute... un portefeuille nourri de quatre billets de mille... Je l'ai égaré dans l'appartement ou dans l'escalier... je me suis parié un cigare qu'on ne me le rapporterait pas... £h bien, j'ai gagné!.. Triste! triste! Bahl je vais me recoucher, (il se dirige^ vers sa chambre, pais revient toat à coap.) Nou!... avant, j'ai cuvie de mettre tous mes domestiques à la porte !... Je les ai depuis cinq jours... il faut en finii { n agite ane sonnette. SCÈNE III. CHIFFONNET, pais DEUX DOMESTIQUES, puL» PRUNETTE. UN DOMESTIQUE, paraissant i droite. Monsieur? CHIFFONNET, avec dou«9ear. Approche, mon ami, approche. ^ LE DOMESTIQUE, à part. Tiens! il a l'air de bonne humeur I I. « 13» LK MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. CHIFFONNET. HegcSf de-moi... Gomment me trouves-tu, ce matin? LE DOMESTIQUE. Ah! monsieur est frais comme ime rose!.. CniFFONNET, éclatant. Tu mens!... je suis jaune! je suis fané! Je suis glauque... va-t'enl je te chasse. LE DOMESTIQUE. Mais, monsieur... CHIFFONNET; Va-Ven, misérable I (Le domes^que se sauT6 A droite. — Seul.) Frais comme une rose!... et Ton veut que j'aime le genre humain! A Tautre maintenant! (ua second domestique parait au fond.) Approche, mon ami, approche... Bastien, tu es un honnête homme, toi. . . un bien honnête homme ! . . . réponds- moi franchement: si je me mariais, crois-tu que je serais.. L£ DOMESTIQUE. Oh! non, monsieur!... CHIFFONNET. Pourquoi? LE DOMESTIQUE. Dame!... parce que... parce que... monsieur lest ai-\ mablel... CHIFFONNET. Ahl très-bien 1 LE DOMESTIQUE, à puW. 11 est flatté! CHIFFONNET. Mon ami... hier, en me promenant au jardin des Plantes, j'ai laissé tomber une épingle dans (a fosse de Tours Mav* tin... va me la chercher I... . SCÈNE TROISIÈME. 139 LE DOMESTIQUE, stupéfait. Moi?... CHIFFONNE!. , ^ lé te défends de vbmettre les pieds ici sans Fépingle! LE DOMESTIQUE. Alors, vous me chassez? CHIFF9NNET. Je ne te chasse pas... je t'envoie chercher une épingle... va!... ah! envoie-moi Prunette!... (Le domestique sort.) Cette bonne Prunette!... j'éprouve le besoin de causer aussi avec^e!... < PRUNETTE, entrant. Vous me demandez, monsieur? CHIFFONNAT, avec doncenr. Oui... approche, ma petite Prunette, approche!... PRUNETTE, ayanoant. He voilà, monsieur. CHIFFONNBT. Je t'ai fait venir pour te dire que je ne faisais pas un cas énorme de toi!... PRUNETTE. Gomment?... CHIFFOKNET; Entre nous, tu es douée de pas mal d'hypc^crisie, de fausseté, de mensonge! PRUNETSB» . Hais... CHIFFONNET. Tu manges mon sucre, tu te plonges dans mes coniltu- 140 LE MISANTHROPE ET L'AUVErgn^At res... et tu me fabriques des filets au vin de MudOie dveo du suresnef... PRUNETTE. \h! par exemple!... CHIFFONNET. Mais je ne t'en veux pas... au contraire... ça me idit plaisir... aussi je te garderai à mon service... toujours! PRUNETTE. Monsieur est bien bon ! CHIFFONNET. Non, je ne suis pas bon!... je te garde, pour avoir près de moi un échantillon de tous les vices, de toutes les gre- dincrios ! PRUNETTE. Mais, monsieur... CHIFFONNZT. Et si par hasard j'avais la fail^lesse de mollir... de croire à la bonne foi... eh bien, tu serais là... près de moi... comme un bec de gaz pour m' éclairer:... PRUNETTE. Un beci CHIFFONNET. Voilà, ma bonne Prunette, ce que j'avais à te dire... Maintenant, tu peux retourner à ta cuisine, reprendre le cours de ton exploitation!!.. PRUNETTE, à part. Est-y assez baroque, cet homme-là... Ah! si la place n'é tait pas si bonne!... Elle sort à droits. SGËNfi QUATRIÈME. i41 SCÈNE IV. CHIFFONNET, puis COQUENARD. CHIFFON NET, tirant sa montre Midi... je vais aller me recoucher. COQUENARD, à la cantonade. Il faut que je lui parle... je n'ai qu'un mof à lui dire!... Khi le voilai CHIFFONNET,  part. Coquenardl... que le diable l'emporte I COQUENARD. Bonjour, cher ami! CHIFFONNET, à part. Cher ami! (Haut.) Bonjour, Coquenard!... COTîUENARD. Nous avons reçu votre lettre d'invitation pour ce soir... on dit que ce sera charmant ! CHIFFONNET. Je le crois... il y aura une surprise! COQUENARD. Âh bah!... à quelle heure? CHIFFONNET. A minuit, (a part.) Quand je les flanquerai àlaporte! COQUENARD. C'est délicieux!.., madame Coquenard se fait une fôtet LE MISANTHROPE ET L'AUVERUNAÏ. CniFFOHKET. madame Coquenard se fait...? Savez-Tous qu'ell ' s-jo!ie, voire femme?... COQUEKARD. pas mail... CHtFFOHNBT, ■'uiimtuil. [-à-dire qu'elle est ravissante!... des cheveml... des .. une taille !... Est-elle vertueuse? COQUENARD, ihlhl. l-il?Âli Qà! vous plaisantez! CHIFFOH.IET. itez donc, nous avons énormément de femmes qui it pas vertueuses! COQUENARD. iris? CHIFFONNEI. !... en Chlnel COQUEnABD, A put et inquiet, quoi me dit-il ça? (Haat.) thiflonnet... auriez-vous quelque chose? CHIPFOHHBT. ,. rien, si cela était... je vous le diraisl... COQUENABD. ait d'un ami!... d'un véritable ami... Ce bon Chif- , Qufl je suis donc content de vous revoiri... CHIFFONNE!, A part. >aressf t ji va me demander quelque chose!... COQUENARD. os, j'ai compte sur vous pour me rendre un pe- SCENE QUâTRIÊMB- 143 GHIFTONNET, à part, Voûà!... Çayestl... COQUENARD.. Tai besoin de quatre mille francs pour un mois... Fi- gurez-vous que j'ai découvert ce matin un cheval qui vaut de l'or... je compte le faire courir à Chantilly... mais, dans ce moment, je ne suis pas en argent comptant, et j'ai pensé à vous!... AIR de Lantara. Quand la sainte amitié nous lie, Repousseriez-vous ses accents? Un ami, c'est un parapluie Qu'on retrouve dans tous les temps, Et surtout dans les mauvais temps. CHIFFON NET, à lui-même. L'image me semble jolie, Mais mon rôle est très-affligeant, Car, moi, je recevrais la pluie, Et lui recevrait mon argent. (Haut et parlé.) Goquenard, comment me trouvez-vous ce matin? COQUENARD, à part. Pauvre homme!... il se frappe! (Haut.) Voulez-vous que je vous parle franchement ?... vous êtes frais comme un «eune homme!... ' CHIFFONNET. Merci!... (▲ part.) Canaille!... canaille!... GOQUENARD. Avez- vous là ces quatre mille francs? CHIFFONNET. Non... j'attends une rentrée... revenez dans^une heurel..* 'fU LK MISANTHROPE ET L'AUVEHGNAT. COQUENIRD. Merci... vous ête^ cliarmant... Mais quelle mine!... Te- nez!... vous vivrez cent ansl Il sort vivement SCÈNE V CHIFFONNE!, puis PRUNETTE. CHIFFONNE!, seial. Cent ans pour quatre mille francs!... Canaille!... ca naille!... (a Prunette, qui parait.) M. Coquenard reviendra dans une heure... tu lui diras que je suis à Strasbourg. PRUNETTE. Bien, monsieur I... CHIFFONNET, rentrant dans sa chambr« Canaille!... canaille!... SCÈNE VI PRUNETTE, puis MACHAVOINE. PRUNETTE. A Strasbourg!... eh bien, et sa soirée? Machavoihe parait au fond. — Costume de porteur d^eau. U tien des seaux et baragouine l*aii rergnat. màchaioine! Le bourgeois Chiffonné... ch'il vous plaît? PRUNETTE, Comment! monsieur Machavoine, vous entrez dans id salon avec vos seaux? PCfïNE SIXIÈME. 145 MACHAYOINE. Éh bien, quoi?... je chuis porteur d'eau... je ai met geaux et je crie : A l'eau... ohl AIR nouveau» A l'eau I C'est mon refrain, Mon gagne-pain. A l'eau, Ohîohlohl A reau I On fait fortune à sa manière. C'est à qui sera 1' plus malin. Moi, c'est le long de la rivière Que je veux faire mon chemin t A l'eau I Etc. II Un homme comme moi porte à la ronde Chez r riche et 1' pauvre... C'est certain, D' l'eau... j'en fournis à tout le monde, J'en fournis même au marchand de vint A l'eau I Etc. Il dépose ses seaux. 4 PRUNETTE, à part. Ces Auvergnats!... C'est-y bien bâti!... (Haut.) Eh bien, quoique ♦TOUS voulez?... voyons! MACHAVOINE. Je veux parler au bourgeois... pour des affaires à part.. PRUNETTE. Ud secret? I. • «46 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. MACHÀTOINE. ,Ouil... PRUNBTTS. Qu'est-ce que c'est?... • MACHAYOINE. Je chuis venu pour lui dire... PRUNETTE. Pour lui dire? MAGHÀTOINE. Que la rivière, il passait toujours sous le pont Ne;f (Riant.) Hi hil... PRUITETTE. Ah ! qu'il est bête!... £h bien, vous ne le verrez pas, le bourgeois. . . y dort ! . . . MÀCHAYOINE. Y dort I... je vas le réveiller I (n s'approche, frappe à la porte de Ghiffonnet et crie :) A Fcau... oh! à Tcau... ohl.. PRUNETTE. Qu'est-ce qui fait là?... Monsieur Ghiffonnet I... je me sauve I... Elle sort. SCÈNE VIL • MACHAVOINE, GHIFFONNET. CHIFFONNETy sortant de sa c&ambre. Quel est ranimai...? Le porteur d'eau! C'est toi qUi m'as réveillé, imbécile? SCÈNE SEPTIÊMï. 147 MICHÀYOINE. A midil... Faut-il que tous soyez feignant: CHIFFONNE!. Voyons... que veux- tu? MÀCHÀVOINE. C'est-y pas vous qu'aureriez perdu quèque ohosft^ CHIFFONNE!. Oui... moi. MÀCHÀVOINE. Là OÙ t'est-ce?... CHIFFONNE!. Dans mon escalier Je crois. MÀCHÀVOINE, tirant un portefeuille de sa poche. Après? CHIFFONNE!. Un portefeuille I MÀCHÀVOINE, «aokant le portefeuille. Quelle couleui? CHIFFONNE!. Rougel... MÀCHÀVOINE. Contenant? CHIFFONNE!. Quatre billets de mille! MÀCHÀVOINE. C'est bien à vous... V'ià le maroquin ; mbJntenant, je n*ai plus rien à vous dire, bonsoir... U reprend se» seaux et se dirige vers la pjorte. i*^ LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. CHIFFONNE T, à part, stupéfait. Cest prodigieux!... Tiens! je me dois un cigare! (Aper- cevant Machavoin^ qui s*en va.) Eh. bien, OÙ TA-t-ll donc? (^appelant.) Hôl porteur d'eau! MACHAYOINB. Bourgeois? CBIFFONNET. Tu oublles^la petite récompense. Il fouille à sa poche. MACHAYOINE. Une récompense?... A cause de quoi? CHIFFONNE!. Parce que tu me rapportes quatre mille francs! MACHAYOINE. Pour ça?... Allons donc!... ça n'est pas assez lourd... Ah! si c'était de la ferraille!... mais de l'argent! fichtra! ça fait plaisir à rapporter pour rien!... CHIFFONNE T, froidement. Oui... oui... (a part.) C'est pour avoir davantage... Je connais cette ficelle-là. (Haut.) Tiens I voilà quarante francs ! [ MACHAYOINE, se fâchant. Rentrer çal... Les enfants de l'Auvergne!... ils sont des honnêtes gens!... CHIFFONNET. Cent francs ! MACHAYOINE, avec colère. Rentrez ça! CBIFFONNET. Mille 1 SCEWE »J£FÏ1E;MjK. ii^ MACHÀYOINE. Assez?... Vous pourriez me tenter!... et alors, je vous aplatirais... comme une limande, fichtra !... CHIFFONNET. Quelle sainte indignation!... Gomment t'appelles-tu! MICHÀYOINE. Machavoine. CHIFFONNET. Machavoine, tu es sublime ! MACHAVOINE, indign*- Sublime vous-même, fichtra! CHIFFONNET. Galme-toît MACHAYOINE. Âhî c'est que je suis franc... je ne sais pas mentir, moi!... CHIFFONNET, prenant les seaux de dessus les épaules de Machayoin« et les mettant sur les siennes. Tu ne sais pas mentir!... Machavoine, comment me trouves-tu ce matin? MACHAVOINE. Je vous trouve laidl... CHIFFONNET. Très-bien!... Si je me mariais... crois-tu que je serais?.., MACHAYOINE. Oh! ça... tout de suite!... CHIFFONNET, s^épanoulssftAt. EQiin,envoilàun!... Ahl ça fait du bien!... ça repose!... (Il pose les seaux à droite.) On a bien raison de dire que la J50 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. Tèrité^ habite un puits... mais, sans les porteurs d'eau, elle y resterait !... Cause-moi... MachaToiue, cause-moi î H ACHATOINE. le n'ai pas le temps... Et mes pratiques? CHIFFONNET, àpart. Ah! quelle idée! je. conçois un vaste dessein! (Haut.) Ecoute-moi, bon Savoyard... KIÇHÀTOINB. Auvergnat. CHIFFONIfET. Auvergnat, ça m'est égal!... Que gagn«s-*u à porter ainsi de l'eau chez tes contemporains?... MÀCHAVOINE. Je gagne de trente à trente et un sous par jour... CHIFFONNET. Et ça te suffit pour vivre ? Oh ! frugalité, frugalitasl (a MbchavoioD.) Homme des temps antiques ! j'ai besoin d*un ami... Veux-tu devenir le mien?... je te donnerai cinq francs par jour... et nourri I... HACHAVOINB. Cinq francs! fichtra! (Déposant ses seaux.) Qu'est-ce que j'aurai à faire?... CHIFFONNET. Tu me diras la vérité... toute la vérité, rien que la vérité... MACHAVOINE. C'est un métier de feignant! CHIFFONNET. Ohî pasiunt que tu le crois!... il y a de l'ouvrage. Tu te , y SCENE SEPTIEME. 15t mettras à Taffût... et, dès qu'un mensonge paraîtra dans cette maison... paf! tu tireras dessus... sans pitié! UXCHATOINE. Quel drôle d'état!... Et si c'est vous qui mentez?... CHIFPONNET. Raison de plus, tu tireras à mitraille!... Ainsi, c'est con«; venul... touche là!... MÀCHAYOINE. C'est conyenu?... Un instant!... vous pouvez t'être un filou!... CHIFFONNET, à part. Il me traite de filou I... Il est charmant! (Haut.J Gon« tinue... MACHXYOINE. Une supposition que, dans huit jours, vous me ilaa* quiez à la porte... comme une écaille d'huître CHIFFONNET. Jamais!... MACHATOINE. J'aurais perdu mon état, mes pratiques... Tenez... déci- dément, j'aime mieux porter mon eau! Il remonte. GHIFFONNET. Arrête... cruel Machavoine!... Veux-tu que je me lie par une parole d'honneur? MACHÀYOINL c Oh! oh! les paroles d'honneur... c'est comme la neige., ça fond devant le soleil!... GHIFFONNET, avec enthousiasme. J'aime ce souverain mépris des hommes]... Alors, faisons on bail de trois, six ou neuf!... 352 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT MACHAYOINE. A mon choix. CHIPFONNET. Soit... MACHÀVOINE. A la bonne heure! . CHIFFONNE!, à part. Je le tiens I Il se met au bureau et écrit. MACHAVOINE. C'est bien cent sous que vous avez dit? CHIFFONNE!. Oui... et, de plus, je stipule un fort dédit... MÀCHAYOINE. Six cents francs I CHIFFONNET. Ce n'est pas assez... Trente mille francs 1 MACHAYOINE. Rchtral CHIFFOIifNET, à part. Il ne pourra plus m'échapper, (Haut.) et je signe ! (mi «risentant la plume.) A ton tour!... MACHAYOINE. Minute. n s*assied, prend le papier et le parcourt ' CHIFFONNET. Tu te méfies de moi? MACHAYOINE. Ce n*estpas que je me méfie... Mais je regarde si vous Avez mis les cent sous..* ii 1 SGÊNR HUITIÈME. 153 CHIFFONNBT. n est plein de rondeur! MÀCHÀYOINB. Ça y est! je signe! CHIFFONNBT, à lui-même. AIR d'AmbroisCy ou Voilà ma journée. Oui^ cet homme, je me l'attache Gonime un chien qu'on garde à rattache MACHAYOINE, montrant son papier. Moi, je ne désire plus rien. Je suis riche, voilà mon bien CHIFFONNBT. Maintenant, cet homme est mon hier On voit tant de gens, ô sottise, Payer cher le mensonge... Eh bien Je viens d'acheter la franchise; Oui, je la tien, Oui, je la tien! MACHAYOINE, Ma fortune, il faut que je le dise, Oui, je la tien! ENSEMBLE Oui, je la tien! SCÈNE VIII. Il sigiii» Les Mêmes, PRUNETTE PRUNBTTB. Monsieur 154 LE MISAIH-HROPE ET L'AUVEHG CHIFFONNET. Qu*est-ce que c*est? Je n'aime pas qu'on me dérange quand je suis avec mon ami. PRUNETTB. Le porteur d'eau?... GHIFFONNET. Apprenez, mademoiselle Prunette, que cet homme n'est plus un porteur d'eau... Je l'ai élevé au grade d'ami 1... fichtral MICHAYOINE. Oui!... à raison de cent sous par jour et nourri... A pro- pos, combien de plats? CniFFONNET. Écoute les comptes de la cuisinière et tu le sauras ! MACHAYOINE* Oh!... Ayant, je suis franc, moi... ayant, je vas vous demander une c^ose! CHIFFONNET. Parle! HACHATOINE. Je voudrais te tutayer comme tu me tutaiesl... CHIFFONNET. Je n'osais pas te l'offrir... Tutoie-moi, fichtra!... KACHAVOINE. Ohl merci!... CHIFFONNET, à Prunelle. Vos comptes, Prunette!.., Il s^assied à son bureau, et Machavolc? o^ass ied à g:auo^•• j •■ * SCÈNE HUITIEME. *5I PRU NETTE, lisant son livre de dépens*. Pain... trois francs. CHIFFONNET. Trois francs dB pain? PRUNETTE. U est r'augmenté. UÀCHATOIIfE, à part. Hein? r'augmenté! PRUNETTE. Pot-au-feu... sept francs cinquante centime«. CHIFFONNET. Sept francs cinquante centimes de pot-au-feul MACHAYOINE. Bigra! PRUNETTE. ^ II estVaugmentél CHIFFONNET. Le pot? PRUNETm Non. CHIFFONNET. Le feu? PRUNETTE. Non... la viande!... Choux et légumes, quarante sous... Poulet, dix francs. UàCBAYOINE, se levant et éolataak C'est trop fort!... Mille fichtra de bigra! 156 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT, CHIFFONNE! et PRUNETTE. Quoi donc? UACHAyOINE. Le pain n'est pas augmenté I la viande non plus!... Quant au poulet... j'étais chez la marchande... Vous l'avez payé cent sous... ah ! PRUNETTE, bas, à Machavoine. Taisez-vous donci MACHATOINE. Nonl noni noni Pourquoi que vous vojez oe brav j homme? PRUNETTE. Ce n'est pas vrai! UACHÀVOINE, menaçant. Ne dites pas chai CHIFFON NET, les séparant et prenant le milieu. Silence!... (Poétiquement.) Quelle admirable mise en scène!... D'un côté la vérité... de l'autre le mensonge... et Ghiffonnet au milieu... calme et serein !... MACHÀVOINE. C'est égal... elle l'a payé cent sousl PRUNETTE. Oui, mais je dirai pourquoi à monsieur!... CHIFFONNET. . Machavoine!... tu as été gigantesque... tu as été hornW ^•ique!... je t'admets à ma table... va t'habiller! MACHAVOINE. Je veux bien aller m'habiUer.. Mais elle ne l'a payé quô cent sous!... SCÈNE HUITIÈME. f5î ENSEMBLE AIR de Dont Pasqualê» MACHAVOINE. C'est à regret que j' tous quitte. Elle peut encor vous tromper, Mais je vais r'venir bien vite. Gela va bien l'attraper» CHIFFONNET. C'est à regret qu'il me quitte. Elle pourrait me tromper, Mais il reviendra bien vite, Pour mieux encor l'attraper. PRUNETTE. Vraiment cet homme m'irrite. Croire que je veux tromper, Qu'il s'en aille donc bien vile, Je n'irai pas 1' rattraper! CHIFFONNET, seul. Ce Machavoine est immense, Quel bonheur pour mon foyer. H a découvert la danse De l'anse de son panier. ENSEMBLE, REPRISE. MACHAVOINE. C'est à regret que je vous quitte. Etc. CHIFFONNET. C'est à regret. Etc. PRUNETTE. Yraiment cet homme, Etc. Ifachayoine reprend ses seaax et sort. '^ 158 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. SCÈNE IX. CHIFFONNET, PRUNETTE. CBIFFONNET. Prunette! PRUNETTE. Monsieur? CHIFFONNET. Avance, mon enfant! (Prunette 8*approché.) Nous filoutoni donc la monnaie à papa Ghiffonnet ? PRUNETTE. Monsieur, je vas vous dire la vérité... •CHIFFONNET. La vérité! (Lui caressant la joue.) Ah! j'aime tes mots) PRUNETTE. Vous m'avez dit pour la soirée... CHIFFONNET. Petite voleuse ! PRUNETTE. Je vois bien que monsieur veut me renvoyer! CHIFFONNET. Moi !... je m'en garderais bien. PRUNETTE. C'est que je suis ime honnête fille, au moins I... CHIFFONNET. Oui... oui... oui... Combien as-tu à la caisse d'épargne t S.GÊNË NEUVIÈME. 159 PRIJNETTB. Taî deux mille francs !... ÇHIFFONIVET. Charmant ! tu gagnes trois cents francs par an... et tu n*es à mon service que depuis huit mois ! Ah ! tu me plais ! tu me réjouis, tu es complète ! PRUNETTE. J'ai fait un héritage ! CHIFFONNET. Un héritage, toi?... Tiens! voilà vingt sous pour ton mot... j*adore tes mots! fais-m'en d'autres ! je les paye- rai!... PRUNETTE. Je vois bien que monsieur manque de confiance en moi !.. CHIFFONNET, se tordant. Confiance I... oh ! assez ! tu me ruinerais !... PRUNETTE, A part. C'est pas possible !... il a eu un coup de marteau l CHIFFONNET. Tu as bien exécuté mes ordres pour ce soir ? PRUNETTE, hésitant. C'est-à-dire... oui, monsieur I (a part.) J'ose pas lui dire!.., CHIFFONNET. Les sirops sont-ils bien^mauvais, bien tournés? PRUNETTE. Oui, monsieiur!... CHIFFONNET. An I tant mieux !... ces chers amis !... et lo.s gâteaux? 160 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. PRUNETTE. as ont huit jours !... CHIPPONNET. C'est bien jeune I ... et le riz au lai t ? PRUl^ETTE. Je n'ai pas mis de riz !... CflfFFONNET. Ni de lait?... PRUNETTE. Non, monsieur 1 CHIPFONXET. AlorS; qu'est-ce que tu as mis ? PRUNETTE. J'ai fait une semoule au beurre I CHIFPONNET. Très-bien!... ajoutes y de la moutarde... Quant aux bougies... de la chandelle !... PRUNETTE. Mais, monsieur... CHIFFONNET. Qu'est-ce que ça te fait?... tu me la compteras comme de la bougie I... ehl eh! petite truande!... petite ribaude .. adieu, petite cour des Miracles, adieu! Pranette sort. "v; SCENE DIXIÈME. "" SCENE X. CHIFFONNET, MACHAVOINÊ. XACHAYOINE, parlant à la cantonade; il est endimanché. Viens-y donc, méchant gringalet de quatre sous, vien»-y donc ! CHIFFONNET. Hachavoine!... quelqu'un t'aurait-il manqué? MACHAYOINE. C'est le portier... je passe devant sa loge... et je l'en- tends qu'il dit au tambour de la garde nationale : « M. Chif- fonnet ne demeure plus ici!...» CHIFFONNET. Oui, c'était convenu I • MACHAVOINE. Alors, moi, je suis couru après le tambour... et je lui ai dit : « Si, qu'il y demeure, fichtra!... » CHIFFONNET, à part. Maladroit! MACHAVOINE. Donnez-moi son billet de garde... je vas y porter ! CHIFFONNET. CSomment! MACHAVOINE. Il n'a pas voulu!.,. CHIFFONNET, avec joi^ Ahl... II 162 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. MACHAVOINE. Il m'a dit que ça ne le regarde pas... ça regarde le êergent-major... Alors, moi, je suis couru chez le sergent- major... CHIFFONNE!. Allons, boni... HACHAYOINE. ïj ai conté la frime... (Triomphant.) Et v'ià ton billet de garde I... c'est pour demain!... CHIFFONNE T, prenant le billet. Merci!... bien obligé! (Tristement.) Me voilà de garde de- main!... MACHAYOINE. On dirait que ça ne te fait pas plaisir. CHIFFONNE!. Mais, grand nigaud, tu ne comprends pas que c*est moi qui avais recommandé au portier! MACHAVOINE. Un mensonge!... Ah! Ghiffonnet!... ça n'est pas bienl... CHIFFONNE!. Oh! un mensonge!... MACHAVOINE. Tu m'as dit de tirer dessus et j'ai tiré dessus! CHIFFONNE!. * Certainement... certainement! (a part.) Je trouve qu'il va un tantinet loin. (Haut.) Je vai-s m'habiller, donne-moi mon nabitl... sur cette chaise. If 6te son pet-en-Pair et reste en bras t» cAemIse. M A en A TOI NE, qui a été chercher Thabit, Taperçoit et éclata de rir». Qlxl oh!... fichtra de la Catarinil SCENE DIXIÈME. 163 CHIFFONNE!, regardant autour de lai. Qu'est-cô qu'il a? MACHATOINE. Ah! ben, en voilà un polichinelle qu^st mal bàtil... CHIFFONNE!. HeUi? HAGHATOINE, tournant autour de lui. Gomme c'est fichu l... fichtra de la Catarinal... CHIFFONNE!, à part. Ah! mais... il est embêtant! (Haut.) Voyons, cet habit... Serre d'abord la boucle de mon gilet... MACHAYOINE. Ohl... ça... ça ne fera pas de mal!... (ii lui met ua geno» •nr le dos et serre de toutes ses forces.) HuC... la!... huC... la!..* CHIFFONNE!. Aie!... prends garde! MACHAYOINE, lui faisant passer une manche de son habit. Ahl mon vieux, que voilà de la mauvaise viande! CHIFFONNE!. C'est bien, on ne te demande pas ça... Il me semble que je ne suis pas plus mal fait qu'im autre!... MACHAYOINE. Du ventre... et pas de jambes!... Tas poussé commpuue citrouille!... CHI^FONNEt. £n voilà assez!... MACHAYOINE. Ah! je suis franc, moil... 164 LB MISANTHROPE ET L'AUVERGNAÎ- CHIFFONNET. Va me chercher ma perruque neuve... MACHATOINE. Une perruque I... une perruque !..• CHIFFONNET. Mais ya donc!... MÀCHAYOINE. J'en crèverai de rirel fichtra de la Gatarina!... Il entre à gauche SCENE XI. CHIFFONNET, puis PRUNETTE, puis MADAME COQUENARD. CHIFFONNET. Ahl mais il est embêtant!... (s'examinant.) Et puis,., je crois qu'il manque un peu de goût! PRUNETTE, entrant. Monsieur... CHIFFONNET. 4 Quoi?... PRUNETTE, avec mystère C'est madame Coquenard qui demande à vous parler en secret!... CHIFFONNET. Madame Coquenard!... une si belle femme!... dansmoii ermitage! Sapristi !...| je suis fâché de ne pas avoir ma perruque neuve!... Enfin!... fais entrer!... SCÈNE ONZIËMS. i65 PRUNETTE, à la canUnade. &trez, madame!... Elle sort et se croise avec madame Goqueuard. MADAME GO QUENARD, saluant. Monsieur... CHIFFONNE!. Madame... donnez-vous donc la poine devons asseoir!... MADAME COQUENARD. Non ! ... je ne reste qu'un instant ! . . , CHIFFONNE!, à part. Elle est encore plus suave dans le tête-à-tête ! MADAME COQUENARD. Monsieur, qu'allez-vous penser de ma démarche ?... CHIFFONNET. Je pense que votre démarche est celle d'une gazelle !... MADAME COQUENARD. C'est-à-dire que vous la trouvez légère ?... CHIFFONNE!. Oh ! loin de moi... MADAME COQUENARD. Et VOUS avez raison... Oser me présenter chez vous... chez un garçon !... sans mon mari ! CHIFFONNE!. Madame, l'absence d'un mari est le plus beau cortège d'une femme... chez un garçon! (a part.) Bandit que je suis !... MADAME COQUENARD. Vous allez dire que je suis bien indiscrète, mais... CHIFFONNE!. Achevez, de grâce 1... 166 LE MISANTHROPE ET L'AUVK RGNAT, MADAME COQUENARD. Vous avez vu M. Goguenard, ce matin ? CHIFFONNET. Oui... MA.DA.ME COQUENARD. n VOUS a, je croîs, parlé d'un emprunt !••• CHIFFONNET, à part. Hein !... elle vient chercher les quatre mille I C'est une carotte!... soyons froid. (Haut.) Fectivement, madame, fec- tivement, nous en avons parlé vaguement... excessivement raguement ! MADAME COQUENARD. Il me Ta dit... GHIFFONNET, à part. Parbleu I MADAME COQUENARD. Et je suis venue à son insu 1 CHIFFONNET, ironiquement. Oui... en catimini... en catimini I... MA.DÂME C0QUENA.RD, A part. Qu'est-ce qu'il a ? (Haut.) Vous prier... vous supplier... CHIFFONNE!, A part. Comme je la vois venir I... MADAME COQUENARD. De ne pas lui prêter ces quatre mille francs I... CHIFFONNE!, stapéfait. Ah bah I... ah bahl... (Avec empressemeut.) Madame, don** aez-vous donc la peine de vous asseoir I... (a part.) Je re- deviens bandit 1 »Jf^^ - • ' ' "f- ' ' - ' "• ■ i I t^^^^^^^^^fammmm^Êmmmmmmm^masnmB» SCENE ONZIEMK, 157 Madame goquenàrd Vous me le promettez ? CHIFPONNET. Refuser ce pauvre Goguenard I... c'est cruel I bien cruel !..• Mais, pour vous être agréable... MADAME COQUENARP, C'est que vous ne savez pas !... CHTFPOWNET. Quoi donc?... MADAME COQUENARD. Non... j*ai tort devons dire... mon mari possède un tra- vers affreux!... CHIFPONNFT. Se livrerait-il aux alcools ? MADAME COQUENARD. Non I... mais il aime, il adore, il idolâtre les chevaux. CHIFFONNET. Gomment !... ces vilaines petites créatures sans grâce... qui nous jettent par terre !... MADAME COQUENARD. Oui, monsieur... aussi, passe-t-il sa vie dans son écurie... il en a fait son salon, son cabinet de travail, son bou* doir!... CHIFFONNET. l Jt sa cbambre à coucher? MADAME COQUENARD, viyemeni Ohlnonl CHIFFONNET. Ahl... c'est égal, vivre dans le fumier... comme un me* IoaI... ah!... fi! fi! fi! et encore fi! if»8 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. HÀDAUE COQUENARD. Que voulez- vous!... je me résigne... je sais m'imposer des privations... dernièrement, je désirais un cachemire... CHIFFONNE!. Eh bien ? MADAME COQUENARD, tristement. Eh bien, M. Goquenard s'est donné un ponej I CHIFFONNE!, avec intérêt. Pauvre martyre de l'équitation ! MADAME COQUENARD. Cependant, je ne voudrais pas que cette sotte passion le ruinât ! CHIFFONNE!. Je comprends ce subjonctif; c'est le subjonctif d'un ange!... (a part.) auquel on a refusé un cachemire. MADAME COQUENARD. Ainsi, monsieur, c'est bien convenu... vous ne lui prê- terez pas cette somme?... * . CHIFFONNE!. Ah!... soyez sans (srainte ! (Tendrement.) D'ailleurs, puis-je refuser quelque chose aune femme!... mais asseyez-voua donc!... MADAME COQUENARD Merci!... CHIFFONNE!: Nous serons mieux pour causer !... MADAME COQUENABD. fe vais me retirer... car si mon mari se doutait!... CHIFFONNE!, avec exaltation. Ohl pas encore!., laissez-moi contempler ce profil by- SCEN€ DOUZIEME. 1C9 ^^WMi" ^^ i^ôz... renouvelé des Grecs!... ces yeux fen- dus en amandes... douces ! oh ! très-douces I MADAME COQUEIiARD. Ah ! monsieur ! CHIFFONNE!. Et ces cheveux!... qu'ils sont beaux!... onduleux!... vaporeux, fabuleux ! . . . MADAME COQUENAHD. Mais il me semble que vous-même, de ce côté-là I... CHIFFONNET, à part. Elle croit que c'est à moi ! (Haut, minaudant.) J'avoue que j'aurais tort de me plaindre!... sous ce rapport, la nature n'a pas trop liardé... à mon égard !... SCÈNE XII. Les Mêmes, MACHAVOINE, puis PRUNETTE. MACHAVOINE entre portant une perruque sur son poing. La voilà! ^ CfflFFONNET, à part. Ahl sacrediél... madame coquenard. Qu*est-ce que c'eist que ça ? MACHAVOINE. Ça?... c'estla perfuque de Chiffonnet!.. CHIFFONNET. Du tout!... connais pas !.,. I. lo «0 LR MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. HACHAYOIIfE. Mais si I... Mais non I... Mais si I... CHIFrONNIl^ MACHAYOIKB. CHIFFONNETy baa. Tais-toi donc, animal! HACHATOINE, à madame Go^enard. Q me dit de me taire!... à preuve que c'est à lui!... MADAME GO QUENARD, étouffant son rire. Ouoil... monsieur Chiffonnet, vous portez pcEruque?... CHIFFONNE!. Oh! oh! au carnaval seulement... pour me mettre en garde française! (Haut, à madame Coqueftard.) Tcspère, ma- dame, que vous ne croyez pas un mot?... MADAME COQUENARD, saluant. Adieu I... monsieur... comptez sur ma discrétion. CHIFFONNET, saluant. Madame!... (a part.) Ce manant me fait perdre ime oo' casion magnifique. PRUNETTE, entrant vivement. Monsieur!... c'est M. Goquenard!... ZIADAHE GOQUENARD, très-effirayée. Ah! mon Dieu!... je suis perdue s'il me trouve icL CHIFFONNET. J Gomment? MADAME GOQUENARD. Uestd'itne jalousie!... il vous tuera, monsieur. SCÈNE TREIZIÈME. ^1 CHÏFFONNET. Bigre I... Primette, dis q^ae je n'y suis pas. MÀCHAVOINE. Par exemple!... faire mentir cette fille! ça serait du propre! (courant à la porte.) Monsieur, monsieur I... il j est» Chiffonnet !... il y est. CHÏFFONNET. Sapristi ! * MADAME COQUENARD. Mon Dieu ! que faire ? PRUNETTE, la poussant dans le cabinet à gauche. Vite là, vous sortirez par la cuisine. Madame Goquenard entre avec Prunette pondant que Mdchayom& est encore à la porte du fond. SCÈNE XIII. CHÏFFONNET, MACHAVOINE, COQUENARD. MACHAVOINE, à Goquenard. Entrez, monsieur, entrez, (a part, cherchant madame Goquè" nard.) Tiens! où est-elle donc passée? COQUENARD, à Chiffonnet. Bonjour, Chiffonnet... je vous dérange? CHÏFFONNET, mal à l'aise. Du tout... du tout... J'allais sortir... venez-vous? COQUENARD. Un instant... je -viens chercher les quatre mille francs dont' je vous ai parlé .. 172 LE MISANTROPE ET L'AUVERGNAT. CHÏFFONNET, à part. Et sa femme qui m'a fait promettre. (Haut.) Mon cher ami, j'en suis désolé, mais cette rentrée sur laquelle je comptais... enfin, je n'ai pas d'argent! MACHÀVOINE. Pas d'argent! pourquoi que vous dites ça? (a Goqo»iiard.' n en a, mais il ne veut pas vous en prêter! ^ CHIFFONNE!. Ahf mais... ah! mais il m'agace! COQUENARD. Comment! Chiffonnet! CHÏFFONNET. Croyez, mon cher Coquenard, que, si j'avais celte somme je serais heureux, oh ! mais bien heureux de pouvoir vous l'offrir. MACHAYOINE, à lui-même. Oh ben! si ce n'est que ça!... Il va à la petite table. CHÏFFONNET. Ce subalterne ignore l'état de mes caisses, la vérité est qu'il me reste sept francs pour dîner à trente-deux sous. MACHAYOINE, se plaçant entre Chiffonnet et Goguenard. Soyez heureux, voilà les quatre mille francs. Il donne le portefeuille à Chiffonnet. CHIFFONNET, cachant le portefeuille. L*animal ! COQUENARD, à Machavoine. Comment ! MACHAVOINE. Le portefeuille que j'ai trouva et quo j'ai rapporta... SCENE TREIZIEME. 173 CHIFFONNE!. Oui... je Tavais oublia... non! oublié dans ce tiroir, (a part.) Mais c*est la grêle, la peste, que cet Auvergnat! (n jette le portefeuille au nés de Machavoine et donne les billets à Go- guenard.) Voici!... GOQUENARD, mettant les billets dans sa poche Ah 1 mon ami que de remerciments I CHIFFONNE!. îl n'y a pas de quoi! COQUENARD. Adieu... à ce soir... je suis pressé, (n prend son chapeau et aperçoit Pombrelle que sa femme a oubliée sur un meuble.) Tiens, c'est extraordinaire. CHIFFONNET, à part. Fichtre de bigre! COQUENARD redescend. A qui ça? CHIFFONNE!, embarrassé. C'est une ombrelle!... Un cadeau que je viens de faire à ma nièce... COQUENARD, soupçonnant. Ahl MACHAVOINE. Se le croyez pas! il vous conte des couleurs, des men- songes 1 f OQUENARD. C:omment î MACHAVOINE, à Goquenara. C'est l'ombrelle d'une dame en chapeau bleu. 174 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. COQUENÂRD. Un chapeau bleui CHIFFONNET. Non! HACHAYOINE. Avec un chàle blanc. COQUENÂRD. C'est bien ça I CHIFFONNET. Misérable! MÂCHÂTOINE. Et tout à rheure le bourgeois lui fai»«it de Toeil... AJii mais de Toeil! avec sa perruque. COQUENÂRD Et où est cette dame? CHIFFONNET. Je vais TOUS expliqpaer... COQUENÂRD. Non... pas vous! (A Macharoine.) Toil... Car tu dis la Térité, toi! MÂCHÂTOINE. Toujours! COQUENÂRD. Eh bien, parle... où est cette dame? mâchâyoine. Cette dame, je Fai vue, mais je sais pas ous qu'elle a passé ! CHIFFONNET '< Part. Je respirai fî->- \ SCÈNE TREIZIEME. 175. COQUENARD. Je cours chez moi, et, si madame Gcquenard n'a pa» son ombrelle... Il remonte. MADAME COQUENARD, entr^oavrant la porte. Les verrous sont mis... impossible de sortir. MACHAYOINÉ, Papercevant. Ah! fichtre!... la voilà!... la voilà! La porte se referme virement. CHIFFONNET. Misérable! COQUENARD, courant à la px>rt«. Ouvrez, madame, ouvrez! CHIPFOIÎNET. Goquenard! vous oubliez que vous êtes chez moi! COQUENARD. Monsieur!... rendez-moi ma femme, et après nous eau* serons! II frappe sur la porte. AIR de Madame Favart. Oh! dusse- je enfoncer les portes, Ma femme est là... je la verrai. V CHIFFONNET, à Machavoine. De chez moi, je veux que tu sortes. MAGHAVOINE, montrant son traité. Trent* miir francs... et j'obéirai. GOQUENARD, parlé. Ouvrez, madame!... ouvrez* CHIFFONNET, Mon Dieu, si je pouvais le tordr«l 476 tK MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. HÀCHAYOINE. Trent* mûi' francs 1 CHIFFONNE!. Oh! le scélérat Me donne des envies de mordre... De mordre dans un Auvergnat. SCÈNE XIV. Les Mêmes, P^HUNETTE, avec le chàleet lechapeaa de madame Goquenard. La porta s'ouvre, Pranette parait, son voile est baissé. TOUS, étonnés. Tiens I MACHAYOINE, à part. Elle s*est raccourcie I Il remonta- PRU NETTE, à Ghiffonnet. Adieu, mon oncle... CHIFFONNET, à part. Prunettel... ô fille intelligente... et rouée 1 PRUNETTE, bas et vivement Elle est partie ! ne craignez rien I GOQUENARD, qui s^est approché. Quoi? CHIFFONNET Rienl... adieu, ma nièce... prends l'omnibus et si je pou- ton mari dout moi... avec la correspondance. Si.ENE QUATORZIÈME. ^7 PRUNETTE. Oui y mon OliCle,.. (Prenant Tombrelle des mains de Goquenard.) Pardon, c'est mon ombrelle. COQUENARD, ébahi, rendant Tombrelle. Madame. t. (Prunette sort, Ghiffonnet raccompagne jusqu^au fond. La nièce... ou nonl... du moment que ce n'est pas ma femme... HACnATOINE, à Goquenard. Dites donc, çan'estpas la même... COQUENÀRD. Quoi? MACHAYOINE. L'autre était plus grande et moins ratati'née... COQUENARD, à part. Est-il possible!... oh I il y a un mystère, mais je le dé- couvrirai... j'ai un moyen! (a Machavoine.) Dans cinq mi- nutes... Tiens me trouver au café en face.., vingt francs pour toi. CHIFFONNET, redescendant, à Goquenard. Eh bien... vilain jaloux... GOQUENARD. J'avais tort... je le reconnais... soupçonner un ami, ce bon Ghiffonnet... je vous aurais tué d'abord I CHIFFONNET, à part. Mazettel COQUENARD, à part. lia pâli! (Haat.) Adieu... à tantôt. (Bas, à Machavoine.) Toi, dans cinq minutes... UACHAYOINB. On y sera. 178 LE MISANTHROPE ET L»AUVERGNAT. AIR des MousquetaîreSé ENSEMBLE. Agissons avec my stère.. « Et sans bruit et sans écla\ Bientôt je saurai, j'espère. Faire parler cet Auvergnat. MAGHÀYOINE. Chacun peut voir, je Tespère Grâce à mon nouvel état, Que c' n*est;pas aisé de faire... Faire mentir un Auvergnat. CHIFPONNET. Je crois que c'est un mystère. Mais je ne m'explique pas Pourquoi l'on a sur la terre Introduit des Auvergnats. CHIFFON NET, à Machavoine. Quant à toi, ûche-moi le camp f MACHAVOINE, à Chifomnat. Trente mille francs f ou je reste. Il sort par la droite» SCÈNE XV. ÇHIFFONNET, puis PRUNETTE. CHIFFONNE!. Trente mille francs I Mais plutôt que de te les donner, 1 aimerais mieux... fonder une société pour la destruction des animaux nuisibles... y compris les porteurs d'eau!... Et dire que j'en a^ pour neuf ans !... Trois, six ou neuf, à SCÈNE QUINZIÈME. 179 sa Yolonté... pas à la mienne I... Ah çàl mais je suis dans la position de Laocoon... avec un Auvergnat qui me ser- pente autour du cou... qui m'étrangle... qui m'étoutfel.. Comment faire pour le renvoyer dans ses sales monta- gnes, dans son savoyard de Puy-de-Dôme? (Tout à coap.) Ohl je conçois un vaste dessein!... une idée machiavéli- que... mais tellement machiavélique, que je n'ose pas me la confiçr à moi-môme... Si je pouvais trouver sous miw main un ange assez déchu... pour lui dire... Ahl Pr»- nette ! PRUNETTE,à part. J'ai reporté l'ombrelle I... elle est sauvée I... CHIFFONNET. Prunette... tu as fait im coup de maître tout à l'heure; je t'en sais bon gré... Regai'de-moi... jedois avoir quelque chose de méphistophélistique dans l'œil? PRUNETTE. Il vous est entré quelque chose dans l'œil? CHIFFONNET. Gomment trouves-^u le petit auni que je me suis procuré ce matin? Machavoine? PRUNETTE. CHIFFONNBT. Ouv PRUNETTE. Dame... monsieur... je le trouve bel homme. CH^PFONNET. Très bien... Prunette, il faut croiser les rues... j'ai envie de te le donner en mariage. 180 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. PRUNETTE. A moi? CHIFFONNET, Mais à une condition... PRUNETTE. Laquelle? parlez... CHIFFONNET. Écoute-moi..- Prunette, tu es de Tétoffe des Lisette et des Marton dont fourmille le répertoire du Théâtre-Fran- çais (édition Dabo, soixante-sept volumes, très-mal im- pnmés). Ces démons femelles... pas de mouvement I ça me gène dans mes narrations... sont le type de la four- berie et de la duplicité. PRUNETTt Mais, monsieur... CHIFFONNET. Pas de mouvement!... Elles ont été inventées pour ten- dre des pièges, des embûches, disons le mot, des traque- nards... aux hommes assez simples pour se laisser prendre à leurs douces paroles... Eh bien, si toi, Prunette... toi que j'estime assez pour te placer au rang de ces déhcieuses coquines, de ces charmantes effrontées... pas de mouv*- menti si je te donnais la mission de conduire ce primitif Machavoine sur le chemin que tu parcours si noblement, si je te chargeais de l'amener à ce degré de fausseté que tu possèdes... PRUNETTE. Ah I mais permettez... CHIFFONNET* Je ne permets pas... je continue... Si, enfin, je te don- nais im homme franc, trop franc... ami, trop ami de la fWPPW^I^^^^^^"^""""" ■ ■'"! SCÈNE SEIZIÈME. iSl vérité... pour en faire un menteur... bref, si je te confieds un Auvergnat, te sens-tu de force à me rendre un Gascon? PRUNETTE. Un Gascon? Dame, monsieur... je tâcherai. CHIFFONNE!. Cela me suffit... tope!... Machavoine est à toi... mais, je te le répète, déteins sur lui, ma mignonne... rends-le câlin, flatteur, ma toute belle. n lui tape sur la joue. PRUNETTE. Monsieur est bien bon... CHIFFONNET. Va, ma colombe, va... et ta fortune est assurée! Rends- le câlin, flatteur, menteur! Courage, Prunette! PRUNETTE. Oui, monsieur. SCÈNE XVL PRUNETTE, puia MACHAVOINE, entrant par le fond. 'sans voir Prunette. PRUNETTE, seule. Lui apprendre à mentir!... Voilà une drôle d'idée! Or- dinairement, ces choses-là... ça ne s'apprend pas... ça vient tout seul. MACHAVOINE. Allons, le Coquenard... c'est un brave! Il m'a promis vingt francs pour ce soir... et cinq de Chiffonnet... Ah! la mérité, c'est tme fameuse branche! n s^assied. 1. u .M. .-»» J. . !82 LE MISANTHROPE EJ L^âUYEKGNAT,^ PRUNETTE,âpart. - n ne me voit pas. (Elle tousse.) Hural... MACHITOINE. Ah! c'est vous, mamzelle Prunette! (A part.) Quel dom- mage qu'elle ne soit pas franche... C'est un beau brin I (Haut.) Oùs qu'on met le lard, chil vous plaît î PRUNETTE. Le lard?... Vous avez faim? MÀCHAVOINE. Oui. PRUNETTE. Attendez... je vais vous donner du poulet. MACHAVOINE, se levant. Gardez-le, votre poulet... je ne veux pas des pouletô qu'on achète cônt sous et qu'on fait payer dix francs. PRUNETTE. Ahl monsieur Machavoine... C'était pas pour les mettre dans ma poche... allez. MACHAVOINE. Et là où donc c'que vous les avez mis? (a part.) Quel dommage I un si beau brin! PRUNETTE. Mais c'est pour les rafraîchissements de la soirée... . MACHAVOINE. Comment que vous dites ça? PRUNETTE. M. ChifFonnet... Il est si drôle I... voulait donner des si- rops tournés... Mais, moi, je ne veux pas que sa maison passo pour une cassine, alors j'ai .gagné sur le poulet pour acheter des sirops. SCÈNE SEIZIÈME. 183 MACHAVOINE. Ahl fichtral c'est bien ça I... c'est honnête! ça me rac- commoda avec vous! Tenez, mademoiselle Prunette, il faut que je vous embrasse! PRUNETTE. Ça n^'oât pas honnête de s'embrasser quand on ne se connaît pas... beaucoup! (a part.) Il y viendra! MACHATOINE. Eh bien, connaissez-moi... beaucoup. PRUNETTE, jetant un cri. Ah ! cristi I MACHAVOINE. Quoi donc ? PRUNETTE. C'est un cousin qui vient de me piquer au bras. Elle relère sa manche. MACHAYOINE. Voyons voir que je voie... pour que je regarde. Il lui prend le bra». PRUNETTE. Ne serrez pas si fort. MACHAYOINE. Oh! c'est doux comme une peau de lapin! PRUNETTE. Flatteur! ■ ACHAYOINE. C'est grassouillet... potelé... Fichtra! peut-on embras- ser? Il embrasse. 184 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. PRUNETTE. 11 est bien temps ! UACHÀYOINE. AIR: Si j 'pouvais dire ce que j'sens là, PRUNETTE. Dites toujours, je vous écoute, MACHAVOINE. Je dirais que j'vous aime, da ! PRUNETTE, à part. Allons donc. Haut. Permettez que j' doute. • MACHAVOINE. Douter de moi, d'ma probité î PRUNETTE. Oh î ce n'est pas que je vous blâme t Vous aimez trop la vérité Pour jamais bien aimer un' femme. On entend sous la fe '^ètre un signal de crécelle. PRUNETTE. Écoute? I . . . Ouvrez la fenêtre. MACHAVOINE, ouvrant la fenètr* Vous avez chaud? PRUNETTE. Non... c'est un signal... ça veut dire : « Mademoiselle Prunette, peut-on venir vous voir? » MACHAVOINE. Qui ça? SCÈNE SEIZIÈME. If^S PRUNETTE. Mon amoureux ! MÀCHÀTDINE. Hein? PRUNETTE. Mais oui... le garçon du café qui est en face, MACHÀTOINE. Votre amoureux ! PRUNETTE. Et quand j'ouvre la fenêtre^^ça veut dire : « Vous pouvex venir. » MÀCHÀVOINE. Bigre! et vous mer la faites ouvrir, à moi \ Il la referme vivement. PRUNETTE, à part. Il y est venul... (Haut.) Écoutez donc... Il parle dem'ô- pouser, lui! HÀCHAYOINE. J'en parlera aussi ! . . . j'en parlera ! PRUNETTE. Vous?... Oh! non; un charabia, c'est trop godiche I MA.CHÀV0INE, tristement. Un charabia!... PRUNETTE. Oui... tandis que l'autre... un Gascon... c'est malin I MACIIAVOINE. Je deviendrai malin. * PRUNETTE. Futé. 186 LE MISikMTHROPE ET L'AUVERGNAT, MÀGHÀTOINE. Je deviendrai futé. PRUNBTTB. Menteur.,. ^ MÀGHÀTOINE. Je deviendrai... non, jamais I un enfant de l'Auver- gne I... c'est impossible. PRUNETTE. Alors, ouvrez la fenôtre. MÀCHÀVOINB. Mille carabinal... mais qu'est-ce que ça tous fait que je dise la vérité? PRUNETTE. Tiensl... came fait beaucoup... Quand je serai vieille, quand je serai laide... je ne veux pas d'un mari qui ma le dise. MÀGHÀTOINE. Non... je ne vous le dirai pas. PRUNETTE. Alors, vous mentirez... MÀGHÀTOINE. Tichtral PRUNETTE. Après tout... un petit mensonge... quand ça ne fait de mal à personne... et que ça rend service... MÀGHÀTOINE, faiblissant. Au fait... (Hésitant.) Oùs qu*on met le lard, ch'il vous plaît? PRUNETTE. ^ Mais, si on se disait toujours la vérité, dans le monde... on passerait sa vie à se dire des injures... SCENE 1)1X-S2PTIÈMR. i87 MACHÀYOINE, faiblissant. C'est possible... que si... (Résolument.) Oùs qu'on met le lard, ch'ilvous plaît? remonta PRUNETTE, à part. vPoassant un cri.) Aïel... encore un cousin I Elle retrousse sa manche. MàCHàTOINE, revenant et lui prenant le bras. Voyons voir que je voie. PRUNETTJSy tendrement. Si "VOUS le vouliez... y serait à vous, ce bras-là... MACHÀVOINE. Grédial... noni Oùs qu'on met le lard, ch'il vous plait? PRUNETTE, perdant patience. Âb! dans la cuisine, animal! MACHÀVOINF Herci.T. PRUNETTK N'y a pas de quoi. MÂCHÀTOINE, à pai%. Quel dommage ! un si beau brin I Il entre dans la cuii k SCÈNE XVII. PRUNETTE, CHIFFONNET, puis UN DOMESTIQUE PRUNETTE, seul*. Ça ne prend pas. 188 LE MISANTHROPE ET L»AUVERGNAT. CHIFFON NET, entrant. Eh bien, commences-tu à Tapprivoiser un peu? PRUNETTE. Âh bien, ouil... il est souple comme un tas de pavés!... j*y renonce. CHIFFONNE!. Déjà, Prunettel... Tu dégringoles dans mon estime. Je te classe dans le répertoire du quatrième ordre. PRUNETTE. Ce n*est pas ma faute... j'ai tout fait.., CHIFFONNET. Tout!... ce n'est pas assez. UN DOMESTIQUE. Jne lettre pressée pour monsieur. Il sort. CHIFFONNET, ouvrant la lettre. De madame Goguenard! de la belle madame Gogue- nard! (n Pembrasse. — Lisant.) « Tout est perdu. » (Parlé.) Quoi, perdu? (Lisant.) « Mon mari exige gue je vienne à votre bal... Il a soudoyé votre Auvergnat, gui s'est en- gagé à lui désigner la femme gui était cachée chez vousl » (Parlé.) Gomc-bœuf! PRUNETTE. Saprebleu ! CHIFFONNET, lisant. « Post-Scriptum. Sauvez-moi... sauvez- nous! M. Gogue- nard charge ses pistolets. » (Parié.) Ses pistolets... Eb bien, me voilà gentil! PRUNETTE. n va y avoir un massacra ! J SCÈNE DIX-HUITIËME. 189 CHIFFONNE!. Et je ne pourrai pas décider cet animal... PRUNETTE. A mentir ? impossible, monsieur, il est têtu comme une mule. CHIFFONNE!. Ohl la vérité, la vérité, j'en suis guéri! SCÈNE XVIII. Les MÊMES, MAGHAYOINE. Macha'?ome entre en tenant un énorme morceau de pain ayec du lard; il mange. « CHIFFONNE!, à part. Le voilà, le gredîn! le chenapan! si au moins je pouvais l'éloigner!... (a Machavoiné, d^unevoix doucereuse.) BoUJOUr, mon petit Machavoiné, bonjour! HACHÂYOINE. Bonjour... CHIFFONNE!. Tu manges MACHAVOINE. Oui. CHIFFONNE!. Et, après, tu iras te promener... MACHAVOINE. Non, j'ai affaire ici... . CHIFFONNE!, à part. Avec CoquenardI (Haut.) Et si je te proposais d'aller te I. ii. IW) LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. réjouir avec des porteurs d*eaa, ils sont si gais, les por- teurs d'eau I... HAGHAYOINE. ^accepterais... pour demain. CHIFFONNETy à part. Il tient comme teigne I UACHAYOINB. Aujourd'hui, j'aiderai mamzelle Prunette. PRUNETTE. Moi, je n'ai pas besoin de tous... le garçon du café d'en face viendra me donner un coup de main... HACHAYOINE. Le Gascon I (Rageant.) Ahl fichtra de galapial PRUNETTE. Ah damel... il est complaisant, lui! pour venir, il £era on mensonge à son bourgeois... MACHAVOINE. Un mensonge I... CHIFFONNET. Bah! où est le mal? M ACHAT 01 NE, remontant la scène et résol&ment. NonI jamais I CHIFFONNET, à part. Alors, je vais lui donner ime course, une longue course I (Haat.) Mon ami, j'ai une petite commission à te doniicr. UACHAYOINB, Pour ce soir? c'est impossible 1 Ti^r SCÈNE DIX-HUITIÉMB i9l CHIPFONNET. Tu seras revenu dans une petite demi-heure. MACHAYOINE. AM comme ça, allez I... CHIFFONNET. Tu vas courir tout de suite, tout de suite I... au chemin de fer d'Orléans. MAGHÂYOINB.w Excusai CHIFFONNET. Tu demanderas un billet... de troisième dame... ce sont les meilleures... pour Angers? MACHAYOINE. Angers?... là oùs que c'est? CHIFFONNET. Un peu au-dessus d'Asnières, n'est-ce pas Prunette? PRUNETTE. Oui... on voit le clocher. MACHAYOINE. Après ? CHIFFONNET. Une fols là, tu demanderas le brigadier de la gendar- merie et lui diras ces simples mots : « Monsieur, je n'ai pas de passe-port. » MACHAYOINE. C'est la vérité I ^ CHIFFONNET. Oh! potir rien au monde, je ne voudrais te taire laire on mensonge! (Reprenant.) (c Je n'ai pas de passe-port... veuillez me procurer un logement. » 192 LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT MACHÂYOINE. Et je r'viendrai. CHIFFON NET. Tout de suite. On entend rouler une voiture. PRUNETTE, qui a regardé à la fenêtre; bas, à Ghiffbnnet. Monsieur et madame Goguenard. CHIFFONNE!, à part. Bigre 1 (à Machavoine.) Yite, dépèche-toi... prends pai* le petit escalier... MACHAYOINE, montrant un énorme morceau de pain. Attendez que je finisse mon pain ! CHIFFONNE!. Tu le finiras en route. (Le poussant.) Tu vas manquer le train... mais va donc! Il le pousse dehors, par la droite. SCÈNE XIX. CHIFFONNET, PRUNETTE, M. et MADAME COQUENARD, INVITÉS. PRUNE!!E, annonçant. Monsieur et madame Goquenard. CHIFFONNE!, à part. H était temps! (Haut. Très-aimable.; Arrivez, mes ami» ^ oies chers amis... je suis enchanté de vous recevoir... COQUENARD, sèchement. Je vous salue, monsieur. SCÈNE DIX-NEUVIÈME. 193 CHIFFONNE!, à part. Il me salue... jaune*!... MADAME COQUENARD, bas, À Caiiffonnet. Avez-vous reçu mon billet? CHIFFONNE!, de même. Oui... j'ai expédié TAuvergnat sur Angers, train direct. MADAME COQUENARD, avec joie. Ahl COQUENARD, se retournant. Plaît-il?' CHIFFONNE!. RienI Je disais à madame que vous me paraissiez d*une gaieté foUe. COQUENARD, très-sombre En effet... en effet, (a part, regardant de tous côtés.) OÙ diable est-il? CHIFFONNE!, i part. Cherche, va, cherche. Les invités entren^t. Ghiffonnet les reçoit CHOEUR. AIR de Zampa. Pendant le chœur des valets apportent des bouiçies allumée» sur les tables de jeu. Quand le plaisir invite, Sur ses pas il faut se presser; Le plaisir fuit bien vite, H ne fait que passer. CHIFFONNE!. Mesdames... Je vous préviens qu'il faut qu*on s'a- i9^ LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT. muse... n y aura des tables de jeu pour les papas, des danses pour les demoiselles et des gâteaux Louis XV pour les enfsmts. (a part.) Ils ont de bonnes deAts!... COQUENARD, tragiquement. Û y aura peut-être encore autre chose. TOUS. Une surprise ? COQUENARD. Oui, une surprise!... MApAME COQUENARD, à part. n me fait trembler l CHIFPONNBT. Est-ce que vous seriez dans l'intention d'avaler des bou- teilles cassées... pour amuser ces dames? COQUENARD. Rira bien qui rira le dernier. CHIFFONNE!. Je continue à vous trouver d'une gaieté folle. COQUENARD regarde de toas c6tés; à parW OÙ diable est-il ? CHIFFONNE!, à part. Cherche, va, cherche toujours I (Les portes du fond s'ouvrent; on entend le prélude d^une scotiche.) Elntendcz-VOUS l' archet de la Folie... La scotiche vous réclame, allons, messieurs, la main aux dames. La société se met à danser dans le second salon. — On occupe les deux tables de jeu. COQUENARD, à Ghiffonnet. Mais je ne vois pas votre nouvel ami. M, Macha- Toine. StîfiNE DIX-NEUVIÈME. 195 CHIFFONTfET, négligemment. n doit être par là, à Toffice... le maroufle I (Voyant entrer Machavoine par la droite.) Lui I HÀDAHE COQUENÂRD, à part. Âhl mon Dieu I... (Entraînant son mari.) Mais, mousleuT, quel air singulier... EUe remonte avec son mari. GHIFFONNET, à Machavoine. Malheureux! qui te ramène? MÂCHAYOINE. Tu ne m*as pas donné d'argent pour le chemin de fer l... CHIFFONIffET, vivement. Tiens I ma bourse, retourne! cours! COQUENARD, arrêtant Machavoine. £h! mais le voilà, mon cher GhiffonnetI — je vous ai proniis une surprise... vous allez Tavoir. CHIFFON NET. Mais est-il donc jovial, ce soir, cetexcdlent GoquenardI MADAME COQUENARD, à part. Je suis morte! CHIFFONNE!, de même, s'appnyant contre un iuvit4. réprouve le besoin de m'accoter. COQUENARD, A Machavohi«. Ta sais ce que tu m'as promis... VACHATOINE, à Goquenard. Allez! un Auvergnat n'a qu'une parole; COQUENARD, prenant la main de sa fe^mn». Reconnais-tu madame? iCG LE MISANTHROPE ET L»AUVERGNAT. MADAME COQUENARD. Y pensez-vous, monsieur? me compromettre ainsi, et devant... (On entend un signal du dehors: « Prrrrrt!...» ) MACHAVOINE, â part. BJgra, c'est le Gascon 1 PRUNETTE, bas, avec énergie. Si tu parles, je l'épouse ce soir! M ACHAT 01 ne; hésitant. Ce soir! cré rapia de la Catarinal COQUENARD. Eh bien, voyons, parle ! MACHAYOINE. Eh bien!... eh bien!... (Nouveau signai.) Non, ce n'est pas celle-là! TOUS. Hein? MACHAYOINE^ levant la main très-haut. L'autre était grande comme ceci et large comme cela. COQUENARD. Vous m'avez donc fait un mensonge ce matin? MACHAYOINE. Eh ben, oui! j'ai menti! CHIFFONNE!, àpart, avec joie. Il ment lui-môme I . . . tout seul ! . . . Fi I fi I que c'est laid ) COQUENARD, i sa femme. Allons, madame... j'avais tort. MACHAYOINE, à part, tombant sur un fauteuil. Ouf! je n'en puis plus! ^::t^ SCÈNE DIX-NEUVIÈMB. 197 PRUNETTE, le relevant. Le chapeau de M. Coquenard! H ACHAT 01 NE, se relevant et avec aplomb. Ça n'est pas moi! CHIFFON NET, ravi. Oh! ça n'est pas lui, je le prends la main dans le sac, et... ça fait deux... cher ami... (Au pablic, après ravoir salué.) Ceci nous prouve qu'un joli petit mensonginet vaut sou- vent mieux qu'une épaisse vérité... Exemple 1 vous allez voir ! (n va prendre une figurante et Pamène sur le devant d^un air gracieux.) Pardon, madame, d'honneur I votre couturière vous a fagotée comme une sorcière de Macbeth I LA FIGURANTE. Insolent' fille remonte. CHIPFONNET. Effet de l'épaisse vérité!... La contre-épreuve, (u amena une vieille âam«k) Ah! belle dame, les lis et les roses n'en finiront donc pas de se jouer sur votre frais visage I LA VIEILLE DAME, souriant. Toujours charmant!... CHIFFONNET, au public. Effet du mensonge ! . . . Voilà ! . . . voilà le monde I (Changeant ^ ton.) En place pour la contredanse... - ^ CHOEUR. AIR de gatop. Ah! oui, vraiment, Oui, vraiment, C'est clinnnant! Quelle fèto iOS LE MISANTHROPE ET L'AUVERGNAT Aht oui yraiment. Oui, vraiment. C'est charmant I Pour nous quel agrément! MACHÂYOINE, au publie I Messieurs, vous savez Que vous avez Sur cette scène De charmants acteurs Qu*on ne trouverait pas ailleurs. Us ont un talent Souple, élégant. Qui vous entraîne Us sav'nt leur métier lieux qu' Talma, Brunet et Potier. CHIFFONNE!. Âh! comme il ment! (ter,) Quelle chose étonnante; Je n' comprends pas vraimeci Qu*un homme mente Aussi gaillardement. (Parlé.) Moi> messieurs, je vais vous dire a vérité,. II Messieurs, vous savel Que vous avez Pour notre scène ^ De charmants auteurs, Délicieux peintres de mœurs, Ils ont un talent Étincelant Qui vous entraîne? Et font tous de l'art Mieux que Mohere et que Regnard. SCÈNE DIX-NEUVIÈME. lèù MACHATOINE. Oh! comme il menti (ter.) Quelle chose étonnante; Je n' comprends pas vraiment Qu'un homme mente Aussi gaillardement. TOUS. Oh! comme il ment! (ter,) Etc., etc. FIN DU MISANTHROPE ET L AUVERONA? EDGARD ET SA BONNE m COMÉDIE KN UN ACTB, MÊLÉE DE COUPLETS ■ Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre da PALAii«R OTAL. le 16 octobre 1852. «OLLABORATEUR I M. MARC-MICHEL "iÇ»î— ^- PERSONNAGES •• ACTEURS qui ont créé lei rdlta. EDGARD BEAUDBIiOCHE (S5 ans). UM. Ratil. YEAUYARDIN. Ami-rt. MADAME BEAUDELOCHE. Mmes Thibiart. HENRIETTE, fille de Teanyardin (18 ans). CHi.nYiini8. VLORESTINE, femme de chambre (23 ans). Alimi Dutai» UN NOTAIRE. KiLKi.ias. Imtités. La scène est à Paris, ehei madame Beaadelocha. EDGAUD ET SA BONNE Le thé|itre représente un salon élégant. -^ Aa fond, me cheminée avec ane glace, une pendule, flambeaux allumés, du feu dans la chemi- née; un grand fauteuil devant la cheminée un peu à gauche; sur an coin de la cheminée, une brosse. — A droite et à gauche, dans les deux pans coupés, grandes portes à deux battants, ornées de grands rideaux relevés par des embrasses. — Des deux c6tés, dan» les pans latéraux, portes à deux battants ; celle de droite conduit â l'extérieur, celle de gauche à la chambre d'Edgard. — A gauche de la cheminée, un coffre à bois. — De chaque côté, au premier plan, contre les cloisons, deux petites tables, une chaise près de chacpie table. — * Un tabouret sous un fauteuil i gauche, entre la porte d'Edgard et celle du pan coupé. — Sur le fauteuil' qui est devant la ch-dminée, un chàle. — Sur le fauteuil qui est à droite de la che- minée, un chapeau d^homme. SCÈNE PREMIÈRE. FLORESTINE, MADAME BEAUDELOCHE. Au lever du rideau, Florestine range près de la cheminée. — • Mise simple : robe d'indienne, tablier blano, bonnet sana rubfins. MADAME BEAUDELOCHE, entrant par l'angle d* droite en toilette de ville. Florestine, je rentrerai tard, aujourd'hui... tous ferez du feu dans ma chambre et tous attendrez* L -3-.-. .,, — 204 EDGARD ET SA BONNE. FLORESTINE. Oui, madame. MADAME BEAUDELOCHE. Avec vous je suis tranquille... je puis laisser ma mat son..* vous êtes une fille sage, honnête; vous ne sortel jamais, même le dimanche... C'est bien... c'est très-bien FLORESTINE. Je fais tout ce qui dépend de moi pour contenter ma- dame. MADAME BEAUDELOCHE. Je le sais... aussi je ne l'oublierai pas et plus tard--. Quel âge avez-vous? FLORESTINE. Vingt-trois ans, madame. MADAME BEAUDELOCHE. Je vous marierai... je m'en charge... jevdus chercherai un bon sujet... FLORESTINE. Oh! ça ne presse pasi... MADAME BEAUDELOCHE. Comment? FLORESTINE. Je désire ne pas quitter madame. MADAME BEAUDELOCHE, à part. Quelle excellente fille ! (Haut, remontant vers la cheminée.) Quel est donc ce pompier que j'ai vu hier soir traverser la cour? FLORESTINE, un peu troublée. P« pompier?... c'est que... SCÈNE PREMIÈRE. 205 ^ MADAME BEAUDELOCHB. Uuoi? FLORESTINE, se remettant Il y a eu un feu... un feu de cheminée!... au second.. CVivement.) Quel châle madame mettra- t-elle?... MADAME BEAUDE LOCHE, montrant un ch&Ie qui est sur le fauteuil du fond. Celui-ci... Ah! n'oubliez donc pas de changer ces ri- deaux. Elle indique les rideaux des portes du fond. FLORESTINE. Oui, madame. MADAME BEAUDELOCHE, redescendant. Maintenant, voyez si mon fils est prêt? FLORESTINE, baissant les yeux. Moi, madame? MADAME BEAUDELOCHE. Qu'avez-vous donc? FLORESTINE, de même. Entrer dans la chambre d'un jeune homme I . MADAME BEAUDELOCHE. C'est juste, (a part, se dirigeant vers la porte dn premier plan à gauche.) Elle est pleine de principes. (Haut à la cantonade.) £d* gard! es- tu prêt? YOIX d'EDGARD, dans la coulisse. Voilii, maman! MADAME BEAUDELOCHE. Voyons, dépêche-toi! I. 12 i 206 EUGARD ET SA BONNE* SCÈNE IL MADAME BEAUDELOCHE, EDGARD, FLORESTINE. EDGARDy paraissant en grande tenue et gants blancs. Voilà, maman f lÏADÀHE BEAUDELOCHE. Voyons que je t'examine... Florestine, regardez donc comme il est bien, mon fils ! FLORESTINE, baissant les yeux. le ne m'y connais pas, madame. MADAME BEAUDELOCHE, à son dis. ^ Qu'est-ce que c'est que ça? une cravate bleue! Est-ce que tu y penses? EDGARD. Je vais t'expliquer... le bleu pâlit... alors... MADAME BEAUDELOCHE. Du toutl du tout! Florestine, une cravate blanche I FLORESTINE. Oui, p^adame. Elle entre dans la chambre d'Edgard. EDGARD, avec homenr Des cravates blanches! toujours des cravates blanches 1 on a l'air d'une huître! MADAME BEAUDELOCHE. w Une huître!... (Avec dignité.) Edgard, songe que tu te des- tines au notariat. ^,r^.^,- SCÊNE DEUXIÈME. 207 EDGARD. Ça m*a échappé. MADAS-E BEAUDELOCHE. Songe surtout que tu signes aujourd'hui ton contrat de mariage avec mademoiselle Henriette de Veauvardm. EDGARD. Oui... plus bas. MADAME BEAUDELOCnE. Pourquoi ça? EDGARD. H est inutile d'instruire les domestiques. MADAME BEAUDELOCHE. Oh! quel garçon mystérieux! FLORESTINE* rentrant et remettant une oravate blanche à Edgard Voici votre cravate, monsieur. ^ EDGARD, froidement. Merci, mademoiselle. Mettant sa cravate blanch* MADAME BEAUD4L0GHE. Florestine, attachez-la-lui. FLORESTINE, faisant le nœud de la cravate. Oui, madame. EDGARD. C'est inutile... * MADAME BEAUDELOCHE. Si... si... il faut aujourd'hui que mon fils soit beau. EDGARD, toussant pour couvrir ^es paroles de sa mère. Hum! hum! 208 EDGARD ET A BONNE. FLORSSTINE. Voilà qui est fait. EDGARD,. froidement. m Merci, mademoiselle. (A part.) A-t-on Fair assez cornichon comme ça! v MADAME BEAUDELOCHE, à Florestine. A propos, a-t-on apporté de chez Tahan une jardinier* en bois de rose? FLORESTINE. Une jardinière? MADAME BEAUDELOCHI. Oui, que mon fils a commandée hier. FLORESTINE. Je n'ai rien vu. MADAME BEAUDELOCHE. Nous allons y passer... il nous la faut absolument... notre chère Henriette y compte. EDGARD, toussant. Hum! hum! MADAME BEAUDELOCHE. ^ Edgard, ton bras? EDGARD. Oui, maman. MADAME BEAUDELOCHE Ahl mon Dieu?... j'ai oublié mes bjaceletsi je ne sais où j'ai la tète... le reviens..* Florestine, brossez le chapeau de mon ûls. Elle sort par Pangle de droite. FLORESTINE, prenant le chapeau sur le fauteuil et une brosse. Oui, madame. SCÈNE TROISIÈME. ^ 2W GÈNE III. EDGARD, FLORESTINE. PLORESTINE, arrivant vivement près d'Edgard, et d'un ton impé- * rieux Vous ne sortirez pas! EDGARD, intimidé. Uein? FLORESTINE. V Qu'est-ce que c'est que mademoiselle Henriette? EDGARD, troublé. Connais pas ! FLORESTINE. « Et vous lui ofiErez des jardinières en bois de rose? EDGARD. Ça ne prouve rien... Dans le monde, on ne se connail pas... et tous les jours on s'offre des jardinières... en bois de rose... FLORESTINE, avec colère ot brossant le chapeau à rebrousse-poil sans s'en apercevoir. C'est possible... mais vous ne sortirez pasi EDGARD. Voyons, Florestinel FLORESTINE. Je vous dis que non I je ne le veux pas ! je ne le veui paslll I. 12. SIO SDGARD ET SA BONNB. SCÈNE IV. Les Mêmes, MADAME BEAlTDELOGin:. UÀDAHE BEAUDELOCHE. Me voici prête. FLORESTINE, à part Madame! (Haut, â^an ton soumis.) Yolcl Yotre chapeau, mon- sieur. EDGARD, froidement. Merci, mademoiselle. (II le met sur sa tète tout ébouriffé, à part.) Me Yoilà gentil... un jour de contrat I MADAME BEAUDELOCHE. Eh bien, partons-nous? EDGARD, ahuri. Certainement... certainement... certainement... (ii re- garde tour à tour sa mère et Florestine, qui époussète froidement un meuble; tout à coup poussant un cri.) Ohl aîei ohl aîdl MADAME BEAUDELOCHE et FLORESTIIfS, Quoi donc? EDGARD, se tenant la joua. J'aimai aux dents I MADAME BEAUDELOCHE. Ahl mon Dieu! encore! EDGARD. Ça m'élance I ça m'élance t FLORESTINE, avec oompassios. Oh! ce pauvre M. Edgardl Elle apporte une ohaisa au milieu. SCÈNE QUATRIÈME. Ui EDGA.RD, à port. Bonne bête, Ta I UA.DA.UE BEAUDELOCHE. C'est singulier I... ça te prend bien souvent depuis quel- que temps... EDGARDy s*asseyant. Oui... chaque fois que je veux sortir. UA.DAUE BEAUDELOCHE. Le plus extraordinaire, c'est que j'ai fait venir moo dentiste... et il n'y comprend rien. EDGARD, aMis. Parbleu 1 UADAJIE BEAUDELOCHE. Hein? EDGARD. Parbleu I... puisque c'est nerveux! MADAME BEAUDELOCHE. Aht mon Dieul... où as-tu donc fourré ton chapeau? ^ Elle le lui prend sur la tète. EDGARD, le retenant. Tiens I... c'est nerveux I... comme mes dents l MADAME BEAUDELOCHE. Comment te trouves-tu ? Elle va poser le chapeau sur la table à gauche. EDGARD, regardant Florestine. Mais... je crois que ça va mieux . et môme embrasse 212 EDGâRD et sa bonne. vais prendre un peu l'àir. (ii se lève, Fiorestino le pince.) Nom oh 1 aïe I... oh! aïe!... ça me reprend! n se rassied. MADAME BEAUDELOCHE Pauvre enfant! que lui faire? Elle remonte. FLORESTINE, apportant une petite âole. Si monsieur voulait essayer un peu de cet élixir?.,. EDGARD, froidement. Merci, mademoiselle. (Bas, à Fiorestine.) Fichez-moi la paix!... je n'aime pas qu'on me blague! Elle remonte. MADAME BEAUDELOCHE, arrivant derrière le fauteuil et lui nouant vivement un mouchoir blanc sous le jnenton* Tiens! cette mentonnière... EDGARD, à part. Bien!... voilà le bouquet! tenue de fiancé. MADAME BEAUDELOCHE, bas, à Edgard. La!.., repose- toi... tiens- toi chaudement^., et, quand la crise sera passée, viens me retrouver chez M. Yeau- vardin... EDGARD, Pinterrompant. Oh! la la... MADAME BEAUDELOCHE. Fiorestine, je vous recommande mon fils. FLORESTINE. Soyez tranquille, madame. SCÈNE GINQUIË.1E. 219 MADAME BEAUDELOCHE, montrant le cliâf o sur le fauteuil/ Prenez mon chàle jusqu'à la voiture. Florestine le prend. ENSEMBLE. AIR de la Dernière Rose (polka-mararka de Heînu). MADAME BEAUDELOCHB. Je vais excuser ton absence, Mais sers -toi de ton élixir. Gela te guérira, je pense. Et bientôt tu pourras venir. EDGARD. Tâche d'excuser mon absence. De ces lieux je ne puis sortir. A part. Car on me met en pénitence. Et je suis forcé d'obéir. FLORESTINE, à part. Oui, je doute de sa constance L'ingrat pourrait bien me trahir t Et je veux ici par prudence. Auprès de moi le retenir. Madame Beaudeloche et Florestine sortent par fô. droite • « SCÈNE V. EDGARD, seul, se levant. Savez-vous que ça devient très-fastidieux !... être oblîg de s'envelopper la mâchoire... et de se bassiner avec un tas d*èlixirs. ^ Arrachant sa mentonnière et la jetant.) Tiens! va donc te promener!... va donc te promener!... (Se calmant.) Voilà ce que c'est que de se familiariser avec les domes- tiquas! Oh! si c'était à refaire!... C'est la faute de mon 214 EDGARD ET SA BONNE tailleur I... Il y a deux ans, je faisais mon droit... ub jour, cet ainimal-là m'apporte un habit neuf... je veux le bou- lonner... cracl voilà un bouton qui me reste dans la mam... Florestine passe... je lui dis : « Mademoiselle, voulez-vous me raccommoder mon bouton? — Avec plaisir, mon- sieur! » Et la voilà qui se met à recoudre... AIR du Matelot. Les noirs clieveux de la jeune soubrette Frôlaient de près mon menton frémissant; A leur parfum de douce violette Je reconnus la pommade à maman. Ému, troublé par l'odeur enivrante. Crac! je l'embrasse t.. . hélas! cette leçon Prouve que seule une mère prudente Doit de son ûls recoudre le bouton t Surtout quand il fait son droit !... Certainement, les femmes de chambre... c'est gentil, mais ça se cramponne trop! et puis ça ne met pas de gants... et puis ça a les doigts bleus... et puis ça porte des chaussons de lisi^e... le matin... Parlez-moi d'une veuve, jeune, johe, spirituelle, bonne musicienne... avec quatre-vingt et quelques mille livres de rente!... voilà ce que je conseillerai toujours à un jeune homme ! (Regardant à sa montre.) Quatre heuves et demie! Ingre!... et mon contrat qui se signe à cinq... 11 n'y a pas à dire, il faut que je francfiîfce Florestine. La voici... soyons digne! SCÈNE YI. EDGARD, FLORESTINE. EDGARD. Approchez, mademoiselle Florestine... une explication est devenue nécessaire entre nous... SCENE SIXIÈME, 2IS FLORESIINE, d^ixn ton dégagé Ah çà! est-ce que vous allez faire votre tête? EDGAAD. Je veux bien ne pas répondre à'cette trivialité... mai je/ vous déclare que vos exigences ont pris un caractère., j trèf-embêtant! FLORESTINE) rangeant sur la table à droite et fredonnant. « Les canards l'ont bien passée, tire lire lirel... )» EDGARD. Me condamner à des maux de dents quotidiens, m'em- pêcher de sortir... de vaquer à mes affaires... les plus... FLORESTINE. Ne faites donc pas de Dhrases... ça vous donne l'air Jocrisse 1 Mademoiselle, je suis votre maître 1... FLORESTINE, fredonnant. « Les canards l'ont bien passée... » EDGAHD, à part, découragé. « Tire, lire, lirel... » Voilà ce que c'est de se familiariser I Elle est de bonne humeur-., si je lui avouais tout bête- ment la chose... car enfin, puisque je me marie, la poli- tesse exige que je lui en fasse part. (Haut.) Florestine... ma petite Florestine... FLORESTINE, qui B^est assise à gauche et feuillette un journal de modes. Eh bien, après? ED6ARD, à part. Elle va peut-être grincer. (Haut.) Avez- vous pensé quel- quefois que je pourrais**, me marier?... 216 ËDGARD ET SA BONNE. FLORESTINE. AL l c'te bêtise I edgàrd. Comment? (un peu rassuré, à part.) Elle n*a pas grincé. FLORESTINE. « t Vous êtes trop jeune... yingt-cinq ans!... mouchez- vous donci EDGARD, à part. Est-elle commune ! avez-yous remarqué comme elle est commune? (Haut.) Cependant... si par hasard un Weav parti sô présentait... FLORESTINE, se levant et venant à lui Ah çàl qu'est-ce que vous me chantez là? (Le regardant es face.) C'est donc sérieux? EDGÀRD, troublé. Sérieux... c'est-à-dire... et encore I... (a part.) Cristi! quel œill FLORESTINE. Est-ce par hasard cette demoiselle Henriette) EDGARD, vivement. Connais pasi FLORESTINE. C'est que j'irais la trouver, voyez-vous I.., Ça ne se- rait pas long. EDGARD. Pour quoi faire > FLORESTINE, appuyaml Pour lui causer I... SCÈNE SIXIÈME. 1m7 EDGARD, à part. Elle me fait frémir ! (S'efforçant de rire.) Moi 1 épouser Hoo- nette? ah! c'est une bonne charge!... la connais-tu? FLORESTINE. Non. EDGARD. ■ •- Une petite rouge-carotte... avec une jambe de boiô^ FLORESTINE. Comcaent ? 2:DGARÏ>, s^embrou niant. En bois de rose... c'est môme pour ça que maman luî donne une jardinière... de môme métal... (a part.) Je ne fiais plus ce que je dis ! florest\.se. Eh bien, alors 1 pourquoi venez-vous me parler de ma- riage? EnCARD. C'est une épreuve!... je voulais voir si tu m'aimais... parce que... (Tout à coup.) Florestine, je suis jaloux! (a p^rt.) ça me tire d'affaire I FLORESTINE. Jaloux! et de qui, mon Dieu? EDGARD. De qui ? (a part.) C'est vrai, je n'y ai pas pensé. (Trouvant une idéft.) Ah ! (Haut.) Vous plairait-il de me dire quel est ce pompier que j'ai rencontré co matin dans l'escalier de service? FLORESTINE, troti'lée. Un pompier? ,- je ne sais... ^ , , -^^''' ÎH8 EDGARD ET SA BONNE. EDGARDy tragiquement. lépondez! 11 (a part.) Ça me tire d'affaire ! FLORESTINE. * C'est... G*est le fils du tailleur qui lui montait son lait. EDGARD y avec indifférence. Ahl (A*part.) Ça m'est complètement égal. Il va prendre ton chapeau. FLORESTIIfE. Les jambes me rentrent. BUe s^étend dans le fauteuil de madame Beaudeloche, devant lâ eheminée. EDGARDi à part. Eh bien, la voilà qui s'installe dans la ganache à maman I n va pour sortir. FLORESTINE. n ne fait pas chaud ici... Edgard, mettez donc uua bûche. EDGARD, étonné, posant son chapeau à droite. Upe bûche?... oui*., oui... (U va prendre une bûche dans la eoffire à bois et dit A part.) Si c'est pour ça quc j'ai cudossé une cravate blanche I (Bn mettant la bûche au feu, il aperçoit la pen- dule.) Grediél cinq heures moins un quart 1 (Hauu) Florei^ Une... ma petite Florestine I... FLORESÏINI* Quoi? BDGâRD. Je reviens 1 Fânsse sortie. FLORESTINE. OÙ allez-vous donc? ^r^^^^\ . ' ' . . ;^ SCÈNE SIXIfiMB. ^1> EDGi^RD. Moi? je vais... je vais voter l... le scrutin ferme à cinq heures... FLORESTINB. Bah ! voter ? ED6ARD. C'est undevoir, mademoiselle... c'est un devoir 1 FLORESTINE. Approchez-moi donc ce tabouret. EDGARD, atapéfiit. Quel tabouret? FLORESTINB. Là... pour mettre sous mes pieds. EDGARD. Oui... oui... (a part, portant le tabouret.) Ahl <|Ue je SUis donc content d'avoir mis une cravate blanche! n le lui donne. FLORESTINE^ Merci I... (Se renversant danr le fauteuil.) Ahl OU CSt bien comme çal EDGAR Dy A part en montrant les pieds de Florestine. Voyez-vous les chaussons de lisière ? Tiens, non I elle n'en a pasi... Elle en avait ce matin... (Au public.) Si vous étiez venus ce matin, vous les auriez vus... (Haut, lui ser* nukt la main.) Je reviens I PausM sonie. FLORESTINE, le retenant. Asseyez- VOUS... là... près de moi... EDGARD. « Oui... c'est que le scrutin... Il s'assied sur le tabourek r 22(* EDGARD ET SA BONNE. FLORESTINE. * N'est-ce pas que c'est délicieux de passer la soirée comme ça... au coin du feu?... EDGAR Dy se tapant les genoux avec impatience. Certainement... certainement... le coin du feul... (a part.) Elle m'embête énormément!... FLORESTINE, avec sentiment. AIR de Pierre le Rouge. Être assis près de ce qu'on aime 1 Ah ! que ça fait du bien au cœur l EDGARD, très- ennuyé. Ah I que ça fait du bien au cœur D'être assis près de ce qu'on aime I FLORESTINE. Eprouvez- VOUS tout ce bonheur Gomme je l'éprouve moi-même ? EDGARD, de même. Je réprouve, paroi* d'honneur I Trente-six fois plus que toi-même I ENSEMBLE. EDGARD, à pari. Non, non, tu ne sais pas Combien tu me pès's sur les bras ; Non, non, tu ne sais pas A quel point tu m* pès's sur les brasJ FLORESTINE. Non, non, l'on ne sait pas Combien 1' têto-à-tôte à d'appas I Non, non, l'on ne sait pas Combien l' tôte-à-tôte a d'appas/ W IP P SCÈNE SIXIÈME. 22i FLOIIESTINE, Où êtes -VOUS allé hier soir?... EDGARD, à part. Chez mon beau-père ! (Haut.) Je suis allé aux Bouffes... d l'Opôra-Bouffa... FLORESTINE. Qu'est-ce que vous avez vu?... EDGARD. J'ai vu... j'ai vu la Donna del Lago,.. charmant ouvrage I (Voulant se lever.) Je reviens ^ FLORESTINE, l'arrêtant avec la main et d*une voix c&lino. Oh! Edgard!... ne vous en allez pas ! Il tombe malgré lui à genoux sur le tabouret. EDGâRD, à part. Matin!... elle me fait de l'œil I ça se gâtel FLORESTINE. Vous seriez bien gentil... bien gentil... si vous vouliez me raconter l'opéra que vous avez vu hier soir ? EDGARD, avec éclat, se levant et descendant la acène. Ah ! non ! ah ! non I ! I FLORESTINE, lui prenant le bras. Je vous en prie I EDGARD. Permettez, ma chère amie... le scrutin ferme... FLORESTINE. Eh bien, après vous irez voter. Er>GARD, à part. Ahl mais... c'est ufi crampon!... La Donna del LagoU.» Je n'en connais oas un traître mot !... i y n'î bdgard kt sa bonne. PLORESirNE. Eh bien ? IDGARD. Voilà ! [k part.) Qu'est-ce que je pourrais donc lui racon- «. ter de très-court? Ahl (uaut.) Il y avait une fois un capi- taine appelé Buridan... (a pan.) Sapristi! ça va être bien long... Je vais faire des cououreR FLORESTINE. Après ? EDGARD. Ce Buridan avait eu autrefois des rapports avec la donna del Lago... une nommée Marguerite de Bourgogne... qui avait Thabitude de recevoir s^es amants dans ime tour afin de les jeter à Teau. FLORESTINB, étonoée. Tiens î... EDGARD, à paré* J'aurais mieux fait de choisir la Demoiselle à marier. (Haut. reprenant.) Alors... Gauthier d'Aulnay... FLORESTINE. Mais c'est la Towr de Nesle, ça ! EDGARR. Tu crois?... c'est possible l ils auront mis ça en italien, avec de jolis airsl*. les filous!... Allons !... puisque tu con- nais la Donna del Lago, bonsoir, je vais voter. FLORESTINE. tout à coup. Ahl mon Dieu!... EDGARD. Quoi encore î .- SGËNE SIXIÈME. 223 FLORESTINE. Madame, qui m*a dit de changer les rideaux.. EDftARD. £h bien, change-les... II va pour sortir par la droite. FLORESTINE. * Edgard, apportez-moi donc l'échelle ? EDGARD. Moi I par exemple!... je n'ai pas le temps I Edgard disparait par la droite, premier plan. FLORESTINE. L'échelle! l'échelle!... Je ne pourrai* la porter toute seule!... Edgard, allons donc! EDGARD, dans la coulisse, ayeo humeur Un instant, que diable! (Rentrant et portant l^éclieile.) Ahl je suis bien content d'avoir mis une cravate blanche... Il place I^échelle devant la porte de gauche, à Tangle. FLORESTINE. La!... pendant que vous allez décrocher ceux-ci, je vais chercher les autres rideaux... Montez... EDGARD, résistant. Moi? je ne monte pas à l'échelle l... florbIstine. Montez donol... EfTGARD. Mais, mademoiselle... FLORESTINE. Allons d^moi... dépèchez-vousi... 224 EDGAUD ET SA BONNE. EDGAR 0, moQtant de très-raauvaise humeur. Voilà, mon Dieu!... voilà!... (Florestine sort par Pangle dé droite. — Sur TétfheUo,) Voilà ce que c'est que de se îaxni liariser... SCÈNE VII. EDGARD, VEAUVARDIN. UN DOMESTIQUE, annonçant M. de VeauvardinI EDGARD, à part, en haut de Téchelle. Fichtre ! mon*beau-père ! Il met vivement son mouchoir en mentonnière. VEA.UVARDIN. OÙ est-il, ce cher Edgard Beaudeloche?... je viens savoir de ses nouvelles. (Apercevant Edgard.) Tiens ! qu'est-ce que vous faites là? EDGARD, sur Téchelle et se prenant la mâchoire. Je souffre tanti je ne sais où me mettre!... VEAUVARDIN, à part. Monter à l'échelle pour un mal de dents... c'est une drôle d'idée! EDGARD. Bonjour, beau-père. (Poussant un cri de douleur.) Ail ! . . . VEAUVARDIN, montant aussi à Téchello. Mon pauvre garçon, voilà une maladie qui tombe biea mal... un jour de contrat! EDGAUD, inquiet. Oui, plus basi Veauvardiu dosccud nuelauc^t échelons. SCÈNE SEPTIÈME 225 VEAUVAIIDIN. Pourquoi? edgàrd. A cause de mes dents... VEAUVARDIN, remontant. Avez-vous essayé de vous faire magnétiser? EDGARD. Non, pas encore. Est-ce que vous croyez à cela, voujs ? VEAUVARDIN. Mon cher, j'ai été témoin de choses si extraordinai- res!... Il y a quinze jours, j'avais un rhume de cerveau... le cerveau, c'est ma partie faible... je vais chez une som- nambule qui avait les yeux fermés... (ici,Edgard, sans être vu de Veauvardin, descend de ^échelle et va regarder à la porte de Pangle droit.) Elle me prend la main, elle se recueille et me dit : « Rassurez-vous, madame, \ous en avez pour neui mois! » EDGARD. Et vous en avez eu pour dix francs ! VEAUVARDIN, qui le croyait sur Téchelle. Ahl (Descendant.) Oui, parce qu'elle n'était pas lucide I Mais j'en cherche une lucide... EDGARD. Vousl pour quoi faire? (Appelant.) François I VEAUVARDIN» ChutI c'est un secret! François entr«. EDGARD, à François. Emportez c tte échelle... (a Vcauvardiu.) Je ne vous le demande pas. François emporte l'échelle par l'angle gauche. l. 13. t26 EDGARD ET SA BONNE. YEÂUYÂEDIN. Si, je vais vous le dire... BDGARD, prenant aoi> -"hapeaa. Vous me conterez ça en route... teàutardin. Figurez-vous que, le 27 septembre dernier... dans ma lorre du Berry... on a trouvé deux truffes... EDGARD, lui donnant aussi son chapeau. Qui ça? VBAUVARDllf. Ceux qui les trouvent ordinairement... les... mais ils onf la fâcheuse habitude de les manger incontinent... EDGARD, tirant sa montra. Dites donc, cinq heures un quart! VEAUVARDIN. Ça m'est égal... Alors, j'ai eu l'ingénieuse idée de les remplacer par une somnambule... qui les trouverait... sans les manger!... ça serait une opération magnifique... je lui donnerais cinq pour cent dans les bénéfices... mais il faut qu'elle soit lucide I Je cherche un sujet dans tout Paris... et si je peux mettre une fois la main desius... EDGARD. Si nous nous en allions? VEAUVARDIN. Où ça? EDGARD. fih bien!... et le contrat?... VEAUVARDIN. Ah! je ne vous ai pas dit... on le signe ici SCÈNE HUITIftwrB, 227 EDGARD, bondissant. * Hein? comment? YBAUTARBIN. , Tout le monde va venir... le notaire est prévenu EDGAB^, à part. Nom d'une bobinette ! TEAUVARDIN. Madame Deaudeloche, votre mère, ne voulait pas... mais vous souffrez... et j'ai tenu boni... Qu'avez-vous donc? EDGARD. Rien ! je suis enchanté ! Ritournelle à Torchestre. VEAUVARDIN. Tenez... voici nos invités... EDGARDy à part. Et l'autre qui va arriver avec ses rideaux i SCÈNE VIII. j EDGARD, VEAUVARDIN, MADAME BEAUDELOCHÏ, HENRIETTE, Inyiti^s. CHOEUR. A 1 R Je ia raise de Soltmn. LES INVITÉS. Puisqu'au logis Au logis de votre future Puisque vous ne pouvez venir. Chez Î^^JJ^ l'on se rend pour conclure vous Le contrat qui doit ^^J|f unir. YUU.O EDGARD, à part. "^^«lici la noce et la future 1 Et Florestine va venir, De cette grave conjoncture Gomment diable vais-jo sortir? MADAME BEAUDELOCHE. Edgardy remercie ces dames qui ont bien voulu se dô« ranger... EDGâRD. Certainement.., Mesdames, je vous prie d'agréer l'assu- rance de ma considération... Si nous passions au salon? MADAME BEAUDELOCHE, bas, à Edgard. Dis donc quelque chose à ta future. Elle romonte. EDGARD, ahuri. Ouil (Haut, s'adressant à Veauvardin.) Mademoiselle... je VOUS prie de croire... (S'apercevant de sa méprise.) Nou! paS VOUsI (A Henriette.) Mademoiselle... je suis heureux... oh! mais bien heureux!... Si nous passions au salon? VEAUVARDIN. 11 a raison... nous ferons un wisth en attendant le no- taire. REPRISE DU CHŒUR. Tout le inonde sort par Tanglo de gauche. — ■ Les portas se referment. 3CENE NEUVIÈME. 229 SCENE IX. EDGARD, puis FLORESTINE. KD6ARD, Beul. Qu'est-ce que je vais devenir? tout ce monde qui est là... qui grouille dans les salons... et le notaire qu'on attend-.. et Florestine avec ses jideauxl... ah... si c'était à refaire.., elle ne voudra jaraais croire qu'Henriette a une janibe de bois... ça ne se voit pas assez... Elle va éclater... devant toute la nocel... Gristi!... j'ai envie de prendre un chemin de fer quelconque et d'aller toujours tout droit... Ahl la voici I... FLORESTINE entre avec des rideaux et va vers la porte de l^angle gauche. Eh bien... vous n'avez donc pas décroché les rideaux 7 EDGARDy ahuri, courant viveiueat à elle pour Péloigner de la porte. Non... non... je ne suis pas en verve I FLORESTINE. Qu'est-ce que vous avez fait? EDGARD. J'ai été voter... ça rend l'homme meilleur... (a part.) S'il y avait une trappe, je la fourrerais dedans I (Haut.) Flores- tine... je ne t'ai jamais tant aimée»! FLORESTINE. Qu'est-ce qui vous prend? EDGARD. Oui... je voudrais te voir loin... bien loin..» dans la campagne... ._-.jfi. 230 EDGARD ET SA BONNE. FLORESTINE. Une partie de campagne?... aujourd'hui? EDGARDy à part. Tiens... ça me tire d'affaire... (Haut.) Ta l'as deviné... une surprise... pour ta fête... FLORESTINE. Ma fête?... c'est dans deux mois. EDGARD. Ça ne fait rien... je serais bien aise de te la souhaiter tout de suite... FLORESTINE. Je veux bien. EDGARD. Maman est sortie... j'ai justement ma soirée libre... hein ? . . . quelle chance ! . . . FLORESTINE. Où irons-nous ? EDGARD. A Strasbourg... FLORESTINE. Hein ? EDGARD. Non I (a part.) J'ai été trop loin. (Haut.) A Asnières... nous mangerons une friture. FLORESTINE. Ob oui!... avec de l'omelette au rhum EJjGaUD. ■-^alui'tliciLent... c'est k sauce du goujoal SCÈNE NEUVIÈME. 3131 FLORESTINE, lui prenant le brat. Allons!... partons!... EDGARD. Non... pas comme ça!... pas ensemble!... PLORBSTINB. Pourquoi ? EDGARD. Parce que... (a part.) Est-elle collante I (Haut.) On pour- rait nous rencontrer... et le monde est si méchant!... je tiens à votre considération, FloresUne ! FLORESTllfE. Où nous retrouverons-nous? EDGARD. Rendez-vous général sur le pont d'Asnières... à gauche... tu entends I... à gauche... le premier arrivé attendra l'autre... ça sera probablement moi... ^ FLORESTINE. C'est convenu! EDGARD. La!... es-tu contente?... FLORESTINE) lui serrant la main et avec expression* Oh oui!... je suis t'heureusel... Elle remonte. EDGARD, à part. Oh! t'heureusel... elle fait des cuirs... je suis fâché de ne pas avoir mes rasoirs... FLORESTINE, revenant à lui. Dites donc!... je vais mettre mon écharpe lilas et mon bonnet ro9e. EDGARD. U n'osais pas U le demander I 232 ËDGARD ET SA BONN& ENSEMBLE. iftlR de U polka de HeinU fia Dernière Rote)* EDGARD. Prends à l'instant un wagon pour Âsuière ; Avec mystère, Pars la première. Va te camper sur le pont solitaire : Ne flâne pas. Je suis tes pas ! FLORESTINE. Je vais doue prendre un wagon pour Âsnière; Et la première. Avec mystère. J'arriverai sur le pont solitaire : Mais n'flânez pas, Suivez mes pas, FLORESTINE. Ah I que j'aime, à la brune, Un tendre lendez-vousJ Le tem^ s est doux, Et nous aurons d'ia lune. EDGARD. Quelle chance ! oui, là-bas^ Tu pourras voir la lune... A part. M9Â0 du diable I si tu vois ton gars. REPRISE ENSEMBLE. Flores tine sort par la droite, premier plan. EDGARD, lui criant de la porte. Sur le pont d'Asnières!... à gauche I... le premier arriva attendra l'autre!... 8CÉNË DIXIÈME. 233 SCÈNE X, EDGARD, puis VEAUVARDIN, puis HENRIETTE, ■ EDGARDy seul. Libre!... partie!... Tra la lai (ll fait des gambades de joie, •t finit par sauter sur le fauteuil devant la cheminée en criant.) Âh!... je suis t'heureuxl... Veauvardin parait à la porte do l*angle gauclie et aperçoit Ed- gard perché. VEAUVARDIN. Encore ! EDGARD, à part. .» Fichtre I mon beau-père !... VEAUVARDIN. Qu'est-ce que vous faites là? EDGARD, toujours perché, se prenant la mÀchoire. C'est le mal de dents... je ne sais où me mettre! VEAUVARDIN. Quelle drôle de médecine I EDGARD, descendant. Voilà ce que c'est... VEAUVARDIN, Pinterrompant. Non! (Sévèrement.) Beaudelochû fils }^.. EDGARD. Veauvardin père 1 VEAUVARDIN. J'ai quitté mon wisth pour vous dire une chose.»» _j 234 fiDGARD ET SA BONNE. EDGARD. Laquelle? YEAUVARDIN. Beaudeloche fils, vous manquez d'empressemenf vis-à' vis d'Henriette... et ça me peine I... EDGARD. Ahl beau-père I YEAUVARDIN. Je vous trouve tantôt sur un fauteuil, tantôt sur une échelle... que diable!... ce n'est pas là faire sa couri Vous avez l'air de jouer au chat perché I EDGARD. Si je pouvais vous exphquer ma position... VEAULARDIN. Je sais qu'on souffre beaucoup... mais faites-la arra- cher!... Voyons, voulez-vous que je vous conduise chez mon dentiste? EDGARD. Non!... merci!... ça va mieux... ma crise est partiel... (a part.) Elle est sur le pont d'Asnières, ma crise ! YEAUVARDIN. Prenez-y garde!... car ma fille elle-même commence k s'apercevoir... enfin on vous trouve tiède! EDGARD. Pristi ! HENRIETTE, entrant par Tangle de droite. Papa... on vous attend pour donner les caj*tesl "^ EDGARD, bas, à VeauracdU Laissez-nous, je vais réparer ça» ^y^îT^ SCÈNE ONZlÈMlf. 235 T£AU¥àRDIN, bas. Allez!... ferme!... ferme!... et surtout pour l'amour de Dieu, ne montez plus sur les meubles ! Il sort par l'angle de droite en faisant des signes d'enoottragement A Edgard. SCÈNE XI. EDGARD, HENRIETTE, puis FLORESTINE. EDGARD, A pari. Ahl on me trouve tiède I Il s'élance Arrière Henriette et Pembrasse sar l'épaule. HENRIETTE, se reculant effrayée. Ahl mon Dieu! EDGARD, lui faisant plusieurs petits saints très- respectueux. Mademoiselle... me ferez-vous l'honneur d'accepter la première polka?... HENRIETTE, flsiisant la révérence. Avec plaisir, monsieur! (a part.) Quelle drôle de manière d'inviter! EDGARD, A part. Ah! on me trouve tiède l n passe A la droite d'Henriette et l'embrasse de même. HENRIETTE, reculant. Encore? EDGARD, faisant plusieurs saints. Une petite valse?... une petite valse?.. HENRIETTE. Avec plaisir... Mais il est inutile 4e continuer à m'iuvi- 236 EDGARD ET SA BONNE. ter, je suis retenue pour toutes* les autres, (a part.) Si loub les danseurs en faisaient autant!... EDGARD. Mademoiselle, vous devez me trouver bien froid, biea réservé I... HENRIETTE, à part. Il appelle ça être réservé!... (Faut.) Mais pas du tout monsieur. EDGARD. Ah! je croyais... HENRIEÏTE. Il parait que vos douleurs sont passées !... EDGARD, avec chaleur. U m'en reste une... celle de ne pouvoir vous exprimer assez combien je vous aime !... car vous ne savez pas... Il lui prend les msins et les baîS4, , HENRIETTE, se dégageant. Pardon, je suis invitée ! EDGARD, à part. Quelle jolie petite main!... ah! dame!... ça porte des gants... HENRIETTE, à part. Je ne le reconnais plus. • EDGARD, à part. Et les pieds!... pas le moindre chausson de lisière! (ATec passion.) Ah! mademoiselle!... HENRIETTE. On m'attend... pour faire de la musique... Florestine parait par le premier plan de droite en toilette pour sortir: elle reste un moment interdite... puis jette son chftit avec dépit, et vient s'asseoir près de la table de droita* SCÈNE DOUZIÈME. 237 jSDGARD, continuant avec feu çans voir. Florestine. Aujnoment de nous marier... de nous unir pour tou- jours... • HENRIETTE. Prenez donc garde I . . . vous chiffonnez mes manchettes I . . . EDGARD. Quand je vous regarde, toutes les autres femmes me font l'effet de femmes de chambre 1..T d'affreuses petites femmes de chambre I . . . HENRIETTE, voulant se dégager. Je crois qu'on m'appelle!... (Saluant.) Monsieur... je suis- heureuse de vous savoir rétabli. Elle sort par Pangle de droite. EDGARD, à part. Je suis heureuse! comme elle évite le cuirl... c'est un ange ! Âh ! on me trouve tiède ! (Il se retourne pour rembrasser •ncore et aperçoit Florestine.) Ah! sacrcbleu! ahl SacrebleullI SCÈNE XII. EDGARD, FLORESTINE. FLORESTINE, se levant vivemen^o A nous deux, monsieur! EDGARD, brusquement. Qu'est-ce que vous faites là? Pourquoi n'êtes-vous pas à Asnières?... Le premier arrivé devait attendre l'autre! FLORESTINE, avec colore. Je suis venue... tn BD6ARD ET SA BONNK EDGAR Dy avec colère. Pour m*espionner!... . « FLORESTINB, de même. Non... pour chercher mon parapluie... ED6ÂRD, de même C'est une mauvaise action! FLORENTINE, de plus en plas irritée. Et je vous surprends... vous 1 après vos promesses, vos serments... mais ça ne se passera pas comme çal... et ja vais... «k Elle fait an pas yen le aalott. EDGAR D, hors de lai. Arrêtez) (Ayeo égarement.) Je ne veux pas! je ne veux pasl' FLORBSTIIIE, effrayée Ah ! mon Dieu! EDGAR D, hors de lai. Va-t'en I... je perds la tête... (La menaçant.) Je suis capable de... FLORESTINE, ayec terrear. Au secours!... ah!... Elle tombe éyanoaie dans les bras d*Bdgard. BDGARD, la teaant dans ses bras. Ëh bien!... elle se trouve mal... sapristi!... Voyons, Flo- restine... pas de bêtises!... c'est pour rire... pas de bê- tises!... VOIX DE MADAME REAUDELOCHE, dans a eoaliise. Florestine ! * . . Florestine ! . . . EDGAR Dy répondant. Voiléil.»* voua!... (A. iai-m*me.) On l'appelle!... on va v6* i SCÈNR QUATORZIÈME. 239 nir... je ne peux pas signer mon contrat comme ça !... qu'est-ce que je vais en faire ? (ll la prend bup sfs bras el par- court le théâtre avec agitation.) OÙ diable la fourrer ?... ou diable la colporter î SCÈNE XllI. FLORESTINE, EDGARD, puis LE NOTAIRE. LE NOTAIRE, entrant par la droite du premier plan, à la cantonade. C'est moi... le notaire!... (Apercevant Edgard promenant Plo- restine.) Ciel! EDGARD, an notaire, avec forcé. Pas un mot ou je vous étrangle l lj(44|tre vivement à gauche, dans sa chambre, en emportant Florestine. SCÈNE XIV. LE NOTAIRE, MADAME BEAUDELOCHE, pais YEAUYARDIN, puis EDGARD, puis HENRIETTE. LE NOTAIRE, pétrifié. n m'étrangle? MADAME BEAUDELOCHE, entrant par Sangle de droite. Florestine I (Aperœflmt le notaire.) Ah\ monsieur le ao^ taire... LE NOTAIRE, effrayé. Moi, madame?... je n'ai rien vu... je n'ai rien diti,,* Il entre vivement dans le salon par l*angle <;auchau EDGARD ET SA BONNE. HADAUE DEAliDELOCtlE, seule. t-ce qu'il a donc ce notaire?... cette figui'e rea- UTAHDIN, paraissant i la porta du ■alon, par U droite. »]'... mon gCOdrel... (a inadame BBa'"l«'™>>«'l ^^^ TOUS n'avez pas vu mon genilre? MADAME BBAUDELOCHE. croyais au salon. VEAUTARDIN. on le cherche pour chanter au piano... il doit ètr*. Ique meuble. Ils ramoDt«Dl Tsrs las deai portes du lalon. , rentre es scène ods voir les autrei personnages. U est trèv Il liant un panier de ebaibon A la main. — A pari, aui h eau-père! * MADAME BEAUDELOCHE. rfens-tu? EDOARD. ile part... je me promène. (A part.) Fichu panieri MADAME BEAUDELOCaB> le tu es pâle? SCÈNE QUATORZIÈME. 244 TEAUVARDIW. Quel charbon? EDGÀRD, interdit. Le . . . charbon de terre . . . l'odeur. . . VEAUVARDIN. Ib ne sens rien... Allons, donnez-moi le bras... n passe devant lui et lui prend le liras EDGARD. Pourquoi faire? VEAUVARDIN. On vous attend pour chanter votre romance : Petite Marguerite.,» EDGARD, à part Sacrebleu l VE'AUVARDIN. Ma fille est au piano... * EDGARD. C'est que... MADAME BEAUDELOCHE. Eh bien, ne vas-tu pas te faire prier? EDGARD. Moi? du tout I... je trouve ça ridicule... et même... iA part.) Fichu panier I MADAME" BEAUDELOCHE. Dépêche-tôil... moi, je vais installer une table de bouil- lotte... Où sont les jetons?... Elle se dirige vers la chambre d'Edgard. EDGARD, vivement, lâchant Veauvardin et courant barrer sa porte. Pas parla!... pas par làl (Montrant la table de droite.) DaUS la table... ils sont dans la table 1... I. 14 . U% EDGARD BT SA BONNB. MADAME BEAUDIIOCHE, étonnée. C'est bon... il est inutile de te fâcher. Bile traverse et cherche dans la table. HENBIETTE, paraissant par la droite, à Bdgard. Eh bien, monsieur 1... nous vous attendons!... BDGARD. Avec plaisir... avec plaisir... (A part.) Je ne peux pour- tant pas chanter Petite Marguerite avec un boisseau de charbon sous le bras. TBAUTARDIll. Mon gendre.». BDGARD. Oui... prenez ça! n lui met le panier de charbon dans les maint. YEAUTARDIN, étonné. Hein? HENRIETTE, qni n*a rien va, à Bdgàrd. Eh bien? EDGARD. Avec plaisir!... avec plaisir!... U entn dans le salon, par la dit donc passée cette fille?... {Apercevant Veauvar- din.) ^ hl m( n Dieu 1 qu'est-ce que c'est que ça? VKAUVARDIN. Je iv en sfi is rien I MADAME BEÀUDELOCHE. Tout à riieurt^ un panier de charbon et maintenant... Monsieur, quelle ^st oitte plaisanterie? TEAUVÀRDIN. Est-ce quejesaul... je vais lui demander... (S'éiançant dans le bal avec la bassL\oire.> Mon gendre!... mon gendre !... MADAME BEÀUD£\iOCHE, voulant le retenir. Eh bien, où va-t-il?.. . Monsieur VeauvardinI ~ Ah çàl est-ce que le beau-père aurait quelque chose de dérangé?... FLORESTINE, sortant âe la chambre d'Edgard, sans bonnet. Edgard ne revient pas... — Ah I madame !... Elle s^éloigue vivement de la porte d^Edgard. MADAME BEAUDELOCHE. Enfin vous voilà, mademoiselle!... d'où venez-vous, d'où sortez- vous, depuis une heure que je vous appelle? FLORESIINE. Je n'ai pas entendu. MADAME BEAUDELOCHE. Taisez- vous!... vous êtes une sotte I FLORESIINE. Oui, madame. MADAME BEAUDELOCHE. Toat à l'heure on va signer le contrat... FLORESTINE. Quel contrats -»»- »--■ - -rv SCÈNE DIX-NEUVIÈME. 24© MADAME BEAUDELOCHE. "- Le contrat de mon fils. FLORESTINB. Comment! je croyais que c'était manqué 1 MADAME BEAUDELOCHE' Manqué? vous êtes folle! FLORESTINE, avec colore, à par-.. Oh!... il m*a monté le coup! MADAME BEAUDELOCHE. Ëcoutez-moi bien, Florestine... au moment de la signa ture... quand tout le monde sera là... je sonnerai et vous apporterez la corbeille... FLORESTINE, étonnée. La corbeille?... MAD/IME BEAUDELOCHE. Quand je sonnerai... pas avant!... c'est une surprise... FLORESTINE. Oui, madame. MADAME BEAUDELOCHE. Faites circuler les sirops... les rafraîchissements.. F1K)RESTINE. Voilà, madame!... (a part.) Ah! je fon ménage une de corbeille ! Elld sort par la droite, premier plan. — La musique cease dans les salona. 250 BDGARD AT SA BONNE. SCÈNE XX. MADAME BEAUDELOCHE, puisEDGARD, pata VEAUVARDIN. BDGÀRD» à la porte du salon de droite et saluant â ia cantonade. Mademoiselle, mille remerciments... vous polkez comme un ange... (Descendant.) Maintenant, vite, la bassi- noire 1 {Apercevant sa mère.) Ohl... maman! MADAME BEAUDELOCHE. Ëdgard , c'est très-bien... tu fais parfaitement les hon- neurs... Je ffe recommande d'inviter la tante d'Henriette... c'est une politesse. •• EDGARD. Oui... MADAME BEAUDELOCHE. Je Taperçois là-bas près de la glace... va... mon enfant. . . dépêche- toi . . . EDGARD. Oui, oui... oui... (il remonte vers la porte du salon et redescend brusquement en voyant "feortir sa mère par la gauohe du troisième * plan.) J'ai bien le temps de faire danser les tantes d'Hen- riette!... (Regardant autour de lui.) OÙ peut-il avoir fourrô la bassinoire? Il cherche dans les ooins. TKAUVARDIN, entrant par la droite du troisième plan, la bassinoire A la main, à part. Ce que ce notaire vient de me dire est bien étrange... U cipit avoir vu une femme dans la chambre de mon gen- dre!... SCRNE VINGT ET UNISMft ' n\ EDGARDy rapereeTdot et saisiMant la bassinoire. Ah! merci, je la cherchais. YEAUTARDINy tenant tonjoara le manche. Laissez-moi, monsieur. Il se dirige vers la porte d*Edgard« EDGARD. Où allez-vous?... TBAUYARDIlf« Dans votre chambre, monsieur! EDGAR D, très-efA'ay^ Non! Elle n'est pas faite!... Demain!» YEAUYARDIN. Laissez-moi, monsieur... laissez-moi! Hs ae débattent, la bassinoire reste dans les mains d^dgard et le manche dans celles de Veanyardin, qui entre dans la chambre «n trébuchant. SCÈNE XXI. EDGARD, puis FLORESTINE. BBGARBi Jetant la bassinoire dans la cheminéa et tombant dans m fauteuil. Patatras!... tout est perdu!... il va la voir... Quelle journée! la tête me tourne!... (Florestlne sort du salon à droite, avec un plateau. l\ jette un grand cri en apercevant Florestine.) Ahl... comment! toi?tun*es pas là?... et lui!... Embrasse-moi« (Changeant d^idéo .) Non! ça ne serait pas convenablet i 252 ED6ARD ET SA BONNE. FLORESTINE, froidement. A quand la noce? EDGÀRD. C'est rompu I FLORESTINE. Ah!... c'est rompu?... Est-ce pour cela qu'on donne un bal? EDGARD, à part. Aiel (Haut et ▼iyement.) Justel... c'est le bal de rupture!... parce que dans le monde... quand on rompt... on se donne toujours im bal de rupture!... FLORESTINE, qui a posé son plateau, venant se placer devant lui. Ah çàl... vous me croyez donc bien béte? EDGÀRD. Florestine!... FLORESTINE. Dans un quart d'heure on va signer votre contrat... EDGARD, jouant Pétonnement. Ah bah!... tu me l'apprends I FLORESTINE. Au premier coup de sonnette... j'ai reçu l'ordre d'ap- poi:ter ici la corbeÛle... EDGARD. Vraiment?... Ah! c'est extrêmement aimable de ta parti... FLORESTINE, tirant un médaillon de sa poche Connaissez -VOUS cette croûte? EDGARD. Mon portrait I... rends-le-moi... jô te rendrai tes lettre» de Vaugirard l •i*»««fci=-«w^*r- SCÈNE VINGT ET UNIÈME. 253 FLORESTINE Non, monsieur!... EDGARD. Ces jolies petites lettres de Vaugirard... FLORESTINE. Non, monsieur 1 .. EDGARD. Que tu m écrivais, quand tu étais chez ta tante... FLORESTINE. Non!... J'attendrai qu'on sonne... EDGARD. Pour quoi faire? FLORESTINE. J'arriverai droit à votre beau-père... je lui remettrai ceci... EDGARD, à part. Bigrel... FLORESTINE. Et je le prierai de vous demander comment votre por- trait se trouve entre mes mains. EDGARD, suppliant. Florestinel... veux-tu un châle de trente-huit, francs? FLORESTINE. Non, monsieur!... EDGARD. Tout laine?... FLORESTINE. . Non, monsieur I... EDGARD. De chez monsieur chose ?... 254 ED6ARD ET SA BONNE. FLORESTINE. Non, monsieur!... si vous m'aviez dit la chose franche- ment... EDGARD. Eh bien, je te la dis franchement! FLORESTINE. Mais vous avez voulu me mystifier! me faire aller... à Asnièresl... Sonnez!... je suis là... j'attends! EDCARD, la snivant. Florestine, un chàle de quarante-huit francs? FLORESTINE, de la porte. J'attends!... EDGÂ.RD. Tout laine?... FLORESTINE. Sonnez!... Elle sort par la droite, premier pllib^ EDGARD, à trarers la porte. De chez monsieur ?... SCÈNE XXII. EDGARD, puia VEAUVARDIN. EDGAR D, seul. Hefichul... ayez donc des bontés pour vos gens!... oU- frez-leur votre portrait!... VEAUVARDIN, sortant de la chamhre d*Edgard et eaehant danrièrt loi le bonnet de Florestine, ^audeloche fils! -J--- w^-i — - . . „ ^. ^^ SCENE YINGT'DEUXIÉMB, 255 EDGÀRD. Bon!... à l'autre!... _ VEAUVARDIN. Nous avons à causer. EDGARD. Oui... plus tard... j'ai invité,., [VEAUVARDIN. Monsieur, je suis père... j'aime ma jfille... (Lui montrant i« bonn«t^) Veuillez. m'expliquer ceci?... EI>6ARD, à part. Hein? son bonnet!... petite cruche!... Encore de l'ou- vrage!- VEAUVARDIN. Eh bien? EOGARD, troublé. Oh! mon Dieu!... c'est extrêmement simple... (a part.) Je vais lui dire que c'est à maman!... VEAUVARDIN. Répondez. EDGARD. Ce bonnet est celui de... VEAUVARDIN, Pinterrompant séyèrement. De votre ohambri&re I... elle l'avait dimanehe. Je le re« connais! EDGARD, à part. Vlanl... tire-toi de là! VEAUVARDIN. Comment se trouvait-il sur votre causeuse? EDGARD. C'est excessivement simple... EDGARD ET SA BONNB. VEÀDTA.RDIN. .. Toyons... EDGIRD. t.] ly.ia qu'il ne me viendra pas une bonne 'oilà... figurez-vous que cette fille a un tic. TEAUYARDIN, >ncl (a part.) Il ne me donne pas le temps [aui.) Elle promène ses effets partout... c'est TEAUVARUir, niéAaat. rotre chamLreî... fait rlea.., VEAUVARDIN. EDGÀBD. que... (TrouTani.) elle est VEAUTARDIN, (ranapocté. le! Il EDGARD. 1 qui TOUS trouverait des truffes! VEAUVARDIN. Sapristi I SCÈNE VINGT-DEUXIÈME. 257 EDGARD* Qu'allez-vous faire? VEAUVARDIl». La sonner pour l'expérimenter ! EDGAR D, l'arrêtant. La sonner? non! (a part.) Elle apporterait le portrait l (Haut.) Ne sonnez pas ! Le retenant. VEAUVARDIN. Pourquoi? EDGARD. Ça la réveillerait. YEAUYARDIN. Je ne peux pourtant pas la magnétiser d*ici. EDGARD. Hein?... pourquoi pas? (a part.) Si je pouvais pendant que nous ne sommes que nous deux... (Haut.) Veauvardia pèrel... je vais vous épater par quelque chose d'énorme ! VEAUVARDIN. Quoi? EDGARD. Nous allons endormir cette fille... à travers Ia muraille. VEAUVARDIN. Bah! EDGARD. Nous allons lui ordonner de venir ici. VEAUVARDIN. Ahï par exemple! je suis curieux... EDGARD. Ce n'est pas tout... il faut qu'elle nous apporte un objet quelconque... que nous allons penser. 25g EDGARD ET SA BONNE. ■é VEAirVAUDIN. Un morceau de baba 1 EDGARD. .Allons donc! c'est trop simple... Mon portrait, par exemple 1 YEAUVARDIN. raimerais mieux un morceau de baba. EDGARD, à part. Est-il agaçant avec son baba! (Haut.) Nous disons mon portrait... qui est dans le septième tiroir... de Farmoire.., à gauche, sous du linge... tout au fond, tout au fond! YEAUVARDIN, émerveillé. ' Beaudeloche iîls... si vous me faites Voir ça, ma fille est à vous ! EDGARD, le plaçant devant la porte du premier plan à gauche. Mettez- vous là... YEAUVARDIN. Oui... oui... EDGARD. Ahl seulement, je vous reeonmiande bien une chose: dès qu'elle vous aura remis le portrait, renvoyez-la... YEAUVARDIN. t^ourquoi ça? EDGARD. Cala fatigue... elle voudra vous faire des ragots, des histoires. n'EAUVARDIN Je lui dirai : «. Sortez! sortez!... » FHGARD. C'est çal... furt! iurl SCÈNE VIN6T-DBUXIËMB. 259 YEAUVÀBDIN. Gomment, furtl furti EDGAUD. Elle est eu Midil... y ètes-vous? TJSAUVARDIN Ouil Il retroQsse ses paremeata EDGÀHD. Concentrez- VOUS I TEAUYARDIN. Je me concentre? E D au'est-ce qu'elle dit? FLORESTINE. Je vous apporte une croûte... VEAUVARDIN. Hein? EDGARD, vivement. C'est votre baba! VEAUVARDIN. Ahl voyons... y a-t-il du raisin de Gorinthe? FLORESTINE. Q ne s'agit pas de raisin de Gorinthe!... mais d'une ho^ rcur^ d'homme qui m'a trahitel EDGARD, s^efforçant de rire. Oh! oh! trchite!,,, VEAUVARDIN, riant. Oh\' trahite! (a la société.) Elle me conte ses pednes de cœur! 11. 15. 262 ED'GARD ET SA B(M«Ne EDGÀRD, bas.. Florestine, je feu supplie 1 YEAUVARDIN, à Florestine. Quel est donc le monstre d'homme qui a pu trahir une jolie fille comme toi? ► FLORESTINE. Ah!... vous voulez te savoir?... EDGARD, exaspéré et hors de Isi. Florestine!... Je vous défends!... * Mouvement général d'étonnem«at FLORESTINE, à part. Ah 1... il me défend!... (a Veauvardin.) Tenez! voilà son portrait. EDGARD, à part, tombant sar une chaise. V'ianl... ça y est! VEAUVARDIN, indigné. Le portrait!... dans le septième tiroir!... Mon gendre, c'est donc vous ? EDGARD. Elle n'est pas lucide. TOUS. Qu'ya-t-il? VEAUVARDINy avec éclat. Il y a que.mon gendre, dont voici le portrait... (Regandant le portrait.) Tiens! c'est un pompier!... TOUS. Hein? FLORESTINE, A part. Pristi 1 je me suis trompée de poche ! EDGARD, bas, à Florestine, un peu vexé Mademoiselle... que signifie ce pompier? m l \ SCÈNE VINGT-TROISIÈME. 203 FLORESTINXy iMU, larec embarras. Je n*ai pas voulu vous perdre... EDGARDy bas. Généreuse fille!... tiens T voilà tes lettres de Vaugirard. Il lui remet un paqaet. FLOUESTINE, le regardani. Des billets de banque ! EDGARD, à part. Pristi I je me suis trompé de poche 1 MADAME BEAUDELOCHE. Ma bru, je vous cède Florestine... c*est un vrai cadeau que je vous fais. KDGARJ), vivement. Non!... (a part.) Sapristi! assez comme ça! MADAME BEAUDELOCHE. Pourquoi? EDGARD. Parce que... parce que... elle épouse un pompier... FLORESTINE. Moi? EDGARD, bas, avec énergie. Épouse-le, ou je t'étrangle! (Haut.) Elle accepte je l'ai réveillée. MADAME BEAUDELOCHE. Je me charge de la dot ! VEAUVARDIN. Moi, je lui donne cinq pour cent.., EDGARD, bas. Non !... elle n'est pas pas lucide... au lieu de truffes elld TOUS trouverait des pommes de terre... 264 EDGARD ET SA BONNE. VBAUVARDIN. Au fait... EDGARD, à part. Enfin-!... j*ai cassé mon agrafe! (aq pabiic.) C'est égal... J'en suis pour ce que j'ai dit... certainement je n'ai pas de conseil à vous donner... mais une veuve, bonne musi- cienne, avec quatre-vingt mille livres de rente... je crois que ça vaut mieux! je le crois!... CHŒUR FINAL AIR de Mademoiselle Bertrand, Oui, tout promet le destin le plus doux A ce mariage; Quel heureux présage I Avant l'hymen les maris les plus fous Deviennent les meilleurs époux. FIN D'eDCARD et sa BORHB. LA FILLE BIEN GARDÉE COMÉDIE-VAUDEVILLE EN UN ACTE Ee^Tésentée poor la première fois , à Paris , sur le théâtre du Palàis-RoT4l.) le 6 septembre 1850. COLLABORATEUR : If M ARC-MICHBL PERSONNAGES ACTEURl qui Mt créé 1m rAlML SAINT-GERMAIN, chasseur de la barosne. MM. Gba880t. ROCAMBOLE, earabiniâr. Masiob. LA BARONNE DE FLASQUEMONT. Mmes Teibrrbt. BERTHE, sa fille (sept ans). CiLins Uontàlami MARIE, femme de ehamhre. Duphii. ' A Paris, dans l'hôtel de la baronne- LA FILLE BIEN GARDÉE Une chambre ri6k«nt«nt«dléoopée'«t m«uhlée; "AU fond, an rnufen, une alc6ye dont las Tideaux so&t. Hermès.; au foad, à -droite, la porte principale, ouvrant sur une antichambre, portes latérales, à dcoite et à gauche, au deuxième plan : celle de droite conduis)^ à la ehambre de la baronne; celle de gancho, à ia chambre d» Marie ; à droite, premier .plan, une fenêtre, près de la(}ttelle sont un guéridon éi un fauteuil; à gauche, premier plan, une cheminée avec une glaoo; près de la cheminée, une toilette et un fauteuil; à droite et à gauche, troisième plan, un petit meuble, tapis, fleurs, flambeau:' allumés. SCENE PREMIÈRE. MARIE, puis LA BARONNE, pnb SAINT-GERMAIN, UARIE, fermant les rideaux de Palc^ye avecinimeur. A la fin des fias, elle dort... c'est pas malheureux I... Quelle sde que les enfants!... celle-là surtout... elle est gâtée!... (s^adressant au lit.) Si t'étais à moi, yat... je f en flanquerais de la docilité... 268 LA FILLE BIEN GARDÉE. LA BABONNE^ sortant de sa chambre en toilette da bai Marie, vous avez couché la petite?... MARIE, gracieuse. Oui, madame... (Soulevant un coin du rideau de Palcôve.) Elle dort comme un petit ange... voyez. LA BARONNE, regardant. Pauvre chérubin!... est-elle johe comme çal... MARIE. Âh! et bonne! et douce I je le disais encore tout h l'heure... LA BARONItE, lui envoyant des baisers. Dors, chère enfant!... dors bien, ma petite Berthe!... MARIE, envoyant aussi des baisers. Oui, dors bien, pauvre petit agneau 1 LA BARONNE, mettant ses bracelets. Elle est un peu souffrante aujourd'hui... Ahl je suis contrariée... Cette soirée à laquelle je ne puis me dispen- ser d'aller... quel ennui! SAINT -GERMAIN, en grande livrée de chasseur, paraissant JL la porté d^entrée. Madame la baronne est attelée!... U tonsHA. LA BARONNE . * Comment, je suis attelée? SAINT-GERMAIN. Pardon, je veux dire : la voiture... (n tousse.) de ma- dame la baronne est... (n tousse, à part.) Cré nom! MARIE, à Saint-Oermain. Toussez donc plus bas!... vous' allez réveiller made- moiselle... SCÈNE PREMIÈRE. 269 LA BARONNE. Eu effet, qu*avez-vous donc, Saint-Germain?... SAINT-GERHAIN. Madame la baronne m'honore... c'est les bronches. LA BARONNE, indiquant la fenêtre ouverte. Et VOUS restez là, entre deux airs?... Elle va A sa toilette. SAINT-GERMAIN. Madame m'honore. On entend sous la fenêtre la musique truyantf d'un quadrille. LA BARONNE, se retournant. Hein? MARIE. C'est encore la musique de ce vilain bal public... SAINT-GERMAIN, à part. Ça fait trois airs. La musique continue, Marie et Saint-Qermain marquent machina- lement la mesure du quadrille par un mouvement de tète et de hancbos. LA BARONNE. Ah! oui... n'appelle-t-on pas ça le bal MabiUe?... char- mant établissement, qui est venu se placer juste sous les •fenêtres de mon hôtel... et qui me forcera à déménager. (a Saint-Germain, qui s^arrète tout à coup dans sa cadence.) Mais, Saint-Germain, fermez donc cette fenêtre... Marie court & la fenêtre. SAINT-GERMAIN. J'y songeais... CARIE, apercevant la cage et la pr enant. Ahl mon Dieu! et la perruche que j'ai oublié de ren- trer!... Elle donne la cage à Saint-Germain et ferme la fenêtre 0 270 LA FILLE BIEN &AliDÉB. SAIWr-GBRMAIN. Me sera-t-il permis de donn-er un conseil à madaiLe 1^ baronne, relativement à cet oiseau des salons? LA BARONf^E. Qu'est-ce que c'est? SAINT-GERMAIli. Si j'étais. madame la baronne, je ne suspendrais plus ma perruche au-dessus de cet établissement public... LA BARONNE. * •i^qurquoi?... SAINT-GERMAIN. Elle y apprend des locutions... à faire rougir £smi- bronne... qui pourtant n'était pas chipie !..> LA BARONNE. Comment!... SAINT-GERMAIN. .AIR : Depiâa long^Umps j'aimais Adèiâ. Hier, poliment je la (laestioiiiie : « As-tu déjeuné, mon Jacquot ? » Elle me répond... mais d' Tant m*am' la baronne. Je n'os'rai pas redir* ce vilain mot... LA BuÂ^RONNE. ' Quel mot? parlez... SAINT-GERMAIN. Oh I jamais I LA BAROI^NE. Je l'ordonne I SAINT-GERMAIN. Madam* ruxige... Eh bien, à cet oiseau, J* demande : « As -tu déjeuné, ma migiionne ? » Eir me répond... : « Oui, oui, oui, vieux chameau ! » EU' m'a traité, madame, de vieux chameau I SCÈNE PREMIÈRE. 2'M LÀ ,RA BONNE «t MARIS. Ohl l'horreur! LA BARONNE. Demain, i^us lui chercherons une autre à part. C'est ça qui u§p les chapeaux. LA BARONNE, continuant. Et marguillier honoraire de Saint- Jean- de-Latran... à Rome ! SAINT-GERMAIN. Ohl... II se découvre tout à fait et s^iucline. LA BARONNE. Très-bien... j'aime ces témoignages de respect... SAINT-GERMAIN. Quant il s'agit de -rendre hommage... (n tousse, à part.) Gré noml... LA BABONNE. Ce pauvre Saint-Germain I... Vous avez là une bien mau- vaise tO'îX. SAINT-GERMAIN. Madame m'honore... ça se passera cette nuit... LA BARONNE. Cette nuit! en restant jusqu'à quatre ou cinq heures du matin dans un vestibule ouvert à tous les ventsi... il n'en 272 LA FILLE BIEN GARDÉE. faudrait pas davantage pour attraper une bonne fluxion de poitrine... SAINT-GERJiAIN. C'est mad£une qui l'est, bonne... de poitrine... LA BARONNE. Je me passerai de vous ce s©ir... Joseph vous rempla- cera. Quant à vous, Marie... Comment! vous voilà encore à coudre, à l'heure qu'il est? MARIE. Madame sait bien que je n'aime pas à -me croiser les bras... Saint-Qermain décroise vivement ses bras et se jette après un fauteuil quUl frotte avec acharnement. LA BARONNE. Vous aussi, Saint-Germain? laissez cela... SATNT-GERMAIN, résistant. Non, madame! non, madame! LA BARONNE. Assez!... je le veux!... Allez vous reposer tout de suite... SAINT-GERMAIN. Ah! madame, quand on ne travaille pas, le pain qu'on mange est bien amer ! . . . LA BARONNE, à part. Pauvre garçon! quelle noblesse de sentiments! (Haut.) Marie... rentrez aussi... je l'exige... MARIE. C'est pouv obéir à madame la baronne. LA BARONNE. Vous laisserez votre porte ouverte... la petite pourrait SCÈNE PREMIÈRE. 278 se réveiller... Ah! à minuit, n'oubliez pas de lui donner son loch. MARIE. Soyez tranquille, madame. LÀ BARONNE. Vous êtes une fille sûre- et je compte sur vous comme sur moi-même... SAINT-GERMAIN. Oh! nous aimons tant mademoiselle Berthel... MARIE. C'est un ange I SAINT-GERMAIN. Un archange! LA BARONNE, épanouie. Ohl ohl... elle est gentille, je ne dis pas... (a part.) Vrai- ment^ j'ai là de bien bons serviteurs!... (Haut.) Allons I ayez bien soin de ma fille, ne la contrariez en rien, et surtout ne la laissez pas pleurer. MARIE et SAINT-GERMàlN. Oh! madame! ENSEMBLE- AIR : Adieu donc, et que la nuit... (l'Homme aux souris). LA BARONNE. Je puis, jusqu'à mon retour. Me fier à votre zèle ; Je ne reviendrai près d'elle Qu'au point du jour. SAINT-GERMAIN et MARIE'. Oui, jusqu'à votre retour, Fiez-vous à notre zèle; 274 LA FILLE BIEN GARDÉE. Car nous veillerong sur elle Avec amour. Aa milieu de Tensemble, Saiat- Germain prend un flambleaa et ' dispose à éclairer la baronne. LA BARONNE. Restez, Saint-Germain, vous pourriez attraper du froid. SAINT-GERMAIN. Madame m'honore. La baronne sort par le fond. SCÈNE IL SAINT-GERMAIN, MARIE. Saint- Germain et Marie restent un moment à la porte du fond, Koreille au guet. On entend le bruit de la voiture qui s^éloigne. Arfusit6t Marie et Saint-Germain redescendent la scène en dansant ot on chantant en sourdine. TOUS DEUX. DrinnI drinnl drinn! ^ MARIE. La v'ià partiel... SAINT-GERMAIN. Amour de baronne 1... elle vagigotter jusïju'àraurore... n.ous avons le temps de faire les quatre cent dix-neuf coups!... MARIE. Ah I si tu n^avais pas mal aux bronches ! SAINT-GERMAIN. Moi ? cruche naïve ! elle a aussi ingurgité le goujon? SCÈNE DEUXIÈME. " 273 HAJlrl E. Mais cette toux?... SÂINT-GERMAlir. Chère amie, retiens cette annotation... Règle générale: quand je tousse... c'est que j'ai avalé de travers I MARIE. Comment!... tout à l'heure, en entrant...? SAINT-GERMAIN. J'étais en train de me former ime opinion sur le nou- veau cognac de madsune la baronne... C'est delà drogue je préfère l'ancien. Tout à coup j'entends la voix de ma- dame... alors, tu comprends... la crainte d'être gobé, j'aurai pris im tuyau pour l'autre et... voilai... Du reste, l'homme est complet!... n'y a pas de dégâts!... (Lui pre- nant la taiUe.) A preuve!... Dis donc, Marie, nous voilà pro- priétaires de notre nuit... MARIE, baissant les jeax. Qu'est-ce que nous allons en faire, monsieur Saint-Ger- main? SAINT-GERMAIN, la regardant tendrement. Dame... si nous mangions!... MARIE, le repoussant. Âh! tu m'ennuies!... il ne pense qu'à ça. Musique an dehors. SAINT-GERMAIN. Tiens, une polka! (Marie remonte.) Oh! ça VOUS fait fou^ cailler... Je danserais sur la tètel... et toi?... MARIE, pudiquement. Sur la tête... monsieur Saint-Germain, je n'ai pas de sous-pieds . 276 LA FILLE BIEN GARDÉE. SAINT'GERUAIN. Bégueule!... Ohl une idéel... Marie, es-tu up. homme? MARIE. Qu'il est bête! tu vois bien que non... SAINT-GERMAIN. Raison de plus! descendons chez Mabille!... hein? MARIE. riens! tiens! tiens! ma cousine Ursule doit y venir... SAINT-GERMAIN. Ursule ! une boulotte, avec des taches de rousseur? ^A part.) Elle me va!... MARIE. Avec son cousin le carabinier... (a part.) V'ià un bel homme I SAINT-GERMAIN. Carabinier! il était lancier la semaine dernière, son cou- sin... il a donc changé de corps? MARIE. Non, c'est elle... qui a changé de cousin... SAINT-GERMAIN, à part. Drôle de boulotte!... elle me val (Haut.) Voyons, ça y est-y? MARIE. Bdh! ça y est! SAINT-GEBMAIN. Très-bien ! va mettre ta robe de soie... MARIE. J'y cours. (EUe remonte.) Ahl mon Dieu! -SCENE DEUXIÈME. ^^ SAINT-GERMAIN. Quoi donc? MARIE. Et la petite?... SAINT-GERMAIN. Bah! les enfants, ça dort dur... nous viendrons enu. deux quadrilles lui flanquer son médicament... MARIE, se décidant. Ahl bast! proutl... Allons-y I Saint- Germain lui prend les mains et la reconduit en chantant «i en dansant. AIR : Fadet/ Fadet! M'ARIE et SAINT-GERMAIN. Eh hop 1 eh hop I Un temps de galop 1 Galopons comme A. l'Hippodrome I... MARIE, parlé. Plus bas donc! SAINT-GERMAIN, parlé. C'est juste ! Reprenant ensemble en sourdine. Eh hop I eh hop I galopons tout bas. Et macadamisons nos pas. Il raccompagne en dansant jusc^u' la r-^M de gauche; Marie disparait. 10 2711 LÀ FI^LE BIEN GàKD£S. SCÈNE III. SAINT-GERMAIN, puis BERTHE. SAINT-GERUAIN. Vite, à ma toilette I... quand je dis ma toilette... c'est^ceUe de la baronne... mais je m'en sers... (ii s'approche de la toi- lette et s'assied.) OÙ est ma pommade? (Flairant un pot.) Vio- lette!... c'est bien çal... hum! quel fumet!... on en man- gerait... (il emplit sa main de pommade et se bearre les cheveux.) Encore! il faut que ça reluise... bah! je vais finir le potl (se levant et descendantla scène.) C'est pourtant avec cette che- velure que j'empaume les femmes!... J'ai surtout là... sui la gauche... une petite gredine de mèch6 qui leur fait ou- blier toutes les bienséances ! AIR : du Beau Nicolas, Quand je parais avec ma mèche, Au milieu d'un timide essaim, Soudain le cœur le plus revôche Mollit à son chic assassin ! De Gupidon elle est la flèche, Elle est l'hameçon des amours... Et j'entends redire toujours : « D' lui résister, il n'y a pas mèche! Gredin' de mèche! Mais voy^z donc comme ell' lui val Qu'il est bien, co scélérat-là l Ah 1 qu'il est bien ce scélérat-là I Fichtre I qu'il est bien ce gueux- là ' » UrsuJe méfie-toi I... j'ai idée que nous allons jouer an carabinier détrôné!... 11 retourne à la toilette. / SCÈNE TROISIÈME, 279 BERTHB, dans Talcôve, comme an enfant qui se réveille. Houin! SAINT-GEKMAIN, sans se déranger Qu'est-ce que c'est?.,, entrez!... (Fouillant dans le tiroir.) Tiens! un pot de rouge!... il parait que la baronne de Flasquemont se... vieille drôlesse! (ii replace lepot.) Où est mon eau de Portugal? BERTHE, dans Talcôve. Houin I... SAINT-GERMAIN. Entrez! (Trouvant un flacon.) Ah! voilàl... quel parfum I... on en boirait!... (inondant son mouchoir.) La!... encore! bahl... je vais finir la bouteille!... je serai marié cette année ! # Il verse le reste de la bouteille dans son estomac. BER^HE, même jeu, plus fort. Houin!... maman!... SAINT-GERMAIN, à part. Ah! bigre!... la moucheronne qui se réveille!... (n re- monte et écoute.) Elle repiouce d'achar... BERTUE, dans Palcôve, nouveau cri plus prolongé. SAINT-GERMAIN, à part. Ah çà, mais... sacrebleu !... ça ne va pas finir? BERTHE, passant sa tèto entre les rideaux. Tiens! tu prends la pommade à maman!... SAINT-GERMAIN, à part. Prelotte!... (Haut.) Du tout, mademoisefle, je range... je range... U referme vivement le tirotr, et paue A droite. t i. ..^ Î80 LA FILLE BIEN GARDÉE. BERTHE. Viens par ici. SAINT-6ERMÀ^N, s*avaoçaot décontenancé et respectueux* Moi?... voilà !... Mademoiselle la baronne a 'besoin de mes services?... BERTHE. Plus près... J'ai à te parler. SAIN T-GE R MAIN, avançant d^an pas. Mademoiselle m'honore I BERTHE. Quelle heure est-il? SAINT-GERMAIN, il regarde la pendait Neuf heures sept... BERTHE. Où est maman?... SAINT-GERMAIN. Madame est en soirée... BERTHE. Et Marie ? SAINT-GERMAIN. Elle est couchée... elle fait dodo... et, s'il m'était permis de donner un conseil à mademoiselle la baronne... BERTHE. Tais-toi. SAINT-GERMAIN. Oui, mademoiselle. BERTHE. Apporte-moi ma poupée. SCENE TROISIEME. ^^ SAINT-GERMÀIN. " Mais, cependant.. iERTHE, menaçant* Hein?... SAINT-GERMÀIN. Oui, mademoiselle. n prend sur une chaise, à gauche, une énorme poupée BERTHE. Non, c'est inutile, je n'en veux plus... va-t*en... SAINT-GERMAIN. Oui, mademoiselle... BERTHE. Non, reviens! SAINT-GERMAIN, revenant. Oui,* mademoiselle! (a part.) Ah! mais!... voilà une môme qui m'embête!... BERTHE. Bah! je vais me lever!... Elle disparaît dans Talcûve. SAINT-GERMAIN, posant la poupée sur une chaise, à droite, troiiiôme plan. ..Par exemple! vous lever!... il ne manquerait plus que ça. •• BERTHE, paraissant, elle est en toilette de nuit, longue chemiae- hlouse lui tombant jusque sur les pieds. Me voilà!... SAINT-GERMAÎN, à part. Fichtre!... et mon bal! et Ursule! et IWarie qui met sa robe de soie l • I. «6. 282 LA FILLE BIEN GARDÉÏ5. BERTHE. Vois-tu, mon petit Saint-Germain, c'eët demain *^la fôte de maman... et je vais l'attendre pour lui réciter le com- pliment que tu m'as appris. SÀINT-GERMÀIN, à part. Allons, bon 1... (se baissant pour lui parler.) Mais, mademoi- selle, recouchez-vous, je vous réveillerai!... BERTHE, se recalant. Dieu ! que tu sens mauvais ! SAINT-GERMAIN. Par exemple I ... la violette ! . . . \. BERTHE. Ah ! tu vois bien que tu prends la pommade à maman I SAINT-GERMAIN, à part. Prelotte ! . . . elle me colle ! . . . BERTHE. Voyons, faî3-moi jouer... amuse-moi... Elle remonte. SAINT-GERMAIN. Je ferai remarquer à mademoiselle la baronne que rheure avancée... BERTHE, frappant du pied. Amuse-moi, ou je vais pleurer I... SAINT-GERMAIN, vivement. Voilai voilà! (La prenant par la main, chanta t et marG!iuuik.j Promenons- nous dans les bois. Pendant que le loup... BERTHE, -lui donnant une tape. Pas ça! j SAINT-GERMAIIf. \ Ah! (Criant.) Zuil aw berger I SCÈNE TROISIÈME. Î83 BPR'THE. Pas çal SÀINT-GERMAIN. Ah !... (Se courbant comme poar jouer au cheval fendu.) AKôSl gautez! BERTHE) sUmpatientant et le poussant. Mais non, pas ça. SAINT-GERMAIN, à part. Vlà un insecte qu'est difficile à amuser I BERTHE. ê ^ Vk\ trouvé!... nous allons jouer à la marchande! "^Elle remonte et va prendre au fond une ombrelle, an éventail, un ' sac. SAINT-GERUAIK Qu*est-ce que c'est que ça? BERTHE. Assieds-toi là!... tu vas voir... SAINT-GERMAIN, s'aseeyant dans le lànteuil, à droite, à part. Elle m'embête!... Faut pourtant^que je la replaque dans son lit... BERTHE, descendant la scène, en tenant Tombrelle ouverte et jouant de l'éventail. Abj Traiment, la chaleur est accablante... je suc- combe I... SAINT-GERMAIN, à part. As-tu fini tes manières... Petit singe, va!... BERTHE, faisant une révérence i Saint-Oermai» Bonjour, madame! 1if<ï LA FILLE BIEN GARDES. SAINT-GERMAIN. Qui ça?... moi?... BERTHE. Mais oui ! puisque tu es la marchande 1 SAINT-GERMAIN. Alil...allezt... RERTHE. Je recommence, (saluant.) Bonjour, madame i SAINT-GERMAIN, lai rendant sa réyérence. Votre servante, madame!... (a part, en se rasseyant.) Si tu savais comme tu m*embêtes ! . . . BERTHE. Je voudrais voir des chapeaux... SAINT-GERMAIN, d^une grosse voix. La boutique est fermée... BERTHE, menaçant. Rouvre-la, ou je vais pleurer... SAINT-GERMAIN. Voilai voilai... elle est ouverte 1... CricI cracl (a part) Gré môme!... BERTHE. Il me faudrait im chapeau très-élégant, ohl mais très- élégant I... avec des roses pompon... c'est pour sopt.»v avec mon mari... SAINT-GERMAIN, A part. Son mari! .. Mouche-toi donc, gamine... BERTHE. Avez-vous cela, madame?... SCÈiNfi TROISIÈME. '285 SÀINT-GERMAIN. Certainement, niadame. n se lève. BERTHE. Voulez-vous me l'essayer, madame? Bile lai donne son ombrelle qu^il ferme et quMl garde à la main. SAINT-GERMAIN. Avec plaisir, madame. Il feint de lai essayei le cHapeati. BERTHE. Ahl délicieux l charmant! ravissant 1 AIR : De grâce f regardez-moi/ (Secrets da Diable.) Voyez comme il est coquet Ah I que ce chapeau me plaît ! Cette ravissante coiffure A Longchamps va faire un effet 1 Et tous les dandys, en secret, Diront, admirant ma figure : « Voyez comme il est coquet I Ahl que ce chapeau me plaît I Ahl grand Dieu! qu'il est coquet Il est parfait I » SAINT-GERMAIN. Si ça ne fait pas transpirer ! BERTHE. A présent, I. ton tour! Elle lui donne le sac et i'éventaiJ SAINT-GERMAIN, A mon tour, . . quoi Y. . . BERTHE. Je suis la marchande, tu vas faire la dame. Elle va s'asseoir dans le fauteuil de druitu 286 LA FILLE BIEN GARDÉE, SAINT-GERMAIN. Àh çà! est-ce que nous allons jouer à ça toute la soirée j'ai affaire, moi... BERTIIE, assi$ie. Vite, vite ! je t'attends ! SAINT-GERMAIN. Voilà! voilà I (a part.) Si ça continue, MaLille sera fermé... (il passe le sac autoar de son bras, ouvre Pombrelle et s^avance vers Berthe en marchant (Tune façon grotesque.) £n VOilà UU métier } (Haut.) Bonjour, madame. BERTUE. Que vois-je? Madame la marquise I... SAINT-GERMAIN, à part. Me v'ià marquise à présent I... (Gaiement.) Drôle de petit crapaud!... BERTHE. Mon Dieu 1 que vous êtes donc fraîche et jolie ce matin I SAINT-GERMAIN, minaudant. Ah! flatteuse! (a part.) Gré nom! je fumerais bien une pipe ! BERTHE. Que vous vendrai-je aujourd'hui, madame la mar- quise? SAINT -GERMAIN, d^une grosse voix. Quatre sous de caporal, et un verre de vieillel BERTHE. Qu'est-ce que c'est que ça? SAINT-GERMAIN. Vous n'en tenez pas?... très-bien!... je vais voir... à la Ville de Paris!.., (a part.) Crac ! je la lâche... remonte SCÈNE TROISIÈME. ^^^ -BERTBE, sautant vivement à bas de son.^a^iteuil. OÙ allez-vous donc, madame? SAINT-GERMAIN. Rejoindre mon mari... qui m'attend sur le carré... BERTHE. Qu'est-ce qu'il fait, votre mari? SAINT-GERSTAIN. Il est médecin, i. Bonsoir I BEATHË. Vitel faites-le entrer, car je soufiTre... je souffre horri- blement! Elle- {^assied dans un faateuil à gauche. SAINT-GERMAIN, revenant effrayé. Ahl mon Dieul BERTHE. C'est pour rire, béta! nous allons jouer à la malade. SAINT-GERMAIN. Encore! (a part.) Âh çàl elle ne me lâchera pas de la nuit! en Vlà un pueeroni (Haut.) Mademoiselle, permettez- moi de vous faire observer... BERTHE, d'une voix languissante. Enfin, vous voilà, docteur; bonjour, docteur 1... SAINT-GERMAIN. Non... permettez... BERTHE, de même. Ah! je suis bien patraque aujourd'hui! j'ai les nerfs dans un état... et mon pauvre cœur... SAINT-GERMAIN, à part. Utilisons sa débauche d'esprit. (Haut.) Voyons la lan 28S LA FILLE MEN GARDEE. gue... (Berthe tire la langue.) Oh I oh! Yoilà Une mauvaise langue... Voyons le pouls... (n lui prend la maïu.) Oh! oh! voilà un mauvais pouls... BERTHE. Qu'ordonnez-vous, docteur? SAINT-GERMAIN. 11 faut se flanquer au lit... BERTHE. Vj pensais... SAINT-GERMAIN, à part. Bravo I elle donne dedans. BERTHE, se renversant dans le fauteuil. Ah! docteur! SAINT-GERMAIN. Piaît-il? BERTHE, d'une voit mourante. Je crois que je vais me trouver mal ! SAINT-GERMAIN. Ça m'arrange... Oh! la pauvre enfant!... oh! la pauvre enfant!... Il la prend dans ses bras et la porte aveo précaution sur le devant de la scène, en la berçant et en chantant à demi- voix. AIR : Dodo, l'enfant do. L'ordonnance du médecin, Est que Ton couche la malade ; Demain il faut qu'ell' prenne un bain Et deux verres de limonade; Mais qu'elle dorm' jusqu'au matin, Ou... j' lui fais hoir' du chicctini Ohl du chicotin... qui est si amer! Non, non, docteur.** elle dormira... (Très-doucement.) Elle dort! SGËNE QUATRIÈME. 289 Achevant Pair. Dodo, l'enfant do I Ii*enfant dormira tantôt! n la porte doucement vers Talcôve et la dépose dans son Ut. SCÈNE IV. SAINT-GERMAIN, MARIE, puis BERTHE. MARIE, entrant; elle est en robo de soie. Eh bien, es- tu prêt pour aller à Mabille? SAINT-GERKAIN. Chû-û-ût ! VARIE. Qu'est-ce que tu fais? SAINT-GERHAIN. La petite s'est réveillée... elle vient de faire une vie de polichinelle... j'en sue... VARIE. Ah! mon Dieu! SAINT-GERMAIN. Mais la v'ià rendormie. MARIE. Alors, dépêche-toi! SAINT-GERMAIN. Au fait, Ursule doit être arrivée... Un coup de brosse... et je suis reluisant comme le louis d'or que me donnera demain la baronne... Il met le pied sur I9 fauteuil de gauche et se brosse. 1. 17 ;ï ^^^^^mm^^Êmi 200 LA FILLE BIEN GARDÉE. KARIB. A toi?... Elle met le pied sur le fauteuil de droite pour rattacher le cordon de sa bottine. SAINT-GERMAIN. Quelque peu. MARIE. Et pourquoi? SAINT-GERMAIN. Pour mes verses. HARIE. Tiens! tu fais des vers, toi? Sl^NT-GERMAIN. Quelque peu. MARIE. Français? SAINT-GERMAIN. Autant que possible... Veux-tu que je t*en déclame? MARIE. C'est-y long? SAINT-GERMAIN. Huit pieds... les ims dans les autres. MARIE. Non; ça durera-t-il longtemps, je te demande? SAINT-GERMAIN. Tu le verras... c'est un compliment pour la iête à ma- dame... et que j'ai seriné sournoisement à la mouche- ronne... ' MARIE. Dépêche- toi... (a part» se tournant vers la fenètra.) Je sens comme un parfum de carabinier. I 'I SGËNE QUATRIEME. 291 SÀINT-GERKAIN-. Voici... c'est la gamine qui parle... Imitant la voix d*an enfant Pr^entant sa brosse. Daigne agréer, maman baronne. Ce bouquet si frais, si mignon : Il est fait de rosQB-pomponnes,,* MARIE. Es'-ce qu'on dit roses-pomponnes? SAINT-GERKÀIN. Fn vers, pour la rime... (Galamment.) Et puis les roses, ne sont-elles pas du beau sexe?... MARIE, flattée. Ahl SAINT-GERHAIN, à part. Elle croit que r/est pour elle... Bécasse! Keprenant. n est fait de tOBes-pomponnes ; Mais val du cœur qui te le donne Non, non, l'amour n'est pas pompon ! C'est-il tapé, ça?... MARIE. Ahl oui... Mais qu'est-ce que c'est qu'un amour pas pompon? SAINT-GERMAIN. Gomment! tu ne comprends pas?... Roses-pomponnes... petites roses I... amour pas pompon... grand amour I MARIE. Oh! mais a-t-il de l'esprit! (a part.) C'est égal, il est trop roquet... 292 LA FILLE BIEN GAHDËE. SAy^T-GERMAlN, à part. Tromper une si bonne fille!... J'ai des remords... ma^s je polke dessus. (Il fait un pas do polka. — Oa entend un signa) loos la fenêtre :) Broû-oû-oûp!... Quel est ce gargouille- mei\t? MARIE. C'est Rocambole. SAINT-GERMAIN. Rocambole? MARIE. Le carabinier. SAINT-GERMAIN, soupçonneux. Et tu le reconnais à son brow-oû-oûp ? MARIE, embarrassée. Dame!... (vivement.) Puisqu'il est de mon pays!... SAINT-GERMAIN, à part. Je polke de plus en plus sur mes remords... (Haut.) Fi- lons! MARIE. Je Vattends! ENSEMBLE AIR de la PoUea des Cascades de Saint-Clouéê SAINT-GERMAIN et MARIE. La mioche fait dodo, Nous avons campo; Allons piano. Mais presto. Pincer gracioso.» Un galop Nouveau Môle d' fandango Chocno I i SCÈNE CINQUIÈME. 293 BERTHE, sortant de l*alc6ve tout habillée. Un instant 1... j'en suisi SÀINI-GERMAIN et MARIE, pétrifiés. Ohl SCÈNE V. SAINT-GERMAIN, MARIE, BERTHE. MARIE. Mademoiselle, qu'est-ce qui vous a habillée?... qu'est- :<> que ça veut dire? BERTHE. Tiens ! c'est moi toute seule... MARIE. Venez un peu ici, que je vous déshabille... et tout de 6uite... BERTIIE. Turlututu!... moi, je veux aller avec vous. SAlNT-GERMAIN. Mais où ça, déplorable enfant? BERTHE. A MabiUe, donci SAINT-GERMAIN, jouant Tétonnement. Mabillel qu'est-ce que c'est que ça?... (a Marie.) Est-cfl que tu as parlé d'aller à Mabille, toi? MARIE. Moi?... pas du tout! 29^ LA FILLE BIEN' GARDÉE. BERTHE. Oh! sont-ils menteurs! sont-ils menteurs!... (a Marie.) Et pourquoi as-tu mis ta robe de soie? HARIE, embarrassée. Pourquoi?... SAINT-GERMAIN. Pour aller se coucher, parbleu! (On entend au dehors la Yoix du carabinier.) BrOÛ-OÛ-OÛp ! . . . . BERTHE. La!... entendez-vous?... SAINT-GERMAIN, A part. Animal! brute! (Haut.) Ça? c'est Croquemitainel (Prenant une grosse voix.) Qui CToque les petits enfants qui veulent aUer k Mabiïle? MARIE, parlant à la fenêtre. Elle va se coucher, monsieur Croquemitaine, allez- vous-en! elle va se coucher!... BERTHE. Qu'elle est bête!... c'est le carabinier! SAINT-GERMAIN et MARIE. Hein ?... BERTHE, Ûnement. Parce que je ferme les yeux, on croit que je dors... SAINT-GERMAIN, à part. Ohf si c'était à moi, quelle frétillante pâtée... mâtinl.M BERTHE. Voyons, m'emmenez-vous, oui ou non?... SAINT-GERMAIN. Une Flasquemont chez Mabille?... jamais l SCENE CINQUIEME- 205 BERTHE. Moi, je vais pleurer. SÀINT-GERMAIIV. On TOUS iournira des mouchoirs. BERTHE. Ah! c'est comme ça?... bien, très-bien l Adieu, Marie; bonsoir, mon petit Saint-Germain. SAINT-GERMAIN, saluant. Mademoiselle... BERTHE. Amusez-vous bien... moi je vais me coucher... SAINT-GERMAIN et MARIE, joyeux. Ahl... BERTHE. Seulement, si je ne m'endors pas tout de suite, je vais tâcher de composer un petit compliment pour la fête à maman. MARIE, riant. Un compliment! SAINT-GERMAIN, riant. J'en pouffe! (a part.) Et le mien?... BERTHE. J'y mettrai d'abord l'histoire d'un certain chasseur qui se permet de boire ses liqueurs et son vin muscat. SAINT-GERMAIN, à part. Bigre I BERTHE. Et celle d'une demoiselle qui ne se gène pas pour mettre les bas de soie de sa maîtresse... Elle soulève le ^as do la robe de Marie. 295 LA FILLE BIEN GARDÉE. MARIE. Ohl mademoiselle!... SAINT-GERMAIN, à part. Petite moucharde 1 BERTHE. Ah dame ! dans ce compliment-là, il n'y aura pas de roses-pomponnes, mais aussi ça ne coûtera pas un louif & maman!... MARIE, bas. Elle nous tient! SAINT-GERMAIN, à part. Petite gredine ! BERTHE, comme prenant son parti. Bonne nuit, Saint-Germain... SAINT-GERMAIN, ahuri. Mademoiselle m'honore. BERTHE. Bonsoir, ma petite Marie... je vais me coucher. SAINT-GERMAIN, à Marie, qui s*est rapprochée de lut. Dis donc... je fais une réflexion. MARIE. Laquelle?... Berthe redescend un peu et écout«. SAINT-GERMAIN. Pourquoi que nous ne remmènerions pas, c'tte mioche? MARIE. Au fait... j'y pensais... SAINT-GERMAIN. Mabille est un endroit très-sain pour les enfants. MARIE. L'air y est pur... SCÈNE CINQUIÈME. ^^'^ SÀINT-GERMÀIN. Elle regardera les danses... MARIE. Ça la formera. SAINT-GERMAIN. i faut que les jeunes personnes aillent dans le monde. MARIE. Et si elle a soif... SAINT-GERMAIN. Nous lui paierons des échaudés... Est-ce convenu? MARIE. C'est convenu!... Au moment oti Saint-Germain et Marie se retournent, Berihe remonte vivement près de l*alc6ve. SAINT-GERMAIN, aUant vers Berthe. Mademoiselle, nous sommes à vos ordres.. BERTHE. A mes ordres... Pour quoi faire? MARIE. Eh bien, pour aller... BERTHE, à part, avec malice. Je savais bien!... (Haut, jouant rindififérence.) Oh! c'est qu'il est bien tard... je ne sais pas si je dois... MARIE, à part. Elle va se faire prier, maintenant! SAINT-GERMAIN. Entendez-vous la 'musique? BERTHE. Allons!.,, mais c'est uniquement pour vous faire plai- sir... I. 17 298 LA FILLE BIEN GARDÉE. SAINT-GERMAIN, à part, faisant le geste de fouetter. Oh! Dieu! quel malheur qu'elle ne soie pas à moi! MARIE. Partons!... (Bas, à Saint-Germain.) PouTvu que uous ren- trions de bonne heure, madame ne se doutera de rien. SAINT-GERMAIN. En route! Marie et Saint-Germain prennent chacun Berthe par une mais. ENSEMBLE AIR final de la Diane de Trèfle. SAINT-GERMAIN et MARIE. Quel plaisir! ah! c'est charmant! De veiller sur cet enfant; En n' pas la quittant des yeux. Nous n*en veillerons que mieux. BERTHE. Quel plaisir! ahl c'est charmant! J' vais au hal comme maman. J* verrai danser et je veux Sauter et danser comme eux! Après PensemLle, ils courent tous trois vers le font! pour sortir MARIE, s*arrôtant. Ah diable! et le passe-partout pour rentrer? SAINT-GERMAIN. OÙ est-il? MARIS. Sur la cheminée. ' SCÈNE SIXIEME. 29» SAINT-GERMAIN. Va toujours... je vous suis. Marie sort an entraînant Berthc SCÈNE VI. SAINT-GERMAIN, aenl. n court a la cheminée et cherche en chantonnant sur l*air précédent. Nous disons... sur la cheminée... Sur la che... sur la minée... CShe... mi... mi... née... — AJti çàl mais^. Je n'y vois pas la moindre clé I (Cherchant à terre.) NI desSUS mdesSOUS... (il gambade de «à, de là, cherchant la clé de tous côtés.) OÙ diantre Ta-t-elle fourrée? (Gourant à la fenêtre et appelant.) Marie! eh! Marie!... (Regar- dant au dehors.) Ah ouat! la Yoilà déjà qui entre à Mabille, accrochée au bras du carabinier!... Ma foi, au diable le passe!,., on s'en passera!... (Pxèt à quitter la chambre, il entend un bruit de voiture; il regarde.) Hein!... qUOi! qu'cst-ce? Une voiture... à cette heure! (ll se penche sur la fenêtre et se retire aussitôt en la fermant.) Ah bigre!... ah fichtrel... ahl savoyard de sort!... c'est madame!... Et la petite qui... (n parcourt de nouyeau la scène dans le plus grand tr- tonnel Il la met dans sa poohe. LA BARONNE. Que VOUS êtes maladroite! qu'est-ce que vous faites? Elle se retourne; Marie est rentrée et a repris les cheveux de la baronne. Saint-Qermain s*est baissé et se cache derrière Marie. MARIE. Rien, madame! SCÈNE XII. LA BARONNE, MARIE, SAINT-GERMAIN. SAINT-GERMAIN, baissé, à voix bas9« Pas de moutarde? MARIE, bas, très-vite. i^lus personne ! Mabille est fermé I SA.INT-GERMAIN, de même. Et les caral)iniers? MARIE, de même. Partis... disparus!... SAINT-GERMAIN de môme. Grédié! je vais fouiller les cabarets... les casernes. Prrristil U se f?lis.se jnsqa^à la porto et sort* SCÈNE TREIZIÈME. 309 SCÈNE XIIL LA BARONNE, MARIE. MARIE, à part. Je n'ai plîss âe jambes! Elle achève de coiffer la baron oe. LÀ BARONNE. Mon épaule?... qu'avez-vous fait de mon épaule? MARIE, ahurie. Moi... madame? LA BARONNE. Oui! MARIE, cherchant. Mais... je ne sais... (a part.) Le malheureux! ilaFépaulo de madame dans sa poche ! LA BARONNE. Vous sa\ez que je n'aime pas laisser traîner ce détail de toilette. Elle se lève. MARIE. Je le retrouverai, madame... je le serrerai. (Elle lui donna on bougeoir allumé.) Madame n*a plus besoin de moi? LA BARONNE. Non... vous pouvez vous retirer. (Allant ver» sa chambre.) Mes yeux se ferment... je tombe de sommeil... MARIE, qui la suit des yeux, à part. Ahl je respire. (h% baronne se retourne.) Ah! mon Dieu! 310 LA FILLE BIEN GARDÉE. LA BARONNE. Ahl... ma petite Berthe... que j'oubliais d'embrasser. Elle pose le boageoir et va à Talcâve. MARIE, à part, s*appuyant contre un meuble. Tout est perdu 1... LA BARONNE ; elle soulève le rideau et pose la main sur le lit, Ohl pauvre petite! elle a froid I MARIE, étonnée. Hein? LA BARONNE. Il faut la couvrir... monchàle!... (EUe prend un ch&le sur une chaise et Pétale sur le lit.) Dors, petite chérie ! dors bien ! MARIE, pétrifiée, à part. Comment!... elle est revenue?.,. LA BARONNE, reprenant 3 bougeoir. Bdnsoir, Marie, (voyant son trouble.) Qu'avez-vous donc ? MARIE, s*efforçant de sourire. Rien... madame... je... vous souhaite le bonsoir. LA BARONNE, souriant, à part. Ils ont tous deux des airs singuliers, ce soir? Elle entre dans sa chambre SCÈNE XIV. MARIE, SAINT-GERMAIN. MARIE, allant vers Talcôve. Si je comprends..: SCENE QUINZIÈME. 311 SAINT-GERMAIN, entrant, pâle, effaré, essoufflé. Impossible delà retrouver!... Plus de cabarets ouverts... on éteint le gaz. * MARIE, jojeuse. Mais elle est rentrée! SAINT-GERMAIN, stupéfait. Ahbahl MARIE. Madame vient de l'embrasser... SAINT-GERMAIT?, au comble de Pétonnement. Ah bah... Où est-elle? MARIE. t Dans son litl... SAINT-GERMAIN. Dans son litl... (ll court au Ht, et en arrache la poupée avec un cri sauvage.) Çal 1 1 « ttARIE. Quoi donc? SAINT-GERMAIN, furieux, jetant la poupée sur le parquet. Çalll MARIE, effiayétb Malheureux 1 SCÈNE XV. Les MÊMES, LA BARONNE. i^A BARONNE, alarmée. Pourquoi ces cris?... Qu'y a-t-il?... 312 LA FILLE BIEN GARDÉE. SAINT-GERMAIN, cachant vivement la poupée derrière son dos. Rien, madame... j'étemue. LA BARONNE. Mais c'est à réveiller mi régiment... Que venez-vouf encore chercher ici? saint-gerhâin. Je venais régler ma montre sur la pendule. LA BARONNE. Allez-vous-en donc! (a part.) Décidément ils ont quelque chose d'extraordinaire. Elle rentre dans sa chambre SCÈNE XVI. SAINT-GERMAIN, MARIE. marie, mourante de peur. Qu'as-lufait, malheureux? saint-germain. J'ai cassé le nez à ce vain simulacre ! II lui jette la poupée dans les bras. MARIE. La poupée 1... Et c'est ça que madame vient d'embras- ser I SAINT-GERMAIN. Oui!... D^.ais demain, au jour!... Quand je pense que l'héritière des Flasquemont est en ce moment peut-être dans ime caserne de cavalerie ! MARIE, vivement. Mais non! le régiment des carahiniers part à minuit pour Fontainebleau! SCENE SEIZIEME. 3^3 SAINT-GERMAIN, foudroyé. Ah!... Qu'est-ce qu'ils auront fait de la miochef Il tombe assis dans le fauteuil, à gauche. MARIE, de même à droite. L*enfant est perdue... Pauvre petite Berthe! Dieu de Dieu!... que faire? SAINT-GERMAIN. Il n'y a qu'un moyen de nous tirer de là. MARIE. Lequel? SAINT-GERMAIN, se levant. Cest de filer. MARIE. J'en suis! Elle court prendre à Pentrée de sa chambre scn chàle et son bonnet. SAINT-GERMAIN. Et vite ! et raide ! et d'emblée I sans demander notre reste I MARIE, lui prenant le bras. Oui, oui!... allons. SAINT-GERMAIN, s*arrMant au fond. Faudrait pourtant lui laisser un mot d'écrit à cette femme, c'est bien le moins ! MARIE. » C'est juste! pour la préparer!... Tiens! dépêche-toi... ^là l'encrier... du papier... Elle lui montre le tout sur le guéridon. SAINT-GERMAIN, écrivant. « Madame U baronne... » 1. i8 314 LA FILLE BIEN GARDÉE. MARIE, attendrie. Cette pauvre madame ! SAINT-GERMAIN, écrivant. « Nous trempons notre plume dan's nos larmes... » Il prend de l'encre. MARIE, attendrie. Oh! ouil SAINT'GERMAIN, écrivant. « Pour Yous informer que nous filons de chez vous... » MARIE. Je voudrais être déjà loin ! SAINT-GERMAIN, écrivant, « De chez vous... chassés par le remords d'avoir égaré, par mégarde, Tobjet le plus précieux à votre tendre cœur... » MARIE, pleurant. Chère petite 1 moi qui Taimais tant! SAINT-GERMAIN, pleurant. Et moi donc !... Je disais toujours : « Quel malheur qu'elle ne soie pas à moi! » — Je continue. (Écrivant.) « Coupables, mais délicats, nous vous abandonnons le redû de nos gages pour les frais d'affiches et la récompense hon- nête... » MARIE. Oh oui, que je les lui abandonne!... mais elle nous a payés avant-hier. SAINT-GERMAIN. Malheureusement! (n écrit.) « Et la récompense hon- nête... avec laquelle nous sommes, madame... (se repr«s- nant.) G'est-à-dire nous ne sommes plus vos très-hum- SCENE SEIZIEME. 315 blés, très-obéissants et très-désolés serviteurs. » Signé A Saint- Germain. » (n fait de grands traits de plume. À Marie. <( toi ! mets-là ta pataraphe. MARIE, signant. Voilà!... « Marie. » SAINT-GERHAIN. C'est ça I (il plie vivement la lettre et met Padresse.) « A ma dame... madame... madame... la baronne de Flasque mont. » (il se lève et laisse la lettre sur le gnéridon, en pleurant. Là ! sur ce guéridon I Elle la verra en se levant. Ils pleurent tous deux. MARIE. Une si bonne maîtresse I SAINT-GERMAIN. Bonne... comme du biscuit! MARIE. Qui me faisait toujours des cadeaux! SAINT-GERMAIN. Et pas regardante sur les liqueurs! (ii sanglote et, croyant tirer de sa poche son mouchoir, il en tire la plaque de coton.) Tiens! son épaule! mettons-la avec la lettre,., au moins elle ne perdra pas tout! MARIE. , Viens, Saint-Germain!... SAINT-GERMAIli. Allons!... ah! ça me fenr*! ça me fendt Ils remontent tous deux vers le fond. 3t6 LA FILLE BIEN GARDËB. SCÈNE XVII. Le8 Mêmes, BERTHE/ Lr carabikibi ROGAMBOLE. Berthe est A califourchon sur le dos du carabinier* BERTHE, au dehors. En avant!... marche ! SAINT-6ERMA.IN et MARIE. Ahl mon Dieu! c'est elle! ENSEMBLE AIR : Marehons au pas»,. ROCAMBOLE. N'as donc pas peur. N'as pas peur, P'tit cavalier farceur ! Tiens-toi bien sur le dos d' Bocambole, Drôr de p'tit* moutard' I je la port', ma parole^ Autant sur mon dos qu' dans mon cœuri SAINT-GERMAIN et MARIE. Ah ! quel bonheur I Quel bonheur ! Voici notre sauveur! C'est le brav' cavalier Rocambole, n nous ramèn' l'enfant! oui, j' te port', ma parole. Beau cavalier dans mon cœur! BERTHE. Escadron!... halte!.. . front!... MARIE, à Rocamboie. Ah! pays ! vous nous sauvez la vie! SCENE DIX-SEPTIÈME. 317 SAINT-GERMAIN. Vous nous sauvez l'honneur, pays ! Il prend Berthe et la pose à terre. B EUT HE, à Rocambole. Merci, vieux! Elle va prendre le plumeau, se met à cheval dessus, et galope à travers la chambre. ROCAMBOLE, riant. Gré gamine! nous a-t-elle amusés au quartier I... Les camarades voulaient l'emmener à Fontainebleau... et, sans moi... SAINT-GERMAIN, effrayé. Crédiél... MARIE. Ce cher Rocambole!... faut que je l'embrasse pour sa peine! ROCAMBOLE, Tembrassant. Enlevé ! SAINT-GERMAIN, avec transport. Mille carabines I... faut que je vous embrasse aussi, camarade!... ROCAMBOLE, le tenant à distance. Comment, comment, camarade? SAINT-GERMAIN, riant. Eh ben, oui... Nous servons tous deux! Vous, dano les carabiniers!... moi, dans les chasseurs!... Il veut lui sauter au ooa. ROCAMBOLE. Mlons donc! dans les serins verts, tu veux dire! Il lui porte une botte. I. 18. 348 LA FILLE BIEN GARDâB. SÂINT-GERHÀIN. Ohl... (a lui-même.) Aimable cavalierl BERTHEy criant. Garçon, du kirsch! SAINT-GERMAIN. Du kirsohi MARIE. Qu*est-ce qu'elle a donc? SAINT-GERMAIN, à RoeankoW» Vous rayez pochardéel ROCAMBOLE. Allons donci ça fait grandir les enfants I MARIE, pounaivant Berthe. Mademoîfléllel... SAINT-GERMAIffr Vite! fichons-la au lit. MARIE. Mademoiselle, il faut vous coucher! BERTHE, lui échappant. Du flan! MARIE. Du flan? SAINT-GERMAIN. Elle jaspine !... une Flasquemontl ROCAMBOLE. Nous j avons appris le beau langage. BERTHE, courant. Tara ta ta ta ta! SCJ5NE DIX-SEPTIÉME. 319 SAINT-GERMAIN. Fais-la donc taire... elle va réveiller madame. MARIE, saisit Berthe, qui est montée sur un fauteuil. Àh! mon Dieul elle empoisonne le tabac I BERTHE. Oui, j'ai fumé avec Rocambole I SAINT-GERMAIN. Sapristi! vous l'avez fait fumer? ROCAMBOLE. Eh ben, quoi?... ça leur fait pousser les dents! n lui porte une botte. SAINT-GERMAIN. Oh! (a part.) Cornichon! (a Marie.) Tiens-la bien!... une douche d'eau de Cologne, il n'y paraîtra plus!... U rinonde d*eau de Cologne. BERTHE, trépignant. C'est pas du kirsch, ça! MARIE. Ne bougez pas I BERTHE, leur échappe et parcourt la chambre, poursuivie par Mari« et par Saint-Germain. Ta ra ta ta ta ta!... ROCAMBOLE, Pexcitant en riant. Au galop!... Ta ra ta ta ta ta! ^ Il chante bruyamment avec elle l'air d'entrée, pendant que Saint< Germain et Marie la poursuivent sans pouvoir la saisir. MARIE, pendant ce vacarme. Voulez- VOUS VOUS taire!... SAINT-GERMAIN. Rattrape-la donc! Berthe renverse un fauteuil. 520 LA FILLE BIEN GARDÉE. LÀ BARONNE, de sa chambre. Marie! Marie!... SAINT-GERMAIN, effrayé. Ah! bon Dieu!... madame!... Pristi! cachons la môma- que! II la porte dans la chambre de Marie. MARIE, vivement. Partez, Rocambole! ROCAMBOLE. Je m'éclipse I Il Pembrasse et sort. SCÈNE XVIII. MARIE, SAINT-GERMAIN, LA BARONNE. SAINT-GERMAIN, voyant paraître la baronne. A part Il était temps ! II s^est armé d^ane serviette et frotte le mÀme fauteuil que ci- dessus avec acharnement. Marie s^est armée d^un plumeau. LA BARONNE, en peignoir. Quel tapage!... Est-ce que le feu est à la maison? MARIE, balbutiant. Non... madame... En agitant machinalement son plumeau, elle épousset te Saint* Germain. LA BARONNE, apercevant Saint-Gerraain qui frotte. Saint-Germain!... encore après ce fauteuil!... SAINT-GÉRMAIN, ahuri. Madame m'honore... faut que ça reluise. SCÈNE DIX-NËUYIËMifi. m LÀ B ABONNE, regardant autour d^elIe. Mes meubles renversés!... Quel est ce désordre?.». SAINT-GERMAIN. Nous rangeons^ madame!... (ici on entend Berthe donner des coups de pied dans la porte. A part.) Grîstl ! Il tousse pour couvrir le bruit. LA BARONNE. Quel est ce bruit? SAINT-GERMAIN. C'est moi... c'est mes bronches, madame. Nouveaux coups de pied, plus fort. LA BARONNE. a y a quelqu'un là! MARIE. C'est... c'est le frotteur! SAINT-GERMAIN, à part Bien tapél LA BARONNE.  cette heure!... se moque-t-on de moi? (Elle passe, outi« la chambre, Berthe parait.) Ma fille ! Elle la prend par la mais SCÈNE XIX. Les Mêmes, BERTHE. BERTHE, sautillant. Tiens ! c'est maman ! LA BARONNE» au comble delà surprisa Celle enlant habillée I à une heure du matin 1 822 LA FILLE BIEN GARDÉE. SAINT-GERUÀIN, à part. Matin 1 MARIE, balbatiant. Madame... LÀ BARONNE. Et cette toilette?... (â Marie.) Mademoiselle, que si- gnifie...? MARIE, très- troublée. Madame... je ne sais... elle a mis sa robe rose... BERTHE. Moi, toute seule, maman. LA BARONNE, à Marie. Je le vois bien... mais cela ne m'explique pas... SAINT-GERMAIN, inspiré. Oh I (il prend le bouquet de bal de la baronne et le cache derrière lui, en disant :) Madame ne devine pas? LA BARONNE. Mais non!... je ne devine pas. SAINT-GERMAIN, souriant, d'un air bêta. La fête I LA BARONNE* Hein? SAINT-GERMAIN ; il agite le bouquet derrière lui. Marie comprend, saisit le bouquet et le met dans les mains de Berthe, pendant ce qui sait. La fête à madame... demain!... ime surprise... Made- moiselle a voulu être la première... charmante enfant! — Pas vrai, Marie? MARIE, vivement. Oui, oui, iLiadame! (a part.) Est-il futél SCENE DIX-NEUVIÈME. 328 LA. BARONNE, souriant. Ah ! c'est donc cela l je vous trouvais aussi un air si extraordinaire ! SAINT-GERMAIN. C'était la fête ! (ils conduisent )ous deux la petite Berthe vers sa mère, en lui disant tout bas :) BonUC fêtcl allonsl chaudl bonne fétel BERTHE, présentant le bouquet. Bonne fête, maman. LA BARONNE. Merci, ma pauvre enfant I Elle Pembrasse et ya s^asseoir en tenant Berthe auprès d^elle. SAINT-GERMAIN, bas, à Marie. Repêchés I LA BARONNE, à Bdrthe. Oh ! quelle drôle d'odeur tu as! SAINT-GERMAIN, à part, effrayé. Le caporal l MARIS, troublée. \j est..* SAINT-GERMAIN. C'est de l'eau de Cologne, madame. LA BARONNE. De l'eau de Cologne? SAINT-GERMAIN. Pour la fêtel... toujours pour la fête I LA BARONNE. Mais elle a une odeur détestable I SAINT-GERMAIN. Les parfumeurs sont si voleurs aujourd'hui ! ils fabri^ 324 LA FILLE BIEN GARDEE. quent ça avec des têtes de mouton I (a Marie.) Faudra en changer! (a part.) Vlan sur le parfumeur I (Bas, à Marie.) Encore repêchés ! LA BARONNE. Comment, ma pauvre Berthe; c'est pour me souhaiter ma fête que tu f es relevée ? BERTHE. Ohl non, maman!... c'est pour aller chez Habille. LA. BARONNE, étonnée et regardant ses deux domestiques. Comment? SAINT-GERHAIN, A part. Bigre! (Riant très-fort.) Ah ! ah! ah! ah! ah! chez Ma- bille ! (Bas, poussant Marie.) Ris donc, chaud I MARIE, riant. Ah! ahl ah! ah! ah! chez Mabille!. BERTHE. Oui! SAINT-GERHAIN, riant aux éclats. Figurez-vous, madame... elle a rêvé qu'elle avait été chez Mabille!... impossible de lui ôter ça de l'idée!... Ahl drôle d'enfant! drôle d'enfant! LA BARONNE, riant. Le fait est que voilà un singulier rêve! (a sa fiiie.) Et qu'as-tu fait chez Mabille? BERTHE. J'ai bu da Airsch ! SAINT-GERMAIN, riant et se tordant Ah ! ah ! ah ! (Donnant un coup de coude à Marie, qui est toute troublée, bas.) Ris douc! chaud! (Haut.) Ah! ah! ah!... bu du kirsch!... drôle d'enfant 1 elle eifit pétrie tle reparties/ SCÈNE DIX-NEUVIÈME. 325 BERTHEy s^approchant de Saint-Germain. Oui, j'en ai bu!... (a la baronne.) Avec des carabiniers... et puis j'ai (Jansé avec eux... ils m'ont mènera la ca- serne... et puis Gocambole m'a ramenée ici, à cheval sur son cou... SAINT-GERMAIN, se tordant de r^/e. Oh! oh I oh! Gocambole! MARIE, de même. Gocambole! ah! ah! ah! LA BARONNE. C'est prodigieux I SAINT-GERMAIN, riant toujours, àla baronne. Ah! ah! ah! ah! drôle de rêve!... drôle de rêve! ahl ah! ah! (A part.) Gristil... changeons la conversation, (a Berthe.) Allous, mademoiselle.... en avant le compliment que je vous ai appris. La soufflant, bas (t Daigne agréer, maman baronne... » LA BARONNE. Qu'est-ce que c'est? SAINT-GERMAIN. Une surprise!... le petit compliment d'usage. LA BARONNE, à Berthe. Gomment, tu as appris quelque chose? BERTHE. Oui, maman I SAINT-GERMAIN, A la baronne. Gomme qui dirait une fable... LA BARONNE. De la Fontaine ^ I. 1» 326 LA FILLE BIEN GARDËE SÂINT-GERlfAIN, avec mépris. Allons donc!... de moi ! LA BARONNE. Ahl... j'écoute. SAINT-GERMAIN, à Bertbe. Partez!... chaud!... chaud!... Pendant la ritournelle, Berthe fait le geste de retrousser moustaches. BERTHE, chantant. AIR de M. Herré. Le cayalier, V coq da village... SAINT-GERKAIN, à part Qu*est-ce qu'elle chante là ? MARIE, à part. Une chanson de carabiniers... SAINT-GERMAIN, bas, à Berthe, pendant qnVîe chante. C'est pas çà! BERTHE, lui donnant une tape. Mais tais-toi donc I tu m'embrouilles. LA BARONNE. Oui... ne la troublez pas. BERTHE. Je recommence! Reprenant. Le cavalier, 1' coq du villrqc. Où ce qu'il est en garnison, Dedans V canton» S'en va danser dessous rombragty SCENE DIX-NEUVIEME. 327 ^*en va danser dessus le gazoj» Avec Suzon... Et zon, zon, zon. Et zon, zon, zon î LA BARONNE. Qu'est-ce que c'est donc que ça?.*; SAINT-GERMAIN. C'est... sa fable, madame! BERTHE, parlé.^ Second couplet! Elle chante. « Venez, qu'il dit, loin du tapage, Là-bas, derrièr* c't épais buisson, •Nous jaserons. » Elle dit : « Jasons de mariage... Quand est-c' que nous 1' célébrerons?... » Mais il répond : « Et zon, zon, zon I Et zon> zon, zon I » LA BARONNE. Assez! assez!... Ici Berthe danse un petit pas soldatesqn». MARIE, bas. Ah! mon Dieu! SAINT-GERMAIN, bas. Voilà le bouquet! LA BARONNE. Quel est ce pas?... Ah! l'horreur I SAINT-GERMAIN, souriant. C'est... c'est la scotisch, madame. ^28 LA FILLE filEN GARDÉE. LA BARONNE, enchantée. La scotischl... Quoi! c'est là cette danse d la mode?... SAINT-GERMAIN, affirmativement VoUàl LA BARONNE. Mais qui lui a appris...? SAINT-GERMAIN. C'est Marie. MARIE, effrayée. Moi?... SAINT-GERMAIN. Pour la fête à ma dame I... moi, la fable... et Marie, la scotisch. LA BARONNE. C'est très-gracieux... très-gracieux. J'ai une soirée pour demain, je la lui ferai danser... elle fera l'admiration du salon 1 SAINT-GERMAIN, à part. Cristil... je loue une stalle! LA BARONNE. Je vous remercie, mes amis... je veux reconnaître vos attentions et vos soins... Elle va chercher de Targent dans sa toilette. SAINT-GERMAIN, bas, à Marie Un louis chacun!... MARIE, bas J'ai des remords. SAINT-GERMAIN, baa. Polke dessus!... Si le louis te gène, tu me le passeras. SCÈNE DIX-NEUVIÈME. 329 LA BARON NE| leur donnant une pièce d^or à chacun. Tenez... continuez à bien veiller sur cette chère enfantl SERT HE, qui est allée au guéridon. Tiens! une lettre pour maman! LA BARONNE, faisant un pas. Pour moi?... SAINT-GERMAIN, bas. La mienne!... BERTHE, s^approchant de la baronne. Oui!... avec ton épaule. LA BARONNE, cachant vivement le coton. Veux-tu te taire! (ouvrant la lettre.) Une lettre de vous!... VOUS voulez me quitter?... vous avez égaré un objet pré- cieux à mon cœur? Expliquez-vous, Marie... Saint-Oermain, effaré, exprime le plus grand embarras. / MARIE. Madame... en effet... oui... LA BARONNE. Mais cet objet précieux... quel est-il?... parlez. SAINT-GERMAIN, qui se trouve près de la cage. Oh!... U prend la perruche et cherche à la fourrer dans sa poche sans 7 parvenir. MARIE. Madame, faut tout vous dire... c'est votre chère petite... SAINT-GERMAIN s^avance vivement, met la perruche dans son chapeau, dont il se recoiffe en achevant la phrase. Perruche!... votre chère petite perruche... LA BARONNE. Quoi! ce n*est que cela? 930 LÀ FILLE BIEN GARDEE. SAINT-GERHÀIIiy A part. Pristi! elle me picote là-haut. LA BAHOXNE. Vous m'avez fait peur!... SAINT-GERMAIN^ à part Ëllem'épile!... Oh!... (Il voit la petite qui a passé à gauche, a allamé une cigarette, s^apprète A famer.) Âllons, bon ! petite gre- dine!... Il la lui arrache. LA BARONNE, se retv/urnant. Hein? SAINT-GERMAIN. Rien ! (U la fburre tout allumée dans sa poche et se bi&le la main.) Matin 1 ça brûle!... LA BARONNE, à Saint-Germain. Voyons, remettez-vous... Vous ferez demain des affi- ches pour ma perruche... Je promets cinquante francs de récompense. SAINT-GERUAIN, à part. On les touchera. Oh ! ça brûle en bas, xi ça picote là- haut. MARIE, bas, à Saint-Germain. C'est égal... j*ai des remords. SAINT-GERMAIN, bas. Trépigne dessus! LA BARONNE. Ah çà! j'espère qae voilà assez de fatigue pour une nuit; il est temps d'aller nous reposer; cette pauvre pe- tite tombe de sommeil... Saint-Germain, portez-la dans ma chambre, elle dormira plus tranquillement près de moi. SCENE DIX-NEUVIÈME. 33« SAINT-GERMAIN. Tout de suite, madame. (Il prend Berthe dans ses bras. A part.) Cré nom\ que ça me picote! (a Berthe, en passant devant le oublie.) Eh bien!... est-ce que nous ne disons pas bonsoir à ces messieurs!... Envoyez un baiser toute de suite! Berthe envoie des baisers. Al ^ : Troupe jolie. À cette comédienne en herbe, Je sais, messieurs, qu'on a promis Un cornet de bonbons superbe. Si r succès n'est pas compromis; {Bis.) Mais d' la grandeur d' la réussite, La grosseur du cornet dépend... BERTHE, dans les bras de Saint-Germain Applaudissez donc la petite Pour que le cornet soit bien grand. TOUS. Applaudissez... Etc. im DE LÀ FILLE fIBK GAROaS. y UN JEUNE HOMME PRESSÉ VAUDEVILLE EN UN ACTE Représenté pour la première fois, à Paris, snr le thé&tre de U MontaNSIbr CPalaxs-Rotal), le 4 mars 1848. PERSONNAGES ACTEURS qcd 0|t créé les rôlek. ' ÛARDARD. HM. Kaybl. PONTBICHET. Saiicvillk. COLÀRDEAU. Alczdk-Toubkc* La scène 86 passa à Pari», eiiox Pontèîchet. UN JEUNE HOMME PRESSÉ Lié théâtre représente une chambre à coucher. Au fond, au milieu, un lit avec des rideaux. — A côté, une table de nuit. A droite et à gauche du lit, portes, celle de droite conduisant à ^extérieur. — A gauche, premier plan, une porte ; deuxième plan, une croisée. — A droite, premier plan, autre porte; deuxième plan, une table avec c« qu*il faut pour écrire. — Chaises, fauteuils, etc. SCÈNE PREMIERE. PONTBICHET, puis ÛARDARD. Au lever du rideau, la scène est obscure, Pontbichet est couché, il ronfle. DARDÂRO, en dehors, sonnant avec force. Monsieur!... monsieur! PONTBICHET, se réveillant. Hein?... il me semble qu'on a agité ma sonnette?... DARDARD. Ouvrez! ouvrez! ouvrez... 336 UN JEUNE HOMME PRESSE. PONTBICHET. Qui va là? DARDARD. Moil... un jeune homme pressé... Je bous, je brûle, je flambe! PONTBICHETy descendant de âon lit et passant un pantalon après avoir allumé une bougie à sa veilleuse. Ah! mon Dieu I... est-ce que le feu serait à la maison? DARDARD. Dépêchez-vous donc! PONTBICHET. Une diable I donnez-moi le temps de passer un panta*- Ion. (A part.) Ces pompiers sont d'une impatience!... DARDARD. Je vous attends. U sonne de nouveau et sans discontinuer. PONTBICHET. Un instant donc! DARDARD. C'est pour vous empocher de vous rendormir. PONTBICHET, allant ouvrir. Voilà, pompier, voilà!... mais, si c'est pour faire la chaîne..., je suis enrhumé. (Apercevant Dardard.) Un in- connu!... sans casque! Monsieur, que voulez-vous? DARDARD. Monsieur, je voudrais causer avec vous. PONTBICHET. Causer! ah çà! quelle heure est-il? DARDARD. Deux heures du matin... Mais ça ne fait rien... je n'y |[\,ens plus ! je n'y tiens plus I 5» -ÎT SCÈNE PREMIÈRE. 337 PONTBICHET, à part, effrayé. Deux heures... j'ai peut-être eu tort d'ouvrir ma porte... dârdâhd. Monsieur, je suis un jeune homme pressé : dites-moi tout de suite si c'est vous? PONTBICHET. Moi, quoi? DARDARD. Le père... OU non? PONTBICHET. Ah çàl si c'est pour jouer à ce jeu-là... DARDARD. Étiez-vous, oui ou non, ce soir, au théâtre de M. Doiv meuil? PONTBICHET. Oui, en famille... Mais je ne vois pas... DARDARD. Occupiez-vous le numéro 13, second rang, première galerie, côté gauche?... dites-moi si vous étiez bien? PONTBICHET. Oh ! extrêmement bien. . . DARDARD. Enfin, n'y avait-il pas près de vous une jeune fille,., avec des yeux! un nez! une bouche!... PONTBICHET. En effet... ma fille Comélie... Après? DARDARD, ôtant son paletot. Ça SUlfit. (Il parait en habit noir, gants blancs, costume âe pré- tondu ) Monsieur, je âuis un jeune homme pressé, Ernost^ 338 UN JEUNE HOMME PRESSÉ. Oardard-Lacassagne, de Dumirac, près de Bordeaux; et j'ai l'honneur de vous demander la main de mademoiselle Cornélie, votre fille. PONTBICHET. Ahçàl monsieur, vous flanquez-vous de moi? Com- ment 1 vous venez à deux heures du matin violer mon sanctuaire... et me conter vos polissonneries !... DÂRDARD. Il me semble que ma démarche... PONTBICHET. Sortez! Par exemple! DARDARD. PONTBICHET. Monsieur, je vous préviens que ma table de nuit con- tient deux objets!... DARDARD, Tarrètant pudiquement. Chut 1 on ne nomme pas ces choses-là ! PONTBICHET, continuant. Une paire de pistolets pour les malfaiteurs, et un verre d'eau sucrée pour moi... quand je tousse. DARDARD. £n vérité ! eh bien ? AIR: VaudeyiUe de la Famille de f Apothicaire. Moi, je hlâme cet imbroglio. Des pistolets, de l'eau sucrée! On croirait pour un quiproquo La chose à dessein préparée. Voyez d'ici l'afifreuse erreur... ■i SCÈNE PREMIERE. 33» Vous pourriez, prenant l'un pour .l'autre, Sucrer... la cervelle au voleur, Et percer un trou dans la vôtre. PONTBICHET. Ah ça! monsieur, vous faites de l'esprit... moi, j'ai onvid de dormir. DARDARD. Reeouehez-Yous. PONTBICHET. Quand vous serez parti. DARDARD. Moi! partir sans l'avoir vue, sans avoir revu Cor- nélie?... I PONTBICHET. C'est ça, je vais la faire habiller pour vous. DARDARD. Ah ! je ne demande pas ça ! PONTBICHET. C'est heureux. DARDARD. Qu'elle vienne comme elle est... ce n'est pas sa robe que j'aime... ce n'est pas sa robe que j'épouse... PONTBICHET. Mais, monsieur... DARDARD. Ah I vous ne me connaissez pas ; je suis de Bordeaux , monsieurl... j'ai la tête chaudel... PONTBICHET . Qu'est-ce que (^a me fait? 340 UN JEUNE HOMME PRESSÉ. DARDARD. £t, à Bordeaux, quand on aime, quand on distingue une jeune fille au spectacle, on ne s'informe ni de son rang, ni de son nom, ni de son sexe... PONTBICHET. Mais, monsieur... DARDARD, s'animant. On la suit. Si elle monte dans un fiacre, on galope, on traverse les ponts, on rejoint le sapin, on grimpe der- rière... PONTBICHET. Mais, monsieur... DARDARD, de même. On reçoit un coup de fouet, VlanI ça ne fait rien... on tombe, on se relève, on arrive chez le père... PONTBICHET. Mais, monsieur... DARDARD, coûtinaant. Un gros qui dort; on lui dit : k Réveillez-vous, habUlez- vous, mariez-nous I » PONTBICHET. Est-ce que vous êtes tous comme ça à Bordeaux? DARDARD. , . Tousl PONTBICHET. Eh bien, à Paris, c'est différent; quand on nous ré- veille... nous prenons un bâton, bien rond, que nou» cassons, sans façon, sur le Gascon. DARDARD. Tiens, nous jouons au corbiUon! qu'y met-on? • SGÉI^Ë PREMIÈRE. 341 POMBICHET. Terminons... DARDABD. Ah!... le mot est bon. PONTBÏCHET. Vous désirez voir ma fille ? DABDARD. Oui. PONTBÏCHET* Eh bien, vous ne la verrez pas... DABDARD. Très-bien l . PONTBICHEÏ. Vous demandez à Tépouser? BÂRDARD. Oui. FONTBICHET. Eh bien, vous ne Tépouserez pas. DABDARD. Très-bien ! PONTBÏCHET, Maintenant, mon petit ami, je vais vous mettre à la porte. DARDARD. Non. PONTBÏCHET. Savez-vous que je suis plus gros que vou« . . et par conséquent plus... DAUDARD. Gras? 342 UN JSUNE HOMME PRESSÉ. POMTBICHET. Non, plus fort. DARDÀRD. En entrant, j'ai fermé votre porte à double tour, mis la clef dans ma poche... la voici I PONTBICHET. Eh / jien ? DARDARD. Pour rester, il ne tiendrait qu'à moi de la lancer par la fenêtre I PONTBICHET. Oui, mais je vous ferais prendre le môme chemin. DARDABD. Non. PONTBICHET. Pourquoi ? DARDARD. Parce que, casser un^Gascon, c'est très- cher, c'est un grand luxel... Ça se paye double. PONTBICHET, à part. 11 a raison. DARDARD. Tenez, je suis bon diable, je sors de bonne volonté!... mais pour revenir... Dites donc, je vais toujours acheter la corbeille? PONTBICHET. La corbeille? DARDARD. Oh! soyez donc tranquille! je ferai bien les chosob SCÈNE PREMIERS. 349 PONTBICHET. C'est trop fort!... DÀRDARD. Au revoir... beau-père I ENSEMBLE AIR : Étrange aventure, ou Scélérat atroce, {Existence déeetofm.' PONTBICHET. Étrange aventure I C'est une gageure. Voyez sa figure. Voyez sa tournure, Pour oser ainsi Porter ici Sa mine d'amoureux transi I • Sais -tu, gredin, Que je puis t'assommer soudain? DARDARD. Charmante aventure! Grâce à la nature, Avec ma figure. Avec ma tournure. Je puis, sans souci, Sortir d'ici, le suis certain De plair e à ta fille demain. Dardard tort par la perte du fond à droite, aprè» aToir remi» la elef dans la aerrare 3U UN JEUNE HOMME PRESS&. SCÈNE IL ?ONTBICHET, wui. A-t-on jamais vu un Gascon pareil? c'est qu'il a tz. aplomb ! Pour plus de sûreté, je vais fermer ma porte. (Il la forme.) Golardeau doit être revenu du bal masqué... Il arrive de Loches, et, avant de se marier, il a désiré con- naître les danses du grand monde... Je Tai confié à mon coiffeur... ils sont allés à l'Ambigu-Gomique: Et cet autre qui me demande ma fille!... elle est pour Golardeau, ma fille... un bon jeune homme blond, plein de respect, de déférence pour moi... Au moins, lui, quand je parle, il m'écoute, et, quand je ne parle pas, il m'écoute encore. (Riant.) Et puis, cc diable de Golardeau, il rit de tout ce que je dis... ça me donne de l'esprit... (Aupabiic.) Enfin, l'autre jour, c'était pourtant pas bien drôle, je lui dis : « Golardeau, je vais à l'enterrement...» Pouf! le voilà qui pouffe I... n est gai, ce Golardeau I Entre nous, je le crois très-bien avec ma fille, sa cousine ; ils ont fait connais- sance à Loches, i^ y a deux ans, et, entre cousins... Mal- heureusement, Golardeau n'a pour toute fortune qu'un oncle qui a, dit-on, le cou très-court... c'est quelque chose. En attendant... je lui achèterai un petit fonds de n'importe quoi, avec la dot de ma fille. Ah dame ! je ne suis pas riche, moi I Je fabrique diBS gants à vingt-neuf sous, sans isoutures. . . G'est la vérité ! je néglige totale- ment la couture. Ah çà, il est deux heures un quart... cet animal m'a^éveillé... qu'est-ce que je vais faire? Tiens! si je réveillais à mon tour Golardeau! il me tiendrait com- pagnie... c'est son état, (n frappe à la porte de droite, premier plan.) Ohé! Golardeau, ohél SCÈNE TROISIÈME. 345 SCÈNE III. PONTBICHET, COLARDEixO. COLâRDEâU, dans la coulisse. Hein?... je dors! PONTBICHET. C'est égal, lève-toi. COLARDEAU, de même C'est VOUS, monsieur Pontbichet? PONTBICHET. Oui, dépêche-toi. La porte s'entr^ouvre, et la tète de Golardeau parait coiffée d*aB bonnet de coton. COLARDEAU. Vous êtes incommodé, beau-père ? PONTBICHET. Non, Colardeau, je m* ennuie... COLARDEAU, riant très-fort. Ah! ah! ah! PONTBICHET, i lui-même. J'ai encore dit quelque chose de drôle, (a Colardeau, qui rit toujours.) C'est bien... Je t'ai réveillé pouxrque tu me tinsses compagnie. COLARDEAU. Compagnie? tout de suite? PONTBICHET. Parbleu 1 ce n'est pas la semaine prochaîne. 346 UN JEONE HOMMK PRESSE. COLARDEAU, riant. Ahl ahl ah! (S'arrètani tout à coup.) Gristil que j'ai envie de dormir. PONTBICHET. Voyons, quand tu resteras là... Entre. COLARDBAU. C'est que je vais vous dire... je ne suis pas vêtu... Je suis en bannière. PONTBICHET. Habille-toi. GOLARDEAU. C'est que je vais vous dire... je n'ai pas mes habits, ils sont restés chez le costumier. PONTBICHET. £h bien,* mets ton costume. GOLARDEAU. Oui, monsieur Pontbichet. (a part.) Cristi! que j'ai envie de dormir I La tète de Golardeau disparait. PONTBICHET, seul. Je vais le faire rire jusqu'au jour.,, ça m'occupera. SCÈNE IV. DARDARD, PONTBICHET. DARDARD, paraissant debout sur l^appui de la foûâtre. rîe vous dérangez pas ! PONTBICHET. Comment! encore vous? SCÈNE QUATRIÈME. 347 DARDARD. Toujours ! PONTBICHET. Et par la fenêtre? DARDARD. J'ai pensé que vous aviez dû fermer la porte... et nous «utres enfants de la Gironde, quand on nous ferme la porte, nous sautons par la croisée... (ii saute sur la scène.) Eh donc! PONTBICHET. Mais qu'est-ce qui vous ramène? DARDARD. Une idée. En sortant, j'ai lu votre enseigne : « Pontbichel fabricant de gants, » et je me suis écrié : « J'ai besoin de gantsi... » PONTBICHET. Monsieur, je vous préviens que je ne tiens pas le détail, ainsi... DARDARD. Et moi, je n'achète qu'en gros. J'en veux... vo/*^s.., j'en veux quarante mille paires I PONTBICHET. Quarante mille? DARDARD, s'asseyant^ Vous allez me les essayer, Pontbichetl PONTBICHET. t Comment? DARDARD. I)épâchez-v<>us, je suis un jeune homme pressé. 348 UN JEUNE HOMME i>ft£SSfi. I PONTBICHET. • Voyons, monsieur, parlez-vous sérieusement? DÀRDARD. En affaires je suis sérieux comme un hibou. PONTBICHET. Et vous êtes solvable?... DARDARD. Gomme un jaunet, je paye comptant. PONTBICHET, i Dardard, qui est aski*. Prenez donc la peine de vous asseoir. DARDARD. C'est fait. PONTBICHET, à part. Mais c'est une excellente affaire, quarante mille... je vais lui couler tout mon fonds de boutique. (Haut.) Monsieur, voulez-vous me permettre de passer mon pet-en-l'air? DARDARD. A quoi bon? PONTBICHET. Je sais trop ce que je dois à un client de votre impor- tance... Je suis à vous dans la minute. Il se retire derrière les rideaux. DARDARD, tirant son calepin. Nous disons quarante mille paires de gants à... (a p ' bichet.) Combien vos gants? PONTBICHET, derrière los r(deaux. Vingt-neuf sous. DARDARD. Trop clierl SCÈNE QUATRIÈME, 34f PONTBICHET, toujours derrière les rideaux. Je VOUS les passerai à un franc. DARDARD, calculant. Cest vendu I c'est une très-bonne opération, PONTBICHET, sortant hubillé. La! me voici... Dites donc, est-ce heureux que vous soyez allé au théâtre de M. Dormeuil? DARDARD. Oui; il pleuvait, je suis entré pour faire mes comptes... je me croyais au café de Foy... je demande une groseille, on me sert un vaudeville. PONTBICHET. Vous aimez les vaudevilles? DARDARD. Oh! Dieu! je les ai en horreur!... c'est toujours la même chose ; le vaudeville est l'art de faire dire oui au papa de la demoiselle qui disait non**. Voici l'ordre et la marche : on lève le rideau... ÂiR : YaadeTille de Préville et Taconnet. Salut d'abord, salon délicieux 1 Mais par la gauche entre, en toussant, un père... La fille pleure avec son amoureux. Petit monsieur bien mis, qui tous les soirs vient plaire... On lui dit non, mais cela veut dire oui. Au bout d'une heur*, grâce à son éloquence, Chacun s'embrasse et l'ouvrage est fini l PONTBICHET. Mais le public? I. to 350 UN JEUNE HOMME PRESSÉ. DARDARD. Chut 1 c'est là qu'il commence ; Quelquefois môme il se met en avance ! Tenez, dans ce moment nous en jouons un vaudeville... Vous dites non; eh bien, vous dire^ oui... à la fin. PONTBICHET. Ohl ça... DARDARD. Gomme les autres... J'en suis tellement sûr, que je viens de louer Tappartement au-dessus. PONTBICHET. Pour quoi faire? DARDARD. Eh bien, pour m'y installer avec votre fille. PONTBICHET. Vraiment? (A part.) Une fois l'affaire conclue, comme je le flanquerai à la porte. , . (Haut, ouvrant un carton.) Si vous désirez voir les échantillons... DARpARD, examinant Volontiers... (Passant son doigt dans Iç gant et le déchirant.) C!*est mal cousu... PONTBICHET. C'est fait exprès... pour donner de l'air aux mains. iAlRDARD. Au fait, dans les pays chauds... pour l'exportation, ça suflira. PONTBICHET. Ah! monsieur fait l'exportation? SGËNE QUATRIÈME. 35t DÀRDARB. Je fais tout, monsieur, j'exporte, j'importe et je cc^V porte I'^ PONTBICHET. Tiens! tiens! tiens! et vous gagnez de l'argent: DARDARD. Comme ça... Il y a deux ans, j'avais tout juste im zéro dans chaque poche. PONTBICHET. Et aujourd'hui? DARDARD. J'ai deux cent mille francs. PONTBICHET. Oh! oh! oh! en deux ans?... DARDARD. Ah! je suis de Bordeaux, moi! Vous n'auriez pas besoin d'indigo? PONTBICHET. Pour quoi faire? DARDARD. J'en ai à céder. PONTBICHET. Vous vendez aussi l'indigo?... oh! ohl ohl (a part.) U me fait l'effet de Mercure... en bourgeois. C'est un marron. DARDARD. £h bien, dans mon existence, il y a une chose qui m& taquine... qui me pèse là... sur l'estomac. PONTBICHET. Des choux? 352 UN JEUNE HOMME PRESSÉ. DÀBDARD. Non, un remords. Pontbichet: je dois ma fortune aune petite gredinerie. PONTBICHET, eaiemez^t. £h bien, je m*en doutais. Contez-moi ça DARDARD. Au fait, avec son beau-père... PONTBICHET. Mais permettez... DARDARD. Puisque vous direz oui,., c'est convenu. Il y a deux ans, j'étais simple commis chez un banquier de Bordeaux. Un jour, un riche armateur dont j'avais la confiance vint me trouver et me tint à peu près ce langage : « Pitchoun... ça veut dire petit, je vais me marier en Amiérique; n'ayant pas eu d'enfants dans ce monde* j'ai des chances pour en avoir dans l'autre. Or, je possède un neveu, un imbécile qui m'envoie deux fois par an ses fautes d'orthographe au jour de l'an et à ma fête. Avant de partir, je veux faire quelque chose pour cet animal-là. Voici quarante mille francs que tu lui remettras avec ma bénédiction... et une grammaire française. PONTBICHET. Et vous vous êtes empressé de lui porter...? DARDARD. Voilà où commence la petite gredinerie. J'allais partir, lorsque, à la porte des Messageries Laffitte et Gsdllardf j'avise une affiche : « Vins à vendre sur pied, » PONTBICHET. Gomjnentl.des vins sur pied? ^ SCÈNE QUATRIEME. 353 DÀRDARD. Oui, la récolte. Il s'agissait du meilleur crû des envi- rons de Bordeaux... le crû de... neuf étoiles. Une affaire d'orl... Alors je me dis : a Bah! ce neveu est riche... il at- tendra bien six mois. Je lui porterai ça plus tard. » Je ru- mine mon opération, je consulte im ami, un jeune homme de Bergerac; il m'approuve, et je pars. Pontbichet, ne contez jamais vos affaires à un jeune homme de Berge- rac! PONTBICHET. Pourquoi ça? DARDARD. J'arrive chez le vendeur... qu'est-ce que je trouve? le petit. gueux qui venait de me souffler... PONTBICHET. Le crû de neuf étoiles? DARDARD. Juste 1 PONTBICHET. Oh! un crû si étoile que ça! DARDARD. A ma place, qu'eussiez-vous fait? PONTBICHET, avec dignité. J'aurais jeté sur ce jeune homme un regard hautain... cl je serais parti. DARDARD. Parti? Tenez, vous n'êtes qu'un Champenois ! PONTBICHET. Je suis de Gourbevoie. I. 20. 354 UN JEUNB HOMME PRESSÉ. DÀRDÀRD. J'achetai cinq mille tonneaux... tout ce <ïu'il y airait dan» le canton, une rafle. PONTBICHET. Mais puisque o'est l'autre qui avait le vin. DARDÀRD. Oui, mais il ne pouvait pas l'entonner sans ma permis- sion... je tenais le bon bout, Goquinasse! PONTBIGHET. Que fit-il? DÀRDÀRD. Un beau trait : il me céda son marché à vingt-cinq pour cent de perte. PONTBICHET, dans Padmiration. Oh! oh! oh! (a part.) Ce petit bonhomme est prodi- gieuxî... il est bien plus fort que Colardeau... et, en y ré- fléchissant... (Haut.) Ah çà! et les quarante miJle francs de l'autre... du neveu? DÀRDÀRD. Je les ai toujours. PONTBICBET. Comment? DÀRDÀRD. Quand je me présentai à son domicile, il avait démé- nagé depuis six mois... impossible de le retrouver... Mais son argent est là... tout prêt... et maintenant pour rien au monde... PONTBICHET, lui prenant la main avec expressioA. Bien! très-bien! fort bien! SGËNE QUàTAIÉME. 355^ DÀRDÀRD, à part. Je l'ai étourdi. (Haut.) Dites donc, papa Pontbichet, ma- riez-nous, hein? PONTBICHET. Écoutez, mon ami... si ça ne dépendait que de moi... car vous m'avez fasciné... je suis sous le charme; mais c'est ma femme. DÀRDiRD. Gomment ! vous avez une femme, et vous ne me le di- tes pas? Où est-elle? PONTBIGHBT. Là, dans sa chambre... DARDARD, frappant très-fort à la porte indiquée. Madamel... madame!... je vous demande la main de votre fille? PONTBICHET, voulant Parrèter. Mais elle dort... DÀRDÀRD, continuant. Ça ne fait rien... je suis un jeune homme pressé. PONTBICHET. Et puis elle est sourde. DÀRDÀRD. Ah bah!... quelle raison I je la lui demanderai avec un cornet. PONTBICHET. Mais ce n'est pas tout, vous avez aussi un rival... qui est trè»-avancé ! DÀRDARD. Un rivai!... est-il du Midi? 356 UN JEUNE HOMME PRESSÉ. PONTBICHET. Non. DARDÀRD. Très-bien 1 je n'ai qu'à souffler dessus pour l'éteindre. Allons-y I UNE YOIX, au dehors. Monsieur Dardard ! . . . PONTBICHET. On vous appelle. LA VOIX. C'est le tapissier... PONTBICHET. Le tapissier?... DARDÀRD. Eh bien, oui, pour meubler l'appartement là-haut... J'y cours. Pendant ce temps-là occupez-vous du trousseau... Adieu, adieu l Il sort vivement. SCENE V. PONTBICHET, courant après lui. Mais, monsieur, monsieur!... Le tapissier, le trousseau... il mt fascine, il m'étourdit, il jongle avec mon intelli- gence, (s'avançant vers le public.) Après ça, c'est un excellent parti... et un commerçant!... Il vend de tout, c'est un pe- 1 1 bazar, ma fille épouserait un petit bazar... Tandis qu'avec ce Colardeau, un imbécile qui ne vend rien et qui rit de tout... Enfin, l'autte jour, c'était pourtant pas bien SCÈNE SIXIÈME. 357 drôle, je lui dis : « Colardeau, je vais à I enterr... » (S'arrè- tant.) Ah! je vous ai déjà conté ça! SCÈNE VI. COLARDEAU, PONTBICHET. COLARDEAU, sortant de sa chambre en costume de Turc. La! j'ai mis mon turban, (a part.) Gristi! que j'ai envie de dormir? PONTBICHET. Te voiïà? COLARDEAU. Je ne vous le cacherai pas. PONTBICHET, à part. Comment lui dire? (Haut.) Colardeau, méfie-toi, je vais te porter un coup... COLARDEAU, riant. Oh! ohloh! PONTBICHET, à part. J'ai encore dit quelque chose de drôle... (Haut.) Tu com- prends que je ne puis donner à ma fille qu'un homme ac- tif, intelligent, apte... COLARDEAU. Apte, oui, monsieur Pontbichet. (A part.) Cristi! que j'ai envie de dormir! PONTBICHET. Et sans vouloir faire tort aux qualités distinguées que tu as reçues de la nature... 358 UN JEUNE HOMME PRESSE. COLARDEAU. Monsieur, ça vous serait-il égal de causer de ^ demaiD matin?... PONTBICHET. Non, c'est tout de suite... j'ai résolu de soumettre ton intelligence à une épreuve... COLARDEAU Pas longue, hein? PONTBICHET. Colardeau, si un ami de Bergerac t'avait soufflé le crû de neuf étoiles, qu'est-ce que tu ferais ? COLARDEAU, cherchant. Si un ami de Bergerac m'avait soufflé... je me recouche- lais. PONTBICHET. Je vais te mettre sur la voie. Colardeau, dans quoi met- on le vin? COLARDEAU. Dans la cave, monsieur Pontbichet. PONTBICHET. Oui, mais dans quoi met-on le vin qui est dans la cave? COLARDEAU. Dans des bouteUles, monsieur Pontbichet. (▲ part.) Quelle drôje de conversation I PONTBICHET. Et avant de le mettre dans des bouteilles? COLARDEAU. Avant de le mettre...? (cherchant.) Voyons aonc... voyons ilonc... I SCËNE SIXIEME. 359 PONTBICHET. Dans des tonneaux. COLARDEÀU. Ah! oui. PONTBICHET. Eh bien? COLARDEÀU. Eh bien? (a part.) Quelle drôle de conversation! PONTBICHET. Il ne comprend pasl Colardeau, veux-tu que je te dise nne chose?... Tu ne seras jamais de Bordeaux, toi. COLARDEAU. Si c'est pour ça que vous m'avez fait lever... PONTBICHET. €'est pour te dire de ne plus compter sur ma fille. COLARDEAU. flein? PONTBICHET. Je t'ai donné ma parole, mais je la reprends, comme tout galant homme doit le faire. COLARDEAU. Allons donc! c'est impossible... j'aime votre fille... je l'idole... (a part.) Et elle donc!... (Haut.) Si vous saviez... (a part.) Pauvre cher homme I... je ne peux pas lui dire... PONTBICHET. Tu parles à un morceau de granit; mais continue. COLARDEAU. Ah çà! à qui voulez-vous donc la marier? PONTBICHET. A qui! à M. Dardar4, un jeune homme pressé IGO UN JEUNE HOMME PRESSE. qui vient de Bordeaux pour m'acheter quarante mille pai* res de gants. COLARDEAU. Dardard! ah! j'y suis! ahl j'y suis! une farce de mardi gras! On s'est fichu de vousl PONTBICHET. Comment? COLÀRDEAU. Eh ouil... Dardard, c'est un nom de carnaval... comme Chicard, Flambard, Musard... Pritchard. PONTBICHET. Quel soupçon ! COLÀRDEAU. Et puis un homme qui vi«nt de Bordeaux à deux heure? du matin acheter quarante mille paires... Les a-t-il payées? PONTBICHET. Non. COLARDEAU. Âh! fameux! à la chie-en-litl... lit!... lit! PONTBICHET. Vous vous oubliez, Golardeau... (a part.) Plus de doute!... Je suis le jouet d'un galopin ! DARDARD, dans la coulisse; Dépêchez-vous ! PONTBICHET. C'est lui... Ahl il ose revenir? laissez-moi... Ah.1 ah! je vais le railler à mon tour! je vais le cribler de sarcasmes... pointus! SGÊNS SIXIÊMB. COLARDEÀU. 3^1 Moi, à votre place, je lui mettrais des attrapes dans le dos... des rats... ça se fait en carnaval. PONTBICHET, le renvoyant. Va, va. COLÀRDEA.U. Cristil que j'ai envie de dormir! 1 ENSEMBLE. AIR: Quelle étrange aventure (l'Enfant de quelqttvu\. POrfTBICHET. % Je l'entends: du silence 1 Car de ma vengeance Voici le moment. Sans confident, Je confondrai ce garnement. Pars à l'instant, £t couche-toi tout doucement. COLÀRDEJLU. Je l'entends: du silence I Car de sa vengeance Voici le moment. Sans confident, 11 confondra ce garnement. Dans un instant Je dormirai profondément. Golardeau rentra à droit*»» N 1. 'Zi «p««< 362 \}y JEUNE HOMME PRESSE. SCÈNE VJI. PONTBICHET, DARDARD. DARDARD, entrant. Eh bien, ça marche là-haut ; j'ai choisi pour la chambre à coucher du velours amarante. * PONTBICHET, 8*approchaDt de Ini d'un air fin. Ah I je te connais, beau masque! DARDARD, dS>art. Qu'est-ce qu'il a donc? (Haut.) Quant au salon, je voulais vous consulter... PONTBICHET. As-tu ilni, portier? DARDARD. Mais, beau-père... PONTBICHET, gouaiUant. Ah çàl galopin, tu tiens donc toujours à épouser ma fille? DARDARD. Certainement; mais... PONTBICHET. Eh bien moi, je te tK)uve impropre à cet usage. DARDARD. Comment l'entendee-vous? ^ PONTBICHET. Tiens, tu n'es ga*un mari de carnaval, savoyard î SGËNE SEPTIÈME. 363 DÀRDARD. Tenez... vous avez bu quelque chose depuis mon dé- part... Pontbichet, vous doutez de moi, de mon amour? PONTBICHET. Énormément... petit Bolissonl • DÀRDARD, allant à la table et écrivant viyement quelques mots. Eh bien, je vais vous convaincre... (Revenant et lui présen- tant an papier .j Yoilàl... VOUS ètes convaincu? PONTBICHET. Qu'es^ce que c'est que ça? DÀRDÀftD. • Un reçu de la dot de votre fille, garante mille francs. -* PONTBICHET. Pour quoi faire? "^ DARDARD. Si je n'épouse pas, je suis obligé de vous les rembour- ser; c'est un dédit, une fiche... ôtes-vous content? PONTBICHET. Je comprends... mais alors c'est très-sérieux. DARDARD. Je compte gagner ça sur vos gantr. PONTBICHET. Comment I sur des gants à vingt sous? DARDARD. J'ai marchand à quarante-deux... en Angleterre. PONTBICHET. En Angleterre! mais, malheureux, vous vous égaref... 364 UN JEUNE HOMME PRESSÉ. DÀRDJIRD. Mon compte est fait. PONTBICHET. Et la douane anglaise qui perçoit un frane de droit par paii*el % DÀRDÀRD. Non, non, je ne paye pas ça, moi. PONTBICHET. Comment? DARDIRD. Vous allez me faire deux ballots : dans l'un vous mettrez tous les gants de la main droite, et dans Tautre tou9 ceux de la main gauche. PONTBICHET. Oui. DIRDJIRD. Vous expédierez le premier ballot sur Liverpool et le second sur Edimbourg. PONTBICHET. Oui, mais ça n'empêchera pas la douane de les saisir. DARDARD. Tant mieux I c'est ce que je demande. PONTBICHET. Ah bah I DARDARD-. , • Parce qu'alors je ne paye pas le port... C Mi am^A/ ^^ nomie. PONTBICHET. Oui, mais vous perdez vos gants 1 SCÈNE SEPTIÈME. 365 DARDARD. Allons donc, jeune brebis!.... Pontbichet, quel est l'u- sage de la douane auand elle saisit des marchandises? PONTBICHET. fUe les fait vendre sur place, c'est connu. DARDARD. Eh bien, moi, je les rachète... au tasi le prix que je veux... cinq francs le mille... des gants dépareillés, ça n'a pas de valeur. Je ne crains pas la concurrence. PONTBICHET. Cependant... DARDARD. A moins que la ville d'Edimbourg ne renferme qua- rante mille manchots... de la main gauche, ce qui est inadmissible. A Liverpool, môme jeu, je rapproche les deux mains et le tour est fait. PONTBICHET, au comble de Padmiration. Oh! oh, oh! tenez, je m'agenouille, je me prosterne... vous êtes le génie de l'industriel DARDARD. Ëhl non! je suis de Bordeaux. (A part.) Je lui ai mis la tête sous l'aile. PONTBICHET. * Monsieur, je ne veux pas d'autre maii que vous, et ma fille n'aura pas d'autre gendre... c'est-à-dire... enfin, j'ai votre engagement signé... je vous autorise à faire votre cour... DARDARD. Tout de suite... Où est-elle? PONTBICHET, indiquant la chambre, à gauche. Ici... mais plus tard... quand elle sera levée. 366 UN JEUNE HOMME PRESSE DÀRDARD. >u point OÙ nous en sommes... PONTBICHET. Auparavant il serait peut-être convenable de faire la de- mande à sa mère. DÂRDARD, dMn air de doute. Oh!... (Résigné.) Allous, j'y vais. PONTBICHET. Je vous conseille d'élever la voix, attendu qu'elle est un peu... DÀRDARD. Soyez tranquille, je vais lui beugler ma demande. ^PONTBICHET. Oui, ce sera plus honnête; allez, je vous rejoins. ENSEMBLE. 4 IR : QuadriUt de Paris la miO. DARDARD. A bientôt, « - Je reviens, et tantôt *" -©e sa fille Si gentille Je saurai bien toucher le cœur En lui parlant de son bonheur. PONTBICeET. A bientôt Son retour, et tantôt De ma fille Si gentilie n saura bien touchôv' le cœur En lui parlant de son bonheu?. SCÈNE HUITIÈMB. 367 DJLRDARD. Je veux d'une nourrice Choisir... l'amour intéressé. PONI'BICHET. Comment I sitôt une nourrice? Grand Dieul quel jeune homme pressa! REPRISE DE l'ensemble. A bientôt, Etc. Dardard entre au fond, à gauche, chez madame Poutbichet. SCÈNE VIII. PONTBICHET, COLARDEAU, là Voix de Dardard. COLARDEAU, sortant de la chambre, à Pontbichet. Eh bien, est-ce fait? l'avez- vous criblé? PONTBICHET. Oui, c'est arrangé!... c'est lui qui épouse... COLARDEAU. Dardard? DARDARD, dans la coulisse, très-haut. Je vons demande la main de votre fille. PONTBICHET. Tiens, le voilà qui fait sa demande en tremblant. COLARDEAU. Mais ça ne se peut pas... je suis le premier... Depuis i'>ne heure vous igirouettez... Pourquoi lui plutôt que moi? 368 UN JEUNE HOMME PRESSÉ. PONTBICHET. Pourquoi ? Golardeau, si tu avais des gants A envoyer en Angleterre, qu'est-ce que tu ferais? COLIRDEÀU. Moit... je les mettrais aux messageries. PONTBICHET. le vais te mettre sur la voie... Tu en ferais deux bal- lots... dans Tun... (Changeant d'idée.) Non, c'est trop fort pour toi. DARDÀRD, dans la coulisse, plus haut. Je VOUS demande la main de votre fille ! UNE VOIX DE VIEILLE FEMME, répondant. J'ai mes pauvres... je ne peux rien vous faire 1 PONTBICHET. Tu vois... ils sont à peu près d'accord... cependant je vais lui donner un coup de main... Adieu, Colardeau. COLARDEÀU. Mais écoutez-moi : si vous connaissiez mon amour... PONTBICHET, de la porte. Je m'en bats complètement l'orbite... Adieu, Colardeau. Il entre chez sa femme au fond, à gauche. SCÈNE IX. COLARDEAU, seul. Ah! tu t'enJ>ats l'orbite! c'est ce que nous allons voir... Mais malheureux! tu ne sais donc p€is que ta fille... je l'ai entraînée au bord d'un précipice couvert de fleurs... SCENE DIXIEME. 369 dtix environs cre Loches, une sous-préfecture... Indre-et- Loire... Voilà des faits! Quant à ce M. iy>ffdaru; je vais lui écrire... pour lui donner des détails. C'est ça. (D ta met à la table et écrit.) « Monsieur, je VOUS apprends... » jparié.) Combien mettent-ils de P à apprendre?... trois P s'il en trouve delrop... il en ôtera... Il continue à écrire. SCENE X. COLARDEAU, DARDARD. DARDARD, sans voir Golardeau. Aht j*en ai mal à la gorge... c'est éreintant de se dé- battre comme ça avec une sourde... Elle est l£ddel... c'est étonnant, avoir une fille aussi jolie... Après ça, la nature se plaît aux antithèses. AIR : Partie et Revanche, D'où nous vient l'odorante roser De sa graine on cache le nom. D'un ognon l'iris est éclose, C'est bien pis pour le champignon I J'en rougis pour le champignon ! Nous devons, hélas I aux chenilles Le papillon, si beau, si frais... £t pour avoir de belles filles, Il faut greffer... des Pontbichets ! COLARDEAU, écrivant sans voir Dardard. Un enfant... (Cherchant.) Combien mettent-ils d'F à en- iant .. I. 21. 370 UN JEUNE HOMME PRESSÉ. DÂRDÀRD, Tapercevaiit, à part. Tiens I un musulman I COLARDEAU, à lui-méma. Trois! il en ôtera. Il continue d'écrire. DARDARD, à part. Il ne me voit pas... ma fiancée est là... si je pouvais prendre un petit à-compte... par le trou âe la sernu»e.. (il regarde à gauche du premier plan et recule épouvanté.) Ciel I COLA R DE AU, continuant d'écrire. Entrez... DARDARD. Qu'ai-je vul... ce n*est pas celle-là... je me serai trompé de porte... j'aurai suivi un autre père, je serai monté der- rière un autre fiacre,.. Et moi qui ai signé... Ahl malheu- reux Dardard ! COLARDEAU, se levante* Dardard! c'est vous?... DARDARD. Oui... Bonjour... Allah! allah! COLARDBAU. Et moi qui lui écrivais... Dieu est grand! DARDARD. Et Mahomet est son prophète! Allah! allah! (a .Uii-mème.) Que faire? C'est qu'elle ressemble à sa mère, la malheu- reuse!... c'est ime PQntbichet!... mal greffée. COLARDEAUy lui présentant sa lettre ouverte. Monsieiu», hsez ça!,,, ça vous intéresse... iCENË DIXIEME. 371 DARDARD. ^oûi.. . si c'est pour affaire... je suis sorti. COLARDEAU. Lisez... ille faut! DÀRDARD. Ahl... oui, bon Turc. (Jetant les yeux sur la lettre.) Ciell qu'ai -je lu? un enf... il ne manquait plus que ça! ma si tuation se déreloppe... elle fait des petits, ma situation' Et c'est vous... vous ne rougissez pasi... COLARDEAU. Ce n'est pas ma faute, c'est la nature qui est coupable. Je vas vous dire... c'était pendant les vendanges... et, quand on vendange on cueille du raisin... « J'en cueillerai plus que toi. . . — Pas vrai I . . . — Si. . . — Non. . . » Alors on se pique, on s'anime et... voilà comment ça nous est arrivé. DARDARD, d part. xMa foil Pontbichet n'est pas là... (Prenant son chapeau.) L» moment est bon... c'est le seul moyen. COLARDEAU. Que décidez-vous? DARDARD. Si l'on demande après moi, vous direz que je vais r«< venir, que je suis allé... me faire faire la barbe... au Kamtschatka! Bonjour 1 U remonte vivement 372 'JN JEUNE HOMME PRESSA. SCÈNE XI. COLARDEAU, DARDARD, PONTBICHET. PONTBICHET, arrêtant Dardard. Mon gendre, tout est convenu, ma femme consent... DÀRDARD, à part. Je suis pris. (Haut.) Certainement... monsieur Pontbi- chet... je suis très-heureux... parce que... COLARDEAU, à part. Comment I il persiste? DARDARD. Ce mariage... qui devait faire mon bonhem\.. tant de grâce!... de beauté!... Monsieur Pontbichet, avez- vous jamais regardé votre fille? PONTBICHET. Tiens ! DARDARD. Eh bien, regardez-la encore... (S^approchant da trou de la serrure de la porte à gauche au premier plan.) Et la main SUr la conscience, vous verrez que je ne puis pas... (Regardant.) Ciel ! (Avec joie.) C*est elle ! c'est elle ! COLARDEAU. Qu'est-ce qu'il y a?... • DARDARD. Ah çà, il y en a donc deux? une belle et... une autre? COLARDEAU, qui a regardé. Ah 1 c'est Thérèse I SCÈNE ONZIÈMJi. 373 ^ONTBICHET et DÂRDÂRD. Thérèse 1 é. COLARDEAU. Elle aura eu peur de l'orage, et sera allée se coucher chez sa cousine en rentrant du spectacle... Gaponne! DARDARD. Un instant 1... à qui appartient cette Thérèse? COLARDEAU. Cest ma sœurl DARDARD. TurcI je te demande la main de ta sœurl PONTBICHET. Comment?... DARDARD. S*il le faut, je me ferai Mahométanî COLARDEAU. C'est inutile... accordé! PONTBICHET. Ah çà. et ma fille?... Vous oubliez que j'ai un reçu signé de vous... DARDARD. C'est vrai... (a part.) Quarante mille francs pour s'étrd trompé de fiacre, c'est cher la course. PONTBICHET. Ce n'est pas que je tic nn? à vous... Il y a là Colardeau qui ne demanderait pas mieux... DARDARD. Colardeaul vous vous appelez Colardeau... de Loches 374 UN JEUNE HOMME PRESSfi. COLÀRDEAU. Indre-et-Loire... "*' DARDARD, à part. ■ Juste le neveu que je cherche... (Haut, à Pontbichet.) Mon- sieur, un Gascon n'a que sa parole : je remettrai la dof de votre fille (indiquant Goiardeau.) à SOU mari... Je la lui dois... PONTBICHET. A la bonne heure! COLARDEAU. Comment 1 généreux étranger... DARDARD, bas, à Colardaan. Plus une grammaire française. COLARDEAU. Pour quoi faire? DARDARD. Pour apprendre votre langue... avec deux P. COLARDEAU. Ah! il n'en faut que deuf?... que notre langue est pauvre! Eh bien, c'est Thérèse qui va être étonnée... ua mari, en dormant, elle qui arrive de Loches! DARDA RD, avec inquiétude. Ah ! elle est de Loches ! (a coiardeau, le prenant à part.) Dites donc? COLARDEAU. Quoi? DARDARD. Vous m'assurez qu'elle n'a pas vendangé? COLARDEAU. Non, mais elle devait commencer cette année. SGËNfi ONZiiMB. 315 OÀRDARD. Quelle chance ! PORTBCCHET. Ah çà» il est trois heures. .t si nous nous recouchions? COLARDEAU. Ça va. DARDARD. Recouchons-nous I «^OLARDEAU, à Dardaro. 11 y a deux lits dans ma chambre. DARDAf.D, regardant la f:hambre où est Thérèse. J'accepte... dn attendant mieux. Pendant ces ' dernières répliques, chacun remonte sa montre, puU Bà déshabille. Arrivés au pantalon, ils s^arrètAnt tous les trois. TOUS. Diable! DARDARD, au public. Soyez tranquilles, mesdames,., je suis un jeune homme pressé... mais modeste. gànon. AIR : Frère Jacques, H est rheure (Bis), Couchons-nous (Bis), n est temps d'éteindre (Bis) Les quinquets (Bis). PONTBICHET. Qher parterre, Pour te plaire... 376 UN JEUNE HOMME PRESSÉ. COLARirEAU. Ce soiivci Nous voici. DARDARD, un boageoir à la malB« Trois comme les Grâces, Gomme les trois Grâces. TOUS. Trois dindons. REPRISE Il est rheure, Ëtfi- flH D*0!T JEUNE HOMME PBK4SA. DEUX PAPAS TRÈS-BIEN ou LA GRAMMAIRE DE CHICARD COMÉDIE-VAUDEVILLE EN UN ACTE tepréceotée pour la première fois , à Paris , sur le théâtre du PAtAis-RoTAi, le 6 norembre 1844. OOLI.ABORATfiUa : M. LBFRANO PERSONNAGES P6UPARl)IIfy négociant, père de Cu&ille. TOURTEROT, propriétaire, père de César C£SAR, médecin. GELINOTTE, avoué. M É D À R D , domestique de Tourtarot. €AHILIF, fille de Poupardin. ACT&URS qui ont créé les rAlM. MM. LBMiifiL. G a A 8 s G T. Okrhaim. LACOCBRliaSi DUBLIIZ. Ulle JULIITTB. F^ scène se passe à Chfttelleraiilt. ■LiaAMb «N DEUX PAPAS TRÈS-BIEN OD LA GRAMMAIRE DE GHICARD Le thé&tre représente un salon avec trois grandes portes ouvertes au fond sur un jardin. — > Portes à droite et à gauche. — Chaises, fau- teuils, etc. SCÈNE PREMIÈRE. MÉDARD, seul; puis, TOURTE ROT. TOURTEHOTy en dehors, à droite, parlant à Médard. Enfin un déjeuner chicocandard 1 HÉDARD, près de la porte, à droite, répondant. Chicocandard... c'est clair... je comprends parfaite- ment... (Descendant la scène.) Eh bien, nonl... à présent que je suis seul... je peux m'avouer ça à moi-même... je n'y comprends rien du tout.'... mon nouveau maître a un si drôle de jargon I... Il parait que c'est depuis son voyage à Paris... Ahl il a de drôles de mots tout de môme: chicard... chicandard... chicocandard I... un vrai tinta- marre l... quoi... Si bien que je sui? toujours à me de- 1 380 DEUX PAPAS TRÈS-BIEN. mander ce qu'il a dit, trois quarts d'heure api-ès qu'il a parlé... C'est ma faute, bien sûr, c'est ma faute... TOURTEROT, entrant par la droite, un écriteau à la maitf Lai... voilà mon écriteau terminé... Médardl... M^DÂRD. Monsieur! TOURTEROT. Tu vas m'accrocher ça au-dessous du balcon. MÉDARD. Oui, monsieur. TOURTEROT, montrant Técritean. Qu*est-ce que tu dis de ça, toi? A brocanter , joli petit bazar entre cour et jardin. MÉDARD. Vous avez un bsizar à...? TOURTEROT. Mon bazar ou ma souricière, comme tu voudras. né DARD, bêtement. Ah! TOURTEROT, limitant. Ah !... Il ne comprend pasi... quel serin que ce Médard! Mais je te pardonne... tu n'es [pas forcé de connaître les progrès de la langue; tu es de Ghâtellerault... il faut te parler le patois de Ghâtellerault... Toi, tu mettrais tout bêtement : A vendre, jolie petite maison, entre cour et jardin, MÉDARD. Vous vendez votre maison? TOURTEROT. Oui, je... certainement, (a part.) C'est une couleur, mais qu'il l'ignora SCENE PREMIÈRE. 38f MÉDÂRD. Eh bien, franchement, je n'aurais jamais compris... TOURTEROT. Vous êtes si melons à Ghàtellerault! MÉDARD. Possible; mais, quand on s'adresse aux melons... qu'on veut être compris des melons, m*est avis qu'il faut leur parler le langage... melon. TOURTEROT. Cet esclave pourrait dire vrai... Alors, va prendre l'an- cien écriteau qui est dans le grenier... Mais que va dire mon fils à son arrivée, en retrouvant sa paternité si ro- cocotel HÉDARD. Votre fils? TOURTEROT. Oui, mon fils, mon moucheron, qui arrive aujourd'hui de Paris, le foyer du beau langage... Il m'appellera per- ruque... Ah! damel c'est qu'il en. pince crânement, lui!... Si tu l'entendais! quelle platine! MËDÀRD. A Paris, tout le monde parle donc comme ça? TOURTEROT. Tout le monde?... Ah! non; les gens de la haute seule- ment, ceux qui donnent le ton... Il y a dix-huit mcds, quand, j'ai été passer une quinzaine avec mon jeune homme, alors simple carabin, je sentais mon Ghàtelle- rault d'une lieue, j'étais ce que l'on appelle un vrai cru- chon; mais peu à peu je m'y suis mis, je me suis fait pré- senter dans les meilleures sociétés... Il y avait surtout un ami de César, un nommé le père Lahire... Ah! les belles 38!2 DEUX PAPAS TRES-BIEN. fêtes de nuit qu'il nous a données, celui-l]'., dans son pare, boulevard Mont-Parnasse ! .. . c'était prindar. . . illuminations à giomOy orchestre Muyard, moatagnef russes et g^^^^es municipaux... toutes les douceurs de la vie!... Ah! j^peux dire que j'ai goûté des plaisirs bien purs dans cette chau- mière I... J'y ai vu la jeunesse dorée, tout ce qu'il y a de plusflambart dans la capitale, et il m'en -est resté im cer^ tain vernis... Ah! si César n'avait pas cessé tout à coup de m'écrire, je dialoguerais aujourd'hui d'une façon un peu mouchique! llàDÀRD. Gomment 1 est-ce que, dans ses lettres, monsieur votre fils... ^ TOURTEROT. Il écrit comme il parle... Quel style! comme c'est fi- gnolé I... Tu n'es pas sans avoir entendu parler de madame Sévigné... Eh bien, franchement, ça la dégotte... Mais je ne sais pas pourquoi, depuis qu'il a été reçu docteur, depuis six mois environ... n-i, ni, fini, bonsoir à vos poules, plus de correspondance... Ëtmoi qui avais besoin d'être entretenu dans la chose... je me rouille... je me dé- gomme... je rentre dans mon vieux cabriolet. Il tire aae tabatière à portrait de sa poohe et prend une prise. M É D À R D , regardant la tabatière. Ah! la belle femme! TOURTEROT, flfttté. Tu trouves? Ehl ehl ehl... c'est mon épouse, la défunte à gapa... (u se désigne da geste.) Unasscz beau faciès, hein?... ça flatte un veuf... Allons, va mettre l'écriteau, val MÉDÀRD. J'y cours, bourgeois, j'y cours! n remonte. TOURTEROT. Comment, j'y coyra?... Arriva donc ici, toi, phéno- y SCÈNE DEUXIÈME. fHê^ mène... Dans le beau monde, on ne dit pas t ^e cours!...» on dit : « Je me la casse... » ou bien : « Je me la brise. » MÉDÀRD. Ça suffît, bourgeois... je me la brise. U sort par le fond. SCÈNE IL TOURTEROT, seul, regardant sa tabat\oie. Jobard! lui aussi, il croit que c'est ma femme... Allons donc! elle était grêlée... Mais, un jour, en passant devant le Mont-de-Piété, rue des Blancs-Manteaux... on vendait ceci... ça tieujt vingt-cinq grammes et ça flatte un veuf... adjugé à papa, (n prend une prise.) Lai... maintenant, M. Poupardin et sa fille peuvent aboûler quand bon leur semblera... 11 est cocasse, ce père Poupardin : pourquoi ne pas dire tout bonnement à sa fille : « Voilà... tu es d'âge à prendre un mari... j*y ai songé... j'ai trouvé ton blot... appuie-toi sur mon aile, et en roUte pour Châtellerault, nous allons piger le futur... » Eh bien, non... il lui faut des tournures... il a voulu Tamener ici sous prétexte d'acheter un bien-fonds... il veut qu'elle rencontre mon rejeton par hasard... qu'il lui fasse l'œil sans en avoir l'air, et que leur bonheur se bibelotte ainsi en douceur et comme sans préméditation... C'est une idée qu'il a, je la respecte... Quant à moi, j'ai tout uniment écrit à César: « Allons, ho! du lest!... au reçu de la présente, file ton nœud vers le toit paternel; j'ai levé pour toi une jeune poulette que je brûle de te conj oindre : c'est la fiJlA d'un homme très-bien, membre de l'académie d'Étampes, et qui a publié d'immenses travaux sur l'i grec et le point d'exclamation... Quant à la dot, cinquante mille balles. 384 DEUX PAPAS TRÈS-BIEN. ça doit l'aller, viens-y 1 » Et je Tattends, c'est bien plus natuTfc. * SCÈNE III. MÉDARD, TOURTEROT, puis POUPARDIÎ>l. MÉDA.RD| rentrant par la gauche. Monsieur, récriteau est perché. TOURTEROT. Et le déjeuner? UÉ^ARD. Sur le gril. TOURTEROT, à lui-même. Et mon fils qui n'arrive pas!... Où peut-il être?... MÉDARD, croyant qu*il n^a pas compris, en remontant. Sur le gril, monsieur. TOURTEROT. Quel haricot que ce MédardI POUPARDIN, sur le seuil, au fond. V Maison à vendre... » Je touche, ce me semble, au Dut de mes pérégrinations, (a Médard.)M. Tourterot, rentier? MÉDARD, lui montrant Tourte^^at. C'est ça, monsieur. POUPARDIN. Je viens pour... Timmeuble. Médard sort par la ^aueUe. SCÈNE TROISIÈME. 385 TOURTEROTy s^approchant vivement et gaiement de Poupardin. M. Poupardin, connu!... (ils se serrent la main.) Et VOtrO fiUe-. votre accessoire * ? POUPARDIN, mystérieusement. n était bon que je la laissasse un moment dans la car- "^ole... ayant une ouverture à vous faire seul à seul. TOURTEROT. Ah!... allez. POUPARDIN. Personne ne peut nous ouïr? TOURTEROT. Personne. POUPARDIN, mystérieusement. J'éprouve le besoin de me mettre à nu devant vous. TOURTEROT, étonné. Ah!... allez. POUPARDIN. Monsieur, pères tous deux, nous nous distinguâmes, nous nous écrivîmes, nous nous convînmes, et bientôt nous caressâmes un projet d'alliance entre votre fils et ma... TOURTEROT. Et votre unique. POUPARDIN. Précisément; mais, avant de perpé?trer ledit projet., je dois vous dire que ma fiJle unique n'est pas mon seul enfant... Il peut m'en surgir un nouveau d'un moment & L'autre. 1. A tous les mots excentriques de Tourterot, Poupardin doit marquer, avant toute réponse, un étonnemcnt comique. l. 22 386 DEUX PAPAS TRËS-BIEN. TOURTEROT. Qu'importe? Dans notre famille, nous ne tenons pas à la monnaie ; vous couperez le gâteau en deux, voilà tout... Et où est-il, ce jeune biberon? POUFÀRDIN. Plait-il? TOURTEROT. L'autre, le nimiéro 2. POUPÀRDIN. L'autre? je l'ignore... (atm fatuité.) Gela tient à des cir<> constances... TOURTEROT. Ahl gaillard! POUPARDIN. • J'étais garçon, alors, monsieur, et voyageur de com- merce. Or, vous savez que, dans cette arme... Mais je ne sais si je dois... TOURTEROT. Allez doncl... je ne suis pas chipie, faites votre jeu. Air : Songez donc que vous êtes vieux. Pour bien élever son enfant Faut avoir connu la bamboche; On est toujours plus indulgent Lorsque l'on n'est pas sans reproche. Du cœur on pardonn' les écarts Quand pour l'amour on fut précoce.., Et, pour bien marier ses moutards, Il faut qu'un père ait fait la noce. POUPARDIN. Au fait, vous pourrez peut-être m'aider à saisir certain fil... Il j a de cela vingt-six ans, un soir, à Châtelle- rault... SCÈNE TROISIÈME. 367 TOUHTEROT. A Châtellerault ? ici? Ah! mais ça me pique... je com- mence à être piqué... POUPARDIN. Dans l'intention évidente d'échapper aux douceurs de ce chef-lieu, plus célèbre par sa coutellerie que par son architecture, j'allais prendre la dihgence. A cet effet, en- veloppé d'un carrick, et ma valise sous le bras, je longeais un sentier obscur que je n'hésiterai pas à quahâer de ruelle... TOURTEKOT. C'était la grande rue. POUPARDIN. Lorsqu'une petite porte s'ouvre à ma proximité... une voix flùtée en sort et articule : « C'est toi, Arthur ? » Je me nomme Edgard I... Mais, comme le timbre était flatteur, je réponds : « C'est moi, Arthur I » Qu'eussiez-vous fait à ma place? TOURTEROT. J'aurais coupé dans le même pont... d'autant plus qu'Arthur, c'est le petit nom à papa. Il se désigne. POUPARDIN. Ah!... Je franchis le seuil, le cœur plein d'émotion et ma valise sous le bras... (Avec gaillardise.) Que vous dirai* îe?... TOURTEROT, gaiement. Rien de plus... Compris! POUPARDIN. Quelques instants après, une lumière voisine vint, hélas l trahir mon incognito... A la première lueur, de ce gaz 38d DEUX PAPAS TRÈS-BIEN. inattendu, la belle inconnue poussa un cri... Ah !... Arthur, c'était un autre voyageur qu'elle attendait, TOUBTEROT. Cest pénible! . POUPÂRDIN. Je fis de vains efforts pour la calmer... elle se révolta, s'emporta, se gendarma, et... TOURTEROT. Et elle vous flanqua à la porte... POUPARDIN. Juste!... J'en fus navré... d'autant plus qu'en débouchant chez MM. Lafitte et Gaillard, je m'aperçus que j'avais omis ma valise. TOURTEROT. Fichtre!... Elle contenait des valeurs? POUPARDIN. Trois pantalons de nankin et une redingote de boura- can... Déjà j'en avais fait le sacrifice, lorsqu'un an après... elle vint me rejoindre à Étampes..; TOURTEROT. Votre inconnue? POUPARDIN. Non... ma valise. TOURTEROT. Avec son contenu? POUPARDIN. Amplifié d'un billet ainsi conçu : « Ne cherchez jamais à me connaître... Une démarche indiscrète pourrait compromettre l'avenir de notre fils. » ue notre filsi Si^né... SCÈNE TROISIÈME. dBS» TOURTBROT. Signé? POUPARDIN. Trois étoile». TOURTEROT. Nous n'avons personne de ce nom-là I POUPARDIN. Je me conformai scrupuleusement à ce vœu. J'avais ma valise et... Mais, en revoyant Ghàtellerault, je n'ai pu me défendre d'un certain tiraillement... Est-ce l'espérance qui m'agite?... TOURTEROT, avec doute. Oh! POUPARDIN. Est-ce le cahot de la voiture?... TOURTEROT, affirmant Ah! POUPARDIN. Je l'ignore... Mais je vous devais cet épanchement. Maintenant; parlons d'autres choses... Voyons... ce ma- riage... TOURTEROT. 11 vous, bottera... D'abord, voyez-vous, pour ce qui es* du César... MÉDARD, introduisant Camille par le fond. Voici, mademoiselle. n sorC POUPARDIN. Chutl... ma miel I 22. 190 DEUX PAPAS TRËS-BIEN> SCÈNE IV. CAMILL'É, POUPARDIN, TOURTEROt CAMILLE. Je TOUS dérange? POUPAIIDIN. Jfais non! viens donc! (La prenant par la main.) Permettes que je vous présente ma ûlle. TOURTEROT» saluaut. Mademoiselle... (Bas, à Poupardin.) Chique!... très-chique 1 POUPARDIN, étonné. Hein?... TOURTEROT. Je dis : chique, très-chique. POUPARDIN. Elle désirait que je la promenasse... j'ai pensé qu'il était bon que je m'exécutasse et que je l'emmenasse... TOURTEROT, à part. C'est un subjonctif à jet continu que ce beau-père. POUPARDIN. Afin qu'ensemble nous vissions, nous décidassions et nous terminassions... TOURTEROT. L'acquisition... (a part.) Il parle conîme Napoléon... Landais. POUPARDIN. Mais avant tout... ji SCÈNE CINQUIÈME. 391 TOURTEROT. Avant tout, nous casserons bien une petite croûte. POUPARDIN. Soit, j'obtempère à ce vœu. TOURTEROT, appelant. Médard! (Médard paraît.) Allons, Médard, en avant la go- bichonnade ! MÉDARD, à la droite de Tourterot. On y est, bourgeois. Fausse sortie. TOURTEROT. Et puis tu passeras chez maître Paillotet, le notaire. Tu fui diras qu'il vienne tout de suite. MÉDÂ.RD, revenant à la gauche de Tourterot. Ouil dar... dar... quoil... dar... dar... Il sort par le fond. TOURTEROT. C'est ça : dar... dar... Eh bien, mais il va ce petit... il va très-bien. SCÈNE V. CAMILLE, POUPARDIN, TOURTEROT. TOURTEROT, prenant Poupardin à part. Dites donc, elle nous gêne pour causer, ^votre demoi- selle; est-ce qu'elle ne va pas se pousser un peu d*air? POUPARDIN. Hein? 392 DEUX PAPAS TRÈS-BIEN. TOURTEROT. Elle nous embarrasse, 6tez-la. (Faisan* le geste da âepUe««r quelque chose.) Otez-la. POUPARDIN. Ahl très-bien I... un tour de jardin, très-bien!... TOURTEROT. Ça peut se dire aussi comme ça. POUPARDIN. C'est rationnel... TOURTEROT. Et champêtre. POUPARDIN, à sa fille. Dis donc, Camille... dans l'hypothèse oii la sérénité de la température t'inviterait à... CAMILLE, avec une ingénuité maligne. A m'aller promener... Mais, papa, j'aime mieux rester, si cela vous est égal... POUPARDIN, avec embarras. Gomment donc I... CAMILLE, remontant. Parlez de vos affaires... je n'écoute pas. POUPARDIN, bas, à Tourterot Aurait-elle levé notre lièvre? TOURTEROT. J'en ai. le trac. POUPARDIN. Dépistons-la. (Haut.) Et la contenance de cet îmmeubi* est de...? SCÈNE CINQUIÈME. Jn TOURTBROT. Vingt-duix ares trente-trois centiares... ce qui ûouf donne... CAMILLE y rerenant entre eax* Bien du mal pour me cacher une chose que je sais par- faitement. POUPA.RDIN. Et quoi donc, s'il vous plaît, ma fille? CAMILLE. Ne faites donc pas le discret : ma tante m'a tout dit avant de partir... Je sais qu'il s'agit d'un mari. TOURTEROT. C'est nous qui posions.. ^ Elle est bonne, je la trouve bonne, la petite. POUPARDIN. Comment 1 ta tante...? Ahl c'est mal, je vitupère son in- discrétion... Enfin, monsieur, nous pouvons nous ouvrir, maintenant qu'elle sait tout. TOURTEROT. Ouvrons-nous, ça me chausse. POUPARDIN, à part. Cet homme a une façon d'exprimer sa pensée qui con- fond mon intellect. TOURTEROT, à Camille. Primo, d'abord, et d'un, j'ai l'honneur de vous présen- ter votre futur beau-père, un petit gris qui n'est pas en- core trop déchiré, comme vous pouvez voir. CAMILLE. Ah! c'est monsieur votre fils... TOURTEROT. Lui-même... un amour d'homme... Vous m'en direz de» nouvelles. 394 DEUX PÀPÂ8 TRÈS-BIEN CAMILLE. Ahf... c'est un Joli cavalier?... Et... est-il bien pâle?... TOURTBROT. Je ne pourrais pas vous <}ire... parce que, comme il a une barbe qui lui prend depuis là... jusque-là... mais il doit être pâle... en dessous. POUPARDIN. Et sa clientèle?... j'aimerais assez que vous touchassiea cette corde. TOURTEROT.' Sa clientèle?... Ahl damel... dans le commencement, il y a eu du tirage... mais, maintenant, ça boulotte, sur- tout depuis qu'il a mis une queue à son nom... depuis qu'il se fait appeler le docteur Césarius... vous compre- nez. César, Césarius... Il s'est fait Polonais, parce qu'à Pa- ris, en médecine, si on n'est pas un peu Polonais... Il est si ficelle, mon jeune homme... (a camuie.) Vous verrez comme il est ficelle. CAMILLE, étonnée. FiceUe! Ficelle 1 POUPARDIN. CAMILLE. Et, à Paris... un docteur... ça se met bien, Ti'est-ce pas... ça suit la mode?... TOURTEROT. Ah I pour ce qui est de la tenue... tout ce qu'il y a ^e plus verdàtre : pantalon écossais, burnous algérien, béret montagnard, la blague en sautoir et la bouffarde aux gencives. Quelle sensation il a faite à Chàtellerault la dernière fois qu'il est venu me voir!,., on louait des fe- nêtres pour le voir passer. Mais aussi quelle bouffarde 1 SCENE CINQUIÈME ^ 395 POUPÀRDIN. Boufifardeî Qu'entendez-Tous par ce substantif? TOURTEROT. Sa bouffarde?... c*est Dagobert, sa pipe favorite, ainsi nommée parce qu'elle est culottée. POUPARDIN. A Tenvers? TOURTEROT, riant. Farceur I... Ah! c'est qu'il est très-voluptueux sur les pipes... Faut voir chez lui, il en a mis partout, jusque dans la bouche de ses tètes de mort CAMILLE. Il a des tètes de mort? TOURTEROT. Dans tous les coins... C'est gentil, ça meuble. CAMILLE. Ah! l'horreur I TOURTEROT. Non... je vous assure que ça fait très-bien, surtout à oôté d'un petit écorché. CAMILLE. Ahl mon Dieul... un écorché aussi? TOURTEROT. En cire... Ah! le bel écorché I... c'esl; parlant; et puis c'est commode... ~ On entre, on ne sait où placer son cha- peau... (Il fait le reste.) Flac! CAMILLE. C'est épouvantable . on écûirchô!... Ahl papa, je n'é- pouserai jamais un éeorçhél 3M DEUX HâPAS très-bien. poupârdin. Mais compP6.nds donc, puisqu'il est médecin, (Xhx^ est pour lui d'utilité professionnelle. TOURTEROT. G*est avec ça qu'il a appris à disséquer. CAMILLE. 11 dissèque? TOURTEROT. Comme un ange!... et il vous coupe une jambe que c'est un plaisir; psiti c'est faitl... On ne s'en aperçoit que lorsqu'on veut marcher... dit-on. CAMILLE, à part. Quel horrible portrait I TOURTEROT, à part. J'espère que je le fais mousser. CAMILLE, à Poupârdin. Allons-nous-en, papa, je ne pourrai jamais consentir... POUPARDIN. Permets, ma fille... les bienséances, les convenances... (a Tourterot.) Monsieiu», j'apprécic comme je le dois l'hon- neur... TOURTEROT. Ne parlons pas de ça... J'ai fait prévenir M« Paillotet le notaire, et... POUPARDIN. Mais, avant d'aller plus loin, il serait opportun, je crois, que nous appréciassions... TOURTEROT. Le futur?... Je la partage, monsieur, j'y abonde... Mais comment doncl... il va venir, vous pourrez l'allumer LJl. SCÈNE SIXIÈME. ^^"^ BOUS toutes ses faces... Ohl mais je suis bien tranquille... il vous emj: aumera. • POUPARDIlf. Vous dites, monsieur? ^ TOURTEROT. Vous serez paumé, je ne vous dis que ça, vous serez paumaqué. POUPARDIlf, Paumaqu6I SCÈNE VI. CAMILLE, POUPARDIN, TOURTEROT, MÉDARD. MÉDARD, entrant par la gauche. Monsieur, le déjeuner est servi. TOURTEROT. Ahl ce n'est pas dommage... Et le notaire? MÉDARD. U va venir... il est en train de passer son liabit noi^. TOURTEROT. Très-bien! POUPARDIN, à part. Ahl ce pauvre notaire qui va se déranger. TOURTEROT. En attendant, allons toujours tortiller. « POUPARDIN. Qu'est-ce que vous vouiez tortiller, monsieur? 1. sa m DEUX PAPAS TRÈS-BIEN. TOURTEftOT. Des alimenta... des comestiblel(... POUPARDIlf. Ah! vous voulez dire satisfaire les oi^aiies Buteit^f..r Viens, Camille... CAXILII. Mais, papa... POUPàRBIN, bas. Bahl cela n'engage à rien. (Haut.) Ma fille et moi sommes prêts à faire honneur à votre collation. ENSEMBLE à^.R : Dansons, et même aux cloisons f Trois péchés au TOURTEROT. Chaud, chavi4> Pendant qu'il est chaud, nfaut Presbto uu déjeuner d'aç»a»tl • Un sot Pourrait seul rester manchot Tantôt £hi face de mon fricot ! POUPÂRDIN et CAMILLB Chaud, ehaud, Pendant qu*U est chaudj, Il faut Prendre un déjeûner d'assaut! Bientôt Nous allons dire au galop Un mot A oe (ju'il nomme un fricot I SGÊNfi SEPTIEDIS. ^9 Boird sans ver^ognif Un Bourgogne Qui cogne C'est pectoral Et ça garnit l'bocal. ENSEMBLE REPRISE. Chaud, chaud, Etc. 1\m sortit pat Ift gtiwli*» SCÈNE VU. MËDARD, seul; puis POUPARDIN. Ti^99S,iisvQi9jt.c|éj«im6jrL.. Q suffit doQc d» se^^és^ter comme acquèraux pou? ^e. Invité ^...? C'est boa à savoir; quand je serai sans place, j'irai marchander des pro« prîétés. POUPARDIN, à part, en entrant. Décidément je me fais im vrai scrupule de déplacer inutilement cet officier ministériel, (a Médard.) Jeune homme, vous venez de chei?. mait?^ Paitlotet? UÉDARD. Le notaire... oui, monsieur... un fameux notaire, aile?! U ne fonctionne jamais qu'en habit noix. ^ 400 DEUX PAPAS TRËS-BIEN. POUPARDIN. Eh bien, auriez-vous Textrême obligeance de vous j iransporter incontinent ? MÉDARDi faisant mine de sortir. J'y cours! POUPARDIN. Pour lui dire?... . MÉDARD, même jeu. Qu'il se dépèche. POUPARDIN. Au contraire, pour le prier d'ajourner indéfiniment sa 'visite. HéDARD. liens! (Haut.) Ça suffît, monsieur, je me la casse. POUPARDIN. La! comme ça, je déjeunerai sans perplexité; cû pauvra notaire! 11 sort. HÉDARD. Il parait que la souricière ne leur sourit pas... et pour- tant, ils déjeunent : ce sont des pique-assiettes. SCÈNE VIII. GELINOTTE, MÉDARD. GELINOTTE, entrant, un paquet de lettres à la mala^ Je les ai vus^ntrer ici... j'en suis sûri If SGËNE nUITIËME. 401 MÉDARD, à part. Le nouvel avoué de Châtellerault! Viendrait-il aus^l pour la maison? GELINOTTE, à part. Un domestique... tâchons de savoir... (Haut.) Dites-mo^ jeune indigène; ils sont ici, n'est-ce pas? MÉDARD. Ici, qui? * GELINOTTE. Un monsieur d'un âge... chauve... et une jeune per- sonne d'une tournure... . MÉDARD. Oui, monsieur, oui... ils déjeunent. GELINOTTE. Âhl ils déjeunent ?« MÉDARD. Oui; et je dois vous prévenir que leur intention est aussi d'acquérir. GELINOTTE, à part. D'acquérir... qu'est-ce qu'il chante là? (Haut.) Pourrîez- Tous me fournir quelques renseignements? MÉDARD. Volontiers... je crois que ça fera votre affaire... position magnifique... et assurée. GELINOTTE. d'est une bonne chose, parce que les assurances... et puis, je la crois gaie. MÉDARD. Très-gaie... Ah! dame, vous savez... il y a des jours de souffrance! 102. DEUX PAPAS TRËSDIEN. GELINOTTE. Qu'est-ce qui n'a pas ses jours de souffrance! HÉDÀRD. Pourvu que ça soit bien bâti et que ça ne fume pas... GELINOTTE. Parbleu! MÉD>ARD. Ahl dame, c*est qu'à Ghàtellerault elles fument toute& GELINOTTE. C(»nment! les demoiselles...? tÉDARD Eh non ! les maisons. GELINOTTE. Je vous parle demoiselles, et vou«me lépondeE..* MÉDlllD. Mais nonl c'est ïnoi qui vous parle maison et vont qui... Ne venez-vous pas pour acheter la propriété ci-in- cluse? GELINOTTE. La propriété?... (a part.) Elle est à vendre!... an fait, ça me fournit une entxée, etje verrai par moi-même... (Haut.) Eh bien, oui, puisqu'on ne peut rien vous cacher, j^ viens pour acquérir. MÉDARD. Alors, vous aUez déjeuner. GELINOTTE. Moi, Gelinotte? MÉDARD. Vous, Gelinotte ; vous venez pour voir la propriété» VOUS SCÈNE NEUVIÈME. WS vent^ "pùXLT Tacheter... pour iors, allez vous mettre à table... c'est Tusage du pays. GELINOTTE, gaiement. Du moment que ça fait partie du cahier des charges.. MÉDARD. Allons, dépêchez- vous... Tenez, par là... Moi, j'ai une commission à faire, et, comme ça presse... bon appétit! je me la brise!... Il sprt. SCÈNE IX. GELINOTTE, seuU C'est elle, plus de doute!... elle que j'ai rencontrée à Étampes, il y a quelques mois... elle que je retrouve à GhÂtellcrault, avec son cœur, avec sa dot... tous deux, je l'espère, exempts d'hypothèques... En voilà un hasard!... J'étais là tranquillement sur la place, à causer avec le facteur, qui me remettait un paquet de lettres venant de Paris... tout im arrérage de correspondance qfue je me suis fait transmettre id, depuis que j'y ai planta me» lares... et que je lirai en temps utile... Tout à coup, deux êtres d'âge et de sexe différents frappent mes regards... l'un vieux et laid... c'était le père... l'autre blanche et rose, c'était la fille... Je quitte le facteur, je cours... je les ▼ois entrer ici, je me glisse comme un serpent... et je tiens leur trace... Mais qudie chance! la retrouver juste au moment où j'aurais tant besoin de quarante-neuf miU sept cents francs pour compléter le prix de ma charge. . ime charge de cinquante mille francs I... que je ne puiô pas payer en reconnaissances du Mont-de-Piétô. et je 404 DEUX PAPAS TRÈS-BIEN. n'ai pas d'autre papiev-monnaie... Il est vrai que le père m'a déjà refusé une fois sa main... mais, alors, j'étais sans charge... et, maintenait... je dois quarante-neuf miUe sept cents francs.., c'est uni) position, ça... Ohl il faut absolu- ment... AIR : Un homme pour faire van tableanim Je lui ferai sommatioi^ De prêter l'oreille à mon dire, D'admettre, par pr(îvision, L'amour que sa beauté m'inspire ; Elle invoque l'ajournement; Mais je plaide avec tant d'instance, Qu'enfin j'obtiens mon placement ÂTant la fin de l'audience. l\ remonta. SCÈNE X. CAMILLE, POUPARDIN, GELINOTTE. POUPARDIN, entrant par la gauche, suivi de sa fille. Je n'y peux plus tenirl... ce vieillard a une trivialité d'élocution qui me coupe l'appétit et m'intercepte l'œso- phage. 4ÏÉLIN0TTIÏ A part. <;'est elle I POUPARDIN, à Camille. Ft je doute que son fils te conduise jamais à l'autel. CAMILLE. m Et moi, je n'en doute pas, mon papa ; j'aimerais miQuz n'importe quil SCENE DIXIEA(E. 405 GELINOTTE, saluant. Monsieur, mademoiselle... CAMILLE. Monsieur Gelinotte! POUPARDIN. Que nous possédâmes à Étampes pendant le laps d'un mois. GELINOTTE. Lui-même. POUPARDIN. Comment cela vart-il? GELINOTTE. Mais pas mal, pas mal, surtout depuis que je suis avoué à Ghâtellerault. POUPARDIN. Ah!... je vous offre mes congratulations... Vous voilà sur im bon pied. GELINOTTE. Vous trouvez?... Eh bien, monsieur, maintenant, pour- quoi refuseriez-vous, pour votre fille, un mari qui serait sur ce pied-là? CAMILLE. Gomment! monsieur, vous pensez encore.^. . GELINOTTE. A vous? oui, toujours!... Est-ce qu'on peut oublier cet assemblage fantastique de toutes les grâces? POUPARDIN. Au fait, je me rappelle maintenant, à votre passage & Etampes, vous nourrissiez déjà l'espoir... I. 23. 106 DEUX PAPAS TRÈS-BIEN. ^ GELINOTTE. ' ^ Et je le nourris toujours, monsieur; je le no^M^s plus que jamais, aujoiu'd'hui. (av«c amabilité.) Sans savoir, hélas! si j'en serai plus grasl POUPARDIN, à part. La parole de ce garçon est fleurie... Il me plaît, parce qu'il est fleuri... (Haut.) Permettez, jeune homme, votre apostrophe, quoique brusque, n*est pas froissante, et j'a- voue tout d'abord que, si ma fiUe répondait... GELINOTTE. Oh! monsieur 1... je me leurre, peut-être... je me berce sans doute... mais il m'a semblé que, pendant mon court séjour à Étampes, mademoiselle m'avait écouté avec uae oreille... POUPARDIN, à sa fille, Bérieasement. Tu avais écouté monsieur avec une oreille?... CAMILLE, indifféremment. Oh! mon Dieu!... GÉLIKOTTE. Je croyais pourtant que vous m'aviez vu d'un ceîi... POUPARDIN, à sa ffllo. De quel œil avais-tu vu monsieur? CAMILLE. Ma foi, papa, M. Gelinotte ne me déplaisait pas plus qu'un autre. GéLINOTTB. Doux aveu! CAMILLE. Et pourvu que monsieur n'ait chez lui aucunt» téie dtt mort. . SGËNE DIXIEME. 4^7 GELINOTTE. Des têtes de mort, chez moi?... je n'ai que la mieiw^ ÎOUPARDIK. Parbleu! un avoué! CAMILLE. Pourvu que monsieur n'écorche periT&nef «ÉLiriOTTE. Moil POUPARDIN, gaiement Dame, un. avoué! ah! ahl GELINOTTE, riant. Ahl ah! ah!... c'est très-drôle! (a part.) CAMILLE. Je comprends qu'à la rigueur... POUPARDIN, i sa mie. Tu vas trop loin! (a Gelinotte.) Monsieur, j'apprécie, conmiejele dois, l'honneur... mais je n'engage pas ma parole... Seulement, s'il arrivait que vos affaires vous ap* pelassent à Étampes, je pourrais consentir à ce que vous nous y reconduisissiez... nous repartons aujourd'àui... Venez, cela vous est loisible. GELINOTTE. Vraiment? ah! monsieur, je prends acte de vos paroles et je cours de ce pas retenir trois places de coupé» POUPABPIWf ry condescendsl 108 DEUX PAPAS TRÈS-BIEN. SCÈNE X!. CAMILLE, POUPARDIN, TOURTEROT, GELINOTTE, puis CÉSAR. TOURTEROT, entrant parlagaache. — Trémolo à ^orchestra. Le voilai... le voilà!... je viens de l'apercevoir de ma ^nètrel POUPARDIN. Qui ça? TOURTEROT. Mon fils ! mon présomptif ! * GELINOTTE. Son présomptif! CAMILLE, effrayée. Ah ! papa, sauvons-nous I CâSAR, entrant, élégamment vèta et se jetant dans les bras doMo père. Mon père! ENSEMBLE AIR : - CÉSAR. Sans vous, là-bas ma vie Était remplie (Bis.) D'ennui mortel! J'ai pris la fuite. Et je m'abrite Sous le toit paterneU SCÈNE ONZIÈME. ^09 TOURTEROT et GELINOTTE. Sans nous, là- bas sa yie Était remplie (Bis.) D*ennui mortel! Mais par la fuite, César s'abrite Sous le toit paternel ! POUPARDIN et CAMILLE. Blâmant déjà sa yie, Je rai flétrie... (Bis,) Arrêt cruel ! Car, son mérite 'Dément bien vite Le portrait paternel I POUPARDIN. Comment! c*est là monsieur votre fils? TOURTEROT. Oui, sans doute... (a César.) M. Poupardin et sa fille. CÉSAR, saluant. Monsieur... mademoiselle... TOURTEROT, bas, i César. Allons, ho I du combustible ! CÉSAR. Excusez-moi de me présenter dans im pareil négligé... mais, vous le savez, les voyageurs ont des privilèges... CAMILLE, à part. n est beaucoup mieux que son signalement. CÉSAR. Et si quelque" chose peut me consoler de m'offrir ainsi ft vous avec tout le sans-gêne du débotté, c'est que les ri- 410 DEUX PAPAS TRËS-BIBN. gueurs de l'éliquette auraient retardé le bonheur que j'é- prouve à me trouvOT au milieu de vous. TOUaiEROT, i piH. Esl-il deTa:u jour où, après mon temps d'école, abordant tJie profession sérieuse, je résolus d'adopter des habitudes et des goûts sérieux ; du jour où, voulant entrer dans U monde pour m'y créer ime position, je songeai à en épouser le ton, les manières et le costume; du jour enfin où, voulant plaire à une jeune personne de bonne fa- mille, d'éducation distinguée, je compris qu'il me fallait fompre irrévocablement avec ^n cassé qui ne m'avait ktk DEUX PAPAS TRftS-BÏElf. offert que des distractions creuses et des plaisirs bonheur... POUPÀRDIN. Et un style sans orthographe... mais aujourd'hui*. CÉSAR. Aujourd'hui, l'habitué du quartier Latin a fait fihoè à Taustère docteur... celui-ci est ardent à Tétude, comme l'autre était ardent à la dissipation ; celui-ci n'a plus qu'un désir, c'est de se placer honorablement dans les rangs de la science et dans l'estime des honnêtes gens. POUPARDIN, allant à sa flUe. De l'éloquence, du jugement, une noble ambition et de la grammaire ! CAMILLE. £t de la tournure... (a part.) Quel dommage qu'il soit médecin! CÉSAR. . Et, maintenant que je vous vois, mademoiselle, que je comprends tout ce que vous méritez... j'aî bi«n peur de ne pas être encore digne de vous I CAMILLE. Ohl monsieur... (Vivement et allant A lui.) Yous ne pourriez pas vous faire avoué? CÉSAR. Avoué! FOUPARDÏN. Ohl... puisque monsieur a étudié la médecine, il n» peut pas... CÉSAR. m A moins de retourner à l'yole... de reprendre mesao- tienti^s habitudes... SGEiNE DOUZIÈME. 415 r.ATBILLE. Ohl non, non, monsieur... vous en savez assez... (Test que, médecin, c*est1bien vilain ! CÉSAR. £t pourquoi donc? CAMIIiLB. Vivre continuellement au milieu des crânes, des sque- lettes et dés messieurs écorchés! CÉSAR. Rassuree-vous, ce sont là des objets d'é(t) MÉDARD, essoufflé. Ah!... monsieur, j*ai vu maître Paillotet le notaire... il ne viendra pas. POUPARDIN. Ah! mon Dieu! moi qui ai contremandé... MÉDARD. n venait de passer son habit noir ; je lui ai dit la chose. .« alors, il a remis ^a redingote. POUPARDIN, à César. Je ne sais comment vous avouer... Ce fonctionnaire allait venir pour le contrat... et, ma foi... d'après les ren- seignements qu'on m'avait donnés sur votre personne, dame!... moi... je... Et... il a remis sa redingote?... CAMILLE. Que faire? CÉSAR. Eh bie!i, mais c'est facile... il n'a qu'à remettre son habit. CAMILLE. ÂÂl oui... c'est ça!... un habit, c'cfst si vite mis! POUPARDIN. Au fait! (a Médard.) Va vi*4» ^Hi dire de remettre son habit! SCÈNE K}UATORZIÊMB. ill MÉDARD, courant. Ah beni fth ben! ah benl... Il SCÈN^Ë XIV. CAMILLE, CÉSAR, POUPARDIN, lOURTEROT, pais GELINOTTE. FOUPÀRDIN, qui a fait quelques pas pour aocoiLipagner Médard. Mon cher gendre, croyez que je me félicite sincèrement... TOURTEHOT, entrant jpar la droite. Ahl ah! encore ensemble! (a Poupardin.) Eh bien, mais ça biche I II parait que ça biche I POUPARDIN. Il m'a plu, je lui ai plu... et, dès qu'un beau-père et un gendre se plurent . . TOURTEROT. Bravo! bravissimo!... Eh bien, vrai, la... ce n'est pas parce que c^est mon fils, mais vous aurez là lin gendre soignemuche ! GELINOTTE, qui est entré et a entendu ces derniers mots. Qu'entends-jel... comment, un gendre?... et les trois places de coupé que j'apporte? ■ * POUPARDIN, à Gelinotte.. Monsieur, je me dois à moi-même de vous téiLoigner lous mes regrets, mais c'est ma fille... Il montre Camille GELINOTTE, à Camille. Gomment! mademoiselle?.^ ^ 418 DEUX PAPAS TRÊS-Blflll. CAMILLE. Certainement, monsieur, je sw& dâisolétvv imUqBaut César.) Mais c'est monsieur... GELINOTTE, à César Gomment I toi, mon ami?... CÉSAR. Tu avais (Jonc des présentions sur mademoiselle?... U\ foi, mon cher, j'ignorai;s... ça m*affîige, mais... (Montran» Tourterot.) c'est mon père... GÉ.LIKOTTE^ A ToUrVwot. Cpzamentl wcM^isieur?... TOU&TBROT, 8*afp];ochan4 à» QéJltofttti Dq quoi?... Vous voulez aussi?... du fl^! GÉLIKOTTK. Mais permettez, monsieur}... TOURTE ftOT,. criant. La Marseillaise!... (oéiinotte remonte.) Q me bassine cet avoué 1 (a César.) Il me bassine! GÉSAR. Mon père, ça ne se dit plus 1 TOURTEROT. Non? Eh bien, il me traquemarde!... (a Gelinotte.) Vous metraquemardez.., voilai C^SAR. In^posçible de Tarrèter! GELINOTTE, él^mot la Y«Â&. Mais mes trois places de coupé?... j'en serai r^onc pour mes frais?... Un av'i«« MDt le personDA<;a. L'AFFAIRE DE LA HUE DE LOURGINE COMÉDIE BN UN AOTB, MÈLÉB DB 0OUPL8TS Beprésentée poar la première fois, à Paris, snr le théâtre daPÀLAI•-RoTA^ le S6 mars 1857. COLLABORATEURS : Mil* MONNIBR IT MARTIN 4 L PERSONNAGES AGTftUlit qui ODt créé let ViBHGLUMÉ, NBtitr. MH. JLnukh, HISTlNGtJE. HTACiiiTa FO TARD, cousiD de Lenglumé. P kll s ■ i ■. JUSTIN, domestique de Lenglamé. 0 c t à t b. RORINE, femme de Lenglumé. M** Ta/mer La aeène e«t à Paris, cbei Lengitts L'AFFAIRE DE LA RUE BE LOURGINE Le théâtre représente la chambre à coucher de Lenglumé. Au fond, lit fermé par des rideaux; lavabo, avec ses ustensiles. Cheminée, i( gauche, deuxième plan ; porte au fond, à la droite du lit ; porte à la gauche du lit. Portes au premier et au deuxième plan de droite; «haises, fauteuils, etc. SCÈNE PREMIÈRE. JUSTIN, puis NORINE.j Au lever du rideau, le lit est fermé par les rideaux JUSTIN, entrant à pas de loup. Monsieur dort encore... ne le réveillons pas. (Regardant i pendule.) Neuf heures I... Il est flâneur, monsieur... (n éter nue.) Gré rhume I... ça me tient dans le cerveau I NORIlf E, entrant sur la pointe des pieds. Elle tient un pot dd fabao et deux bouteilles. Eh bien, est-il réveillé? JUSTIN. Pas encore... Il est si flâneur, monsieur 1 434 L'AFFAIRE DE LA RUE DE LOURGINE. NORINE. Hein?... Je vous prie de parler avec plus de respecta JUSTIN. Ohl pardon l... Faut-il le prévenir que madame est là? NORINE. Gardez- Yous-en bienl... C'est aujourd'hui sa fête, à ce pauvre ami... et je veux lui faire une surprise... un pol de tabac; garni de maryland. Elle le pose sur la cheminée. lUSTIN, à part. Matin!... du maryland!... Je m*en ofiErirai une pipe. NORINE. Plus, ces deux bouteilles de genièvre... sa liqueur favo* rite. JDSTIN, à part. Je m'en offrirai aussi une pipe. (Haut, a'oabiiant.) C'est bien... posez ça là! NORINB. Comment! posez ça là? JUSTIN. Ohl pardon! NORINB. Je veux, au contraire, les porter dans le petit salon... De cette façon, il aura une surprise... en partie double, ce cher ange! JUSTIN, à part. Que cette femme est romanesque pour son embon- point. NORINE, prête à sortir. Ah! Justin, on a collé hier du papier dans le cabinet d« >. j SCÈNE PREMIÈRE. * monsieur... vous y allumerez ain réchaud P^^'^ ^ faire sécher. JUSTIW. Oui, madame. NORINB. Vous chercherez aussi le parapluie que j'ai emprunté au cousin Potard... un parapluie vert... avec une tête de singe... sa bonne est là qui l'attend. JUSTIN. Madame, faut que je brosse les habits. NORINE. Plus tard. JUSTIN. Cependant... f NORINE. Vous raisonnez toujours!... Je vous intime Tordre de chercher ce parapluie... c'est clair! B31e entre à gauche avec ses deax bouteilles. JUSTIif y seul, s'adressaAi à iâ porte. Zut!... zutl... zutl... Elle m*embête avec son parapluiel Prenons toujours les bardes de monsieurpourles brosser!.., (Prenant des vêtements sur une chaise.) Voilà SOU habit, SOn gilet, ses bottes... Tiens! elles sont crottées!... c'est cu- rieux, ça!... Monsieur qui n'est pas sorti hier... il est allé se coucher à cinq heures, en se plaignant d'un fort mal * de tête... Mais je ne vois pas son pantalon!... où est donc le pantalon?... (n trébuche contre une seconde paire de bottes.) Hein!... encore des bottes!... crottées!... ah! c'est curieux, ça ! (Apercevant d'autres vêtements sur une chaise.) Et UC second habit... et un regilet!... et pas le moindre panta lonl... Est-ce que, les jours de migraine, M. Lenglumé s'habillerait en Écossais?... Il j i quelque chose... (n 436 L'AFFAIRE DE LA RUE DE LOURGINE. étornae.) Gré rhume h. . J'aijoublié mon mouchoir!... Queje suisbète!... n prend un mouchoir dans ane des redingotes quUI porte, et m mouche très-fort à plusieurs reprises. LE N GLU Mi) qui se réveille, dans Palcôve. Oui est-ce qui somie du cor?... JUSTIN. Ohl j'ai réveillé monsieur! n se sauve vivement par la droite, troisième plan. SCÈNE II. LENGLUMEy seul, passant sa tète entre les rideaux. « Personnel... Tiens, il fait grand jour!... (ii se glisse en bas de son lit. Les rideaux se referment derrière lui. II a son pantalon.) Où est donc mon pantdon?... (Le regardant.) Tiens I je suis dedans!... Voilà qui est particulier!... je me suis couché avec... Ah! je me rappelle!... (Avec mystère.) GhutI madame Lenglumé n'est pas là... Hier, j'ai fait mes farces... Sa- priiBti^ que j'ai SOifl (U prend une carafe d^eau sur la cheminée, et boit à même.) Je suis allé au banquet annuel de l'institution Labadens, dont je fus un des élèves les plus... médiocres... Ma femme s'y opposait... alors, j'ai prétexté une migraine; j'ai fait semblant de me coucher... et v'ian! j'ai filé chez Yéfour... Ah! c'était très-bien... on nous a servi des gar- çons à la vanille... avec des cravates blanches... et puis du madère, du Champagne, du pomard!... Pristi, que j'ai soif!... (n boit à même la carafe.) Je crois que je me suis un peu .. poehardét... Moi, un homme rangé!... Tavais à ma droite un notaire... pas drMel et à ma gauche, un petit fabricant de biberons, qui nous en a chanté une passable- SCÈNE troisième: 437 ment... darbo t ahl vraiment, c'était un peu... c'était trop... Faudra que je la lui demande... Par exemple, mec idées s'embrouillent complètement à partir de la salade I (Par réflexion.) Ai-je mangé de la salade?... Voyons donc!... Non!... Il y a une lacune dans mon existence! Àh çàf comment diable suis-je revenu ici?... J'ai un vague sou- venir d'avoir été me promener du côté de l'Odéon... et je demeure rue de Provence I... Était-ce bien l'Odéon?... Im- possible de me rappeler I... Ma lacune! toujours ma lacune!... (Prenant sa montre sur la cheminée.) Neuf heures et demie!... (il la met dans son gousset.) Dépèchons-nous de nous habiller. (On entend ronfler derrière les rideaux.) Hein!... OU a ronflé dans mon alcôve I (Nouveaux ronflements.) Nom d'un petit bonhomme ! j'ai ramené quelqu'un sans m'en aper- cevoir!... De quel sexe encore?... Il se dirige vivement vers le lit. Norine parait. SCENE III. LENGLUMÉ, NORINE. NORINE. Eniin^tu es levél LENGLUMÉ, à part. Ma femme ! NORINE. Eh bien, tu ne m'embrasses pas? LENGLUMÉ. Chut! (a part.) EUe va le réveiller! NORINE. Quoi? 438 L'AFFAIRE DE LA RUE ftE LOURCINK. LENGLUMi. Rien I... Allons faire un tonr sur le boulevard. NORINE. Le boulevard 1 Tu n'es seulement pas habillé... Cette €gui*e bouleversée... est-ce que tu serais malade? LENGLUUÉ. Oui... je favoue que... Recouche-toi. (Appelant.) Justin! lenglumA. Ghuti... plus bas!... NORINB. Je vais refaire ton lit. Elle se dirige vers Palcôve. LE N GLU M É, la retenant. Non !... ça va bien... ça va mieux... c'était une crampe... Allons faire un tour sur le boulevard. NORINE, à part Qu*est-ce qu'il a?... (Haut.) A propos! tu n*as pas vu le parapluie du cousin Potard... «surmonté d'une tête de singe?... LBNGLUMi. Le parapluie?... non. (a part, se souvenant.) Ahl bigre I je l'ai emporté hier au banquet Labadensl... il sera resté dans ma lacune... près- de l'Odéon... NO RI NE, trouvant A terre un tour de cheveux. Qu'est-ce que c'est que ça? LENGLUMi. Quoi? SCÈNE TROISIÈME. 439 NORINE. Un tour de dieveux blonds I... Palsambleu! monsieur!. . LENGLUHÉy à part. Un tourl... Mais alors... (Regardant raio6v6.) c'est une femmet j'ai ramené une femme!... NOfilNE. Parlez, monsieur I... LE N GLU HÉ, vivemeat. €'est pour toi... un cadeau... NORINE. Hais j'ai des cheveux!... LENGLUMÉ. Oui... mais ils tomberont... c'est pour Fayenir !... On entend ronfler dans Palc6ve. NORINE. Beinl... quel est ce bruit? LENGLUMé, à part. Nom d'une trompe! (Haut.) c'est moi, c'est ma crampe... (Ronflant.) Cran!... cran!... ça vient de l'estomac!... NORINE. Voyons, dépêche-toi de t'habiller... c'est aujourd'hui le baptême du petit Potard... nous sommes parrain et mar- raine. Nouveaux ronflement*. LBNGLUMÉy il tape dans ses mains. A pari. On dit que ça les fait taire... NORINE. Qu'est-ce que tu fais là? 410 L'AFFAIRE DE LA RUE DE LOURGINE. LENGLUUÉ. J'applaudis... Tu me dis : « Nous sommes parrain et marraine, » et je réponds : « Bravo I bravo ! » NORINB. En vérité, je ne sais ce que tu as aujourd'hui!... Je vais achever de m'habillerl... Nous déjeunerons dans un quart d'heure. Elle sort par la gauche, deaxitaM plast SCÈNE IV. LENGLUMÉ, MISTINGUE. LE N GLU M É, coarant -ouvrir les rideaux. Madame!... Mademoiselle!... sortez!... HJSTINGUE, se réveillant Heinl... heul... Il a le nez très-rouge. LENGLUMé. Un homme! MISTINGUEy se mettant sur son séant. Qu'est-ce que vous demandez, monsieur? LENGLUUÉ* Gomment, ce que je demande?... Que faites-vous là... dans mon lit?... MISTINGUE. Votre lit?... (R«^rdant autour de lui.) Tiens!... OÙ suis-je donc ici? SCÈNE QUATRIÈME. ^ 441 LENGLUHÉ. Chez moi) monsieur I rue de Provence. UISTINGUEy sautant Tivemeni à bas du lit. Il a an pantalon! Rue de Provence ?. . . et moi qui demeure (/rès de FOdéon 1 LENGLUUé. Voyons, parlez! UISTINGUE. De quel droit;» monsieur, me retenez-vous prisonnier? LENGLUUé. Ahl je trouve ça joli, par exemple! MISTINGUE. J*espère que vous allez m'expliquer conmient je me trouve dans vos oreillers?... Je ne vous connais pas, moi! LENGLUUé. Ni moi non plus! (a part.) D*où tombe-t-il, cet animal- là? UISTINGUB. Sapristi, que j*ai soif t n Ta A la carafe et boit à même. LBNGLUUé. Eh bien, monsieur!... ne vous gênez pas!... (Tout à coup.) Aht quelle idée!... Pardon, jeune homme... n*auriez-vott3 pas banqueté hier chez Véfour? UISTINGUE. Oui... Qu'est-ce que ça vous fait? LENGLUUé. Alors, vous êtes un labadens... Moi aussi! UISTINGUE. Ahbahl I. 25. m L*AFFAIRE DE Ik RUE DE LOURCINE. LENGLUMÉ. Deux labâdensl... tout s*oxpliqueI Lenglumé I ... Oscar LcDglumé) ^ MISTINGUE. Âh! oui, une grosse bêtel LENGLUMi. C'est çal... il me reconnaît I mSTINGUB. Etmoi, Mistinguel LENGLUMÉ. . Ah I ^très-bien: un piocheurl... Il me* semble que j*y suis encore : premier prix de vers latins, l'élève Mistingue, aé à Chablis? MISTINGUE. C'est pourtant yrail... Est-on bète quand on est jeune I LENGLUMÉ, à part. Un prix de vers latins!... Il doit être dans une très* bonne position ce gaillard-là. VISTINGUfe, à part. U est crânement meublé t LENGLUMÉ, lui tendait la mai». Comment te portestu? MISTINGUE. Pas mal. Et toi? ' LENGLUMÉ. Ce brave Mistinguel MISTINGUE, Ce brave Lenidumô t SCENB; QUATRIÈMK. 443 LENGLUMâ, à part. C'est singulier comme il a le nez rouge! MISTINGUE, de méma. Vrai, je ne le reconnais pas du tout! LENGLUUÉ. €e brave Mistinguel MISTIKGUE. Ce brave Lenglumél LENGLUM^, à part. C'est drôle, quand on ne s^est pas vu d^uis vingt-sept ans et demi... on n'a presque rien à se dire. (Hapt.) Ce brave Mistinguel HISTINGUP. Ce brave Lenglmné! LENGLUMé. Mais explique-moi comment tu te trouves dans mon alcôve? MI6TIN6UE. Ça... je n'en sais rien... Je ne te cacherai pas qu'à pa^ tir du turbot, j'étais dans les brlndezingues... LENGLUMi. Moi, ça ne m'a pris qu'à la salade. MISTINGUB. Qu'avons-nous fait pendant ce lq>s? LENGLUUÉ. On ne le saura jamais. Tout ce que je sais, c'est que fai perdu mon parapluie... surmonté d'une tête de singe... MISTINGUE, gaiement. Conune moi, mon mouchoir... Nous avons peut-être commis des atrocités 1 444 L*AFFAIRE DE LA RUE DE LOURCINE. LENGLUMÉ. Moi, d'abord, j'ai le vin tendre... j'ai le falerne tendre?... comme dit Horace... Koratius!... MISTINGUE. Goclës... LENGLUMÉ. Non... Flaccusl Tu dois connaître ça,, un prix de vers latins! MISTINGUE. Faiblement ! . . . faiblement I . . . LENGLUMÉ. Sapristi I que j'ai soif I... II prend la carafe et boit à mftme. MISTINGUE. Dis donc, après toi la carafe. Lenglumé la lui repasse ; il boit à son toor. LENGLUMÉ. Ah çà! j'espère que nous ne nous quitterons pas comme ça? Deux labadens!... Tu déjeunes avec moi? MISTINGUE. Ça val LENGLUMÉ. OÙ ai-je mis la clef de la cave? (ii fouiUe à sa poche et eo retire une poignée de noyaux.) Tiens ! qu'est-Ce que c'CSt^Ufi ça? des noyaux de cerises! MISTINGUEy même jeu. Et moi, des noyaux de prunes! LENGLUMÉ. D'où vient cette plantation? SCÈNE CINQUIÈME. 445 MISTIN6UE. Ça m'intrigue! (Avec philosophie.) Après ça, qui est-ce qui n'a pas son petit noyau ici-bas? LENGLUMÉ, lai tendant la main, Mistingue y dépose ses noyaux. Merci de cette bonne parole I (a part.) Gomme il a le nez rouge 1 % SCÈNE V. Les Mêmes, JUSTIN, rapportant les redingotes et les paires de * hottes. JUSTIN, A part, apercevant Mistingue. Tiens, monsieur qui est deux! (Haut.) Monsieur!... LENGLUMÉ. Que veux- tu? JUSTIN. Je rapporte vos hed)its... MISTINGUE, à part. Il a un joli domestique! JUSTIN. Et les deux paires de bottes... (a part.) Par où est-il entré, celui-là? LENGLUMÉ. Tu mettras trois couverts... j'ai un ami à déjeuner... Dépêche-toi. JUSTIN. Tout de suite, monsieur, (a part.) Par où diable est-ii entra n son. 446 L'AFFAIRE DB LA RUE DE LOURGINE. SCÈNE VL L^S MÉHE8, bon JUSTIN. Tons deax s'asMjent et mettent lean bottes. LEN6LUMÉ. Dis donc, je vais te présenter à ma femme... mais ne lai parle pas du banquet Labadens. HISTIHGUBr Sois tranquille! (a part, entrant ses bottes.} Màtilii eUes sont justes I... c'est l'humidité I LENGLUHti, A part. On dirait que*lnes bottes se sont. élargies... c'est l'hu- midité I... (Haut, toat en sniabiilant.) Ah çITi tu dois être dans une jolie position, toi? un prix de vers latins? HISTINGUE, s'habillant. Oui... je n'ai pas à me plaindre... je suis chef... LENGLUMÉ. De division? Nonl... De bataillon? HISTINGUE. LENGLUMÉ. HISTINGUE. Non, je suis chef... LENGLUMÉ. Cnef d'une nombreuse famille? SGËNË SIX4ËMS. 447 HISTINGUB. Non, chef de cuisine. LEN6LUHÉ. Hein!... cuisinier? MI&TIlfGUE. ' Prète-moi tes rasoirs... je vais me faire la barbe. LENGLUUé. Ahl non... merci I... Ils sont cassés 1 (à part.) Cuisinier) Je suis fÀché de l'avoir invité I «ISTINGUE. Ah çàl dépèchons-nous de déjeuner, car, ce soir, je quitte la France. * LBNGLUHÉ. Gomment? UISTINGUE. Je vais dans le duché de Brunsmck. LENGLUMÉ.* Ah! te posséder si peul... HISTINGUE. Une place superbe!... Quatre mille baUesl... et^le beurre I LENGLTJMÉ, à part. Ahl qu*il est commim!... Si je pouvais le faire mangef à la cuisine 1 HÏSTINGUE, examinant sas mains qni sont toutes noires Ah! voUà qui est particulier! LENGLUUÉ. Parbleu! un cuisinier! 4i8 L'AFFAIRE DK VU nUE DE LOURCINE. MISTINGUEy apwMTant les mains de Lenglamé, qui sont noires aussi. Tiens I... LENGLUMé. Les miennes aussi!... D*où diable cela peut-il venir? (Fouillant A sa poche et en tirant un morceau de charbon.) Du chaf* boni... Tout à Theure, c'étaient des noyaux t... MISTINGUEy tirant aussi un moroeaa de charbon de aa pochtb Moi aussi ! moi aussi I LENGLUMÉ. Ab çà! est-ce que nous aurions fraterni9é cette nuit avec « des charbonniers? HISTINGUB. Foucbtra de la Gatarinal SCÈNE VII. Les MÊMES, NORINE, pais JUSTIN. NORINE. Eh bien, es-tu prêt? (Apercevant Mistingue, et bat.) Qud est ce monsieur? LENGLUUÉ. C'est... c'est un notairel M I ST I N GU E, i>as, A LenglumA. Superbe femme ! . . . Présente-moi. LENGLUMÉ. Oui... — Ma bonne amie... je te présente... relève Mis- tingue... né à Chablis... SGËNE SEPTIÈME. ^4* HISTINGUE. Et chef... LENGLUHé, vivement. D'une nombSBuse famille. (Bas.) Tais-toi donc 1 NORINE, salul.nt. Monsieur... MISTINGUB, de même. Madame... ^ JUSTIN, apportant la tabU. Le déjeuner est servi t UIS7IHGUE. Allons, à table! à table!... NORINB, à part. Comment, à table?... (Bas, a son mari.) Est-ce que tu l'as invité? LENGLUMÉ, bas. Que veuxrtu!... c'est un labadensl... un ami intime l,,^ Tu prendras garde à l'argenterie I NORINE. ilomment, à l'argenterie?... LENGLUH /i table! à table! AiR de r Ouragan, ENSÊMBLK A table ! à table yit« Ce repas *^^ L'AFFAIRE DE LA RUE DE LOURGINB. Aux mets déUo^ta, En vérité ^'excite. L'appétit Vaut mieux que l'esprit I NORINE, à part. Comme c'est agréable I... recevoir un jour de baptèmQl MISTINGUE, zna^gQimt. Voilà une sauce complètement ratée 1 IfORINE. Hein? MISTINQUE. Ce n'est pas pour me vanter; mais, quand je m y mets. . LENGLUMÉ, bas. xMais tais-toi donc ! (Haut, à sa femme.) T'en offrirai-je, ma louloute? NORINE, sèchement. Mercil puisque la sauce est mauvaise! HISTINGUE. Moi, je fais revenir mes oignons... j'ajoute un verre de vin blanc, et je tourne, je tourne... pour que ça mijote. « NORINE, à part. Quel drôle de notairel... (Haut.) Justin... donnez-moi le journal. JUSTIN, à part. Saprelottel... je l'ai prêté à la cuisinière dii premier, pour lire son feuilleton!... UISTINGUE. Vous ne mangez pas, madame Louloute? SCÈNE SEPTIÈME. . *^* n m'appelle Louloutef LENGLUBCli. C'est un lapsus... Un peu d*omelette? . -» ifORINE. Je n*ai pas faim. JUSTIN y prenant un journal qui enveloppe le pot A tal>&«>. En voilà un vieux... 1837... Après ça» elle ne lit que let chiens écrasés, ça n'a pas de date. Eh bien... ce journal?... JUSTIN. Vaici, madame. LENGLUMÉ, à Mistingue qui se verse du visu Voulez-vous de Teau? UISTINGUE. Jamais I... je suis au régime. LENGLUVlâ, à pari. Ceci m'explique son nez. Justin prend un plat et sorl. NO RI NE, qui a parcouru le journal. Ah! mon Dieu! quel épouvantable événement 1 MISTINGUE et LENGLUMÉ. Quoi donc? NORIME, Usant. « Ce matin, rue de Lourcine, la cadavre d'une jeune charbonnière a été trouvé horriblement mutilé... * 452 L'AFFAIRE ÛE LA HUE DE LOURGINB. LENGLUMÉ. C'est affreux!... Je reprendrai de Tomelette! mSTINGUE. Moi auBsil NO RI NE) continaant. « On suppose que les assassins étaient au nombre de deux... » LENGLUMé. Deux contre une femme I les lâches I... Elle est un peu salée. MISTINGUE. Trop. NO RI NE, continuant. « La justice est sur la trace des coupables, grâce à deux pièces de conviction... » LENGLUMÉ. Bravo ! c'est bien fait ! NORINE, continaant. «... Li'n parapluie vert, surmonté d'une tète de singe... » LENGLUMÉ et MISTINGUE. Hein?... NORINE. Juste! comme celui du cousin Potard. LENGLUMÉ, i part. Ah! mon Dieul NORINB. Et un mouchoir marqué : J. M. MISTINGUE. Ma marque I mes cheveux se dressent! SCÈNE SEPTIÈME. 453 N 0 R I N E , reprenant sa lecture. « ... Qu3 les deux bandits, qui étaient en état d'ivresse... » LBNGLUHÉ, à part. G*estbien ça! NORINE, achevant. (c ... Ont oublié près d*un sac à charbon que portait la victime. LENGLUMli. Du charbon I (Lenglamé et MUtingae regardent leurs mains noires et poussent un cri.) Ah! NORINB. Qu'avez-vous donc? LBNGLUMÉ et HISTHIGUE, cachant vivement leuri mains sous la table. Rienl... rienl... li'ORlNEf àMistingue. 9ne côtelette, monsieur? MISTINGUE. Mercil... mercil... je n*ai plus faim! NORINE. Et toi, mon ami? LENGLUMÉ. Moi non plus! NORINB) à Justin qui vient de rentrer. Justin! servez le dessert! MISTINGUE. Je n'en prendrai pas! LENGLUMd. Nous n*eti prendrons pas. 454 L'AFFAIRE DE LA RUE BB LOURGINE. NORINE. Alors, le eafél... les liqaeurs!... Justin HISTINGUB. Mille grÀcesI...j*ai fini I « LBlfCLUllÉ. Nous avons finil NORINE, tendant son verre . Eh bien, donne-moi à boire. LENGLUMti, let maint ions la table. Nonl... j*ai ma crampe!... Norine tend son Terra A Mlsttafvab HISTINGUE, âé mèm% Moi aussi... j*ai sa crampe! NORINE, A part. Pourquoi diable metten^ils leurs mains sous la table? JUSTIN, rentrant et posant sar la table unplateaa contenant le café et les liqaenrs. Madame, M. Potard est dans le petit salon. NORINE, se levant. Mon cousin!... le père de notre filleul... J*y vais. CHOEUR AIR : Dans notre noble Veniat^ Quelle drôle d'orentore! --^" -*^ ii-ij SGÈNE HUITIÈME. V55 Si j'en sors blanc, je le jure. Je serai . i t Usera ^^^' Ravi! Noriae sort suivie de Justio/qui a porté la table A droite. SGÈNE Vm. LENGLUMÉ, MISTINGUE. LENGLUHé) montrant ses mains. Eh bien, Mistingue? MISTINGUE, de>mème. Eh bien, Lenglumé? LENGLUMÉ. Plus de doute!... c'est nous qui avons fait le coup! MISTINGUE. Je n'osais pas tô le dire ! . .. LENGLUMÉ. C'est horrible I MISTINGUE. Moi qui ai le yin si gai ! LENGLUMÉ, poétiquement. Pauvre charbonnière I... moissonnée à la fleur de Tâf^ef MISTINGUE. A coups de parapluie!... Dis doue : il faudrait peut-être nous laver les mains. i56 L'AFFAIRE DE LA RUE DE LOURGINE. LENGLUHÉy à part. Il est canaille... mais plein de présence d'esprit 1 (Haut.) Vite! deTeau! HISTINGUE. Udû brosse I du savon ! . .*. Ua coareot au lavabo, quMIs apportent sur le devant de la scène et 8*7 lavent lea mains. ENSEMBLE AIR: Fiaale da preaûer Mte de JHenamdm de Catn (Dccu). Layons nos mains, Et soyons bien certains D'enlever tout indice. Ne tremblons plus, car la justice Par ce moyen ne saura rien I Tout ira bien Par ce moyen, ^ ' La justice Ne saura rien! MISTIN6UE. Si nous voulons passer pour gens bonnètety C'est beaucoup d'avoir les mains nettes I LEN6LUHÉ. Oui, mais, réponds, ta conscience, bêlas I * Est-ce toi qui la laveras? MISTINGUE. Âhl pour cela, point d'embarras, La conscience, ami, ça n' se voit pas) LENGLUMÉ. n a raison, ça n' se voit pav» Mais, parle bas ! Du silence I De la prudence! SCÈNE NEUVIÊMfi. 457 ENSEMBLE Delà prudence I Layons nos mains» Etc. SCÈNE IX. Lis Mêmes, NORINE, POTARD. NORINB, A la cantonade. 0 Entrez, cousin... (Apaieavant son mari et Mistingae qui se lavent les mains avec acharnement.) Eh bidn, qu*est-C6 C[U6 VOUS faites donc là? LE N GLU M É, trto-éma. Tu Tois... nous nous... nous nous... MISTINGUE. Lavons les mains. LENGLUMÊ, reportant le lavabo. Elles n'étaient pas noires! MISTINGUE. AU contraire. LENGLUMÉ. C'est pour nous distraire... entre labadensL*. on fatt partie de se laver... NORINE, à part. Uuelles singulières figures!... I- c 458 L'AFFAIRE DE LA RUE DE LOURCINE. POTARD. Jç VOUS dérange, cousin? Du tout! POT^RD. A propos 1 Et mon parapluie? LEN6LUMÉ, bondissant Sapristi! MISTINGUE, bas. Tenez-vous doaoi NORINE. Je n*y comprends rien«.. impossible de le retrouver. POXAEJ). Ah! il ne peut pas se perdue; mon nom est gravé sur le manche, avec mon adresse. L B NGX UH É , bas, défaillant. Je suis perdu)... il dira qull me Ta prêté I MISTINGUE, bas. Tenez-vous donc! NORITYE. Tu es sorti hier au soir, mon ami? LENGLUMâ. Jamais!... jaunis!... j'invoque un alibi! HISTINGUE, vivement. Nous étions à Vaugirard. NORINE, à part. Vaugirard? un alibi?... qu'est-ce qu'ils ont? iHaut.) Ce- pendant tes bottes étaient crottées! SGËNE NEUVIÈME. 43d POTARD. Et je TOUS ai rencontrés, mes gaillards I LENGLUUÉ, bas. Un témoin à charge! MISTINGUEy A part. Sapristi I NORINS. Rencontrés I... £t où cela, S. Y. P.1 POTARD. Mais dans mi endroit... UISTINGUE, Pinterrompant vlvemeiit C'est faux 1 LENGLUM^. Nous tournions le dos à la rue de Lourcine. * POTÀRIK Qui vous parle de la rue de Lourcine?... J'ai rencontré ces messieurs au théâtre de TOdéon. LENGLUVi et UISTINGUE. kein?... POTARD. Ef je ne les ai pas quittés de la soirée. LENGLUHÉ. Pas quittés! HISTINGUB. De la soirée ! (Tous deux dansent en chantant.) Tra la la la 1 NORINE, à part. Mon mari devient fou! (Criant.) Lenglumé! Lenglumé!..* mais habille^toi donc pour le baptême! 4G0 L'AFFAIRE DE LA RUE DE LOURCINE. LENGLUMÉy «veo exaltation. Oh! oui? je veux sortir 1 je veux respirer la brise! je veux baptiser le petit Potard!... et regarder en face toute la gendarmerie française!... n embrasse sa femme. KORIIfE. Hais finis doncl tu me chiffonnes 1... Venez, cousin, laissons-le s'habiller... je vous montrerai la robe de bap- tême pour votre petit garçon, (a son mari.) Dépécbe-toil Elle entre à gauche, deuxième plan. Potard reste au fond. LEIfGLUMÉ, bas. Il était inutile de nous laver les mains. MISTINGUB, bas. Ah benl c'est fait, à présent! LENGLUH^. L'Odéon! HISTINGUE. L'Odéon! Ils s'embrassent. POTARD, descendant. Mais c'est une craque!... Vous savez bien qu'en été il est fermé, l'Odéon. LENGLUMÉ et MISTINGUE, terrifiés. Hein?... fermé?... POTARD. Devant votre femme, je n'ai pas voulu dire ce que jo savais... LENGLUMÉ. Quoi? HISTINGUE. Que savez -vous? SGËNE DIXIÈME. 461 If OBI NE, dans la coulisse. Venez donc, cousin ! POTARD. Voilât Toilàl (Ayant de sortir.) Ah! VOUS ètes (lenx fie» scélérats! n entre au deuxième plan, à gaaolie. SCÈNE X. LENGLUMÉ, MISTINGUE. HISTINGÙE. Deux scélérats! LENGLUMÉ. Il sait tout!... ces émotions me disloquent 1 MISTINGUE. Moi, je ruisselle! U va A la table et se verse un grand verre de ouracao. LENGLUMÉ. Qu*est-ce que tu fais là? MISTINGUE, bavant. Je ne sais pas, mais, quand j*ai du tintouin, je m'é- tourdis!... LENGLUMÉ. Allons! donne-moi un verre d*eau rougie... ça m'étour- dira peut-être aussi... MiSTINGUE, lu| versant an plein verre de curaçao. Avale-moi ça... c'est un velours. 1 26. M2 L'AFFAIRE DE LA RUE DE LOURGINF-. LENGLUMÉy Tidaat le verre d'un trâU Mais c'est du curaçao! MISTIIIGUE. De Hollande! LENGLUMÉ. C'est doux... ahl ça fait du bien] DISTINGUE. Ça dcnne du ton. Us fouillent dans leurs poches pour en tirer leurs mouchoirs. * Lenglumé amène un bonnet de femme, et Mistlngue un soulier. ^ LENGLUMÉ. Heinl... un bonnet de femme à présenti BfISTINGUE. Un soulier I LENGLUMÉ. . Les dépouilles de notre victime!... il parait que noua rayons décoiffée I MISTINGUE. Et déchaussée! LENGLUMÉ. Moi, un honmie rangé!... comment faire pUn. JUSTIN, rentrant. J'ai ouvert les deux fenêtres... à cause de oe monsieur qui écrit... Mais, pourquoi diable Tautre fait-il cuire son soulier?... ahl il est cocasse!... il dit qu'il a massacré une charbonnière, rue de Lourcine... et qu'il a mis son bon- net dans un pot... Ce que c'est que les liqueurs!... Tiens! le tabac 1... Monsieur n'y est pas... je vais bourrer ma pipe. Il tire sa pipe et ôte le couvercle du pot* LENGLUMÉ, revenant et apercevant Justin. Qu'est-ce que tu fais là? JUSTIN. Oh! U tourne vivement le dos au pot et continue à bourrer sa pipe par derrière; au lieu de tabac, il y fourre les rubans du bonnet LENGLUMÉ» Va-t'en. JUSTIN. Oui, monsieur. (En s^éloignant il entraîne le bonnet.) UnbOU- 476 L'AFFAIRE DE LA RUE DE LOURCINK LENGLUUé. Silence! JUSTIN Ail! iBon Dîeul... c'était donc vrai... celui de la char- bonnière!... dans un pot! LENGLUMÉ, effrayé. Comment!... tu sais?... JUSTIN. Rue deLourcine! LENGLUMlî, le saisissant à la gorge. Misérable!... je vais t'étrangler! JUSTIN. Au secours I au secours! Il 86 sauve à droite, deuxième plan. SCÈNE XVI. Les Mêmes, NORINE. NORINE. Ces crisî... qu'y a-t-il? LENGLUUÉ, très-calme. Rien... je causais avec Justin... ce brave Justin!.. NORINE, un papier à la main. Qu'est-ce que c'est que cette note que je viens voir?... tu n'as rien demand'é? SCÈNK OIX-SEPTIÈME. 477 LENGLUMÉ. NonI (a part.) Il faut absolument qu'il se taise!... il le faut!... Il se dirige vers la porte par laquelle eat entré Justin. NORINE. Où vas-tu ?••• LENGLUMÉ, tranquillement. Casser du sucre... avec ce brave Justin I... (a pkrt.) Il le faut! SCÈNE XVII. NORINE, puis JUSTIN. NORINE. Casser du sucre parla!... mais les volets sont fermés... JUSTIN, paraissant à la porte de gauche, deuxième plan. Madame... on attend pour cette petite note. Il disparaît. NORINE. Je n*y ""comprends rienl... absolunaent rienl... sans doute il y a .erreur... il faut qu'on s'explique... je vai/^ voir... (Appelant.) Justin!... Justin!... JEIIa sort par la gauche. 27. 478 L*AFFAIRE DE LA RUE DE LOURCINE SCÈNE XVIII. LENGLUMÉ, NORINE. LENGLUMÉ, p&le, défait. En entrant, il va à la table et boit den^ verres de curaçao. Musique à l'orchestre. C'est fait!... c'est horrible!... c'est fait!... Je lui ai dit: Justin, mille francs pour toi si tu veux te taire... pas de réponse!... deux mille francs!... c'était pourtant gentil... mais je ne voulais rien avoir à me reprocher, pas de ré- ponse!... alors, je me jette à ses genoux... il me fait: pschi pschl... pour me narguer f... Je m'emporte! je m'exaspère! je lui saute au cou! il m'égratigne!... je serre!... j'entends un râle... miaou!... c'était fait... c'est bien simple!... Comme l'homme est peu!... pauvre Justin! j'avais toujours pensé, que ce garçon-là finirstit mal... (s© grisant par degrés.) Ce que c'estquelc rcmords... tout tourne... tout danse autour de moi... comme au banquet Lahadev^* MISTINGUE, en dehors. A.IR de Da&esDy (lbs YntDAseBs, mus rorchestre). Dans la vigne à Claudine Les vendangeurs y vont. LENGLUMÉ, complètement gris. liens!... le petit biberon qui chante sa darbo!..^ SCENE DIX-NEUVIÈME. 471 SCENE XIX. LENGLUMl^, MISTINGUE. HISTINGUE, entrant et continuant. On choisit à la mine Ceux qui vendangeront. . LENGLUUÉ. Aux vendangeurs qui brillent On y donne le pas ; Les autres y grappillent. Mais n'y vendangent pas I ENSEMBLE Les autres y grappillent, Mais n'y vendangent pas! MISTINGUE. Je ris... je ris comme un bossu! LENGLUMÉ. Moi aussi I MISTINGUE. Tu sais bien le soulier de la charbonnière?... LENGLUMÉ. Oui... oui... MISTINGUE. C'est comique !•«. Je Fai mis sur le gril... il se tortille.^ il se retourne, et il fait couil couii 480 L'AFFillRE DE LA RUE DE LOURGINE. LENGLUMÉ, très-g:nieraent. Coui! coui!... (a Mistiagae.) Tu sals bien, Potard.. le té- moin à charge? HISTINGUE. Oui. LENGLUMÉ, riant. Tiens I si ça pouvait rendormir. LENGLUMÉ. Tu y verras Thistoire de la malheureuse charbonnière... 482 L'AFFAIRE DE LA HUE DELCURCIm:. MISTINGUE. Bien malheureuse, en effet! LENGLUfili. Y esta? MISTINGUE. J'y suis!... (Lisant.) « Mardi prochain, tout Paris se por- tera sur la place de la Concorde pour assister à Térection de l'obélisque de Louqsor... » LENGLUMÉ, debout, derrière hii, et tenant ea cuiller à deux maina, prêt à l'assommer. L'obélisque I... qu'est-ce qu'il chante? MISTINGUE. C'est imprimé! LENGLUHé, prenant le journal et lisant. « Le monohthe sera découvert demain, 24 juillet 1837. » (Avec joie.) 1837!... MISTINGUE, la bûche en Pair. Heinl... 1837! LENGLUMÉ. C'est un vieux journal ! . . . MISTINGUE. Il y a vingt ans!... Mais alors la charbonnière... LENGLUMé. Nous sommes innocents!... Ah! mon ami!... (ils tombent dans les bras l'un de l'autre en s'embrassant avec effusion.) Et mofi qui allais t' assommer! MISTINGUE. Tiens! moii aussi! LENGLUMé, se dégageant. Ah! ça va mieux! ça me dégrise!... (Se rappelant toute SCENE VINGTIÉxME. 48t coup.) Ah! sapristi î et les deux autres!... car tu sais... j'ai tué deux hommes ! MISTINGUE, vlvemeat. Âh\ mais je n'en suis pas, de ceux-là! SCÈNE XX. Les Mêmes, JUSTIN, puis POTARD. JUSTIN, entrant par la gauche, deuxième plan. Monsieur, madame fait demander si... LENGLUJiÉ. Hein!... tu n'es pas mort? JUSTIK. Par exemple! LEN6LUMÉ. Brave garçon!... Tiens, voilà cent aous pour toi! JUSTIN. Pour n'être pas mort? LBNGLUUli. Reste à un! POTARD, sortant, sa lettre à la main. Cousin, je vous remercie! LENGLUUfi. L'autre... Tu n'es pas mort? POTARD. Comment? LEIIGLUHÉ. Bon jeune homme!... Tiens, voilà cent sous pour toit 464 L'AFFAIRE DE LA RUE DE LOURCINE. POTARD. Cent sous?... LENGLUMÉ. Reste & zéro! MISTINGUE, à p«rt. Sapristi! J'ai mal à la tête!... Il remonte et disparaît derrière les rideaux au lit. LENGLUMé. Mais qui donc était là, là... dans ce cabinet? SCÈNE XXI. Les Mêmes, NORINE. NORINE, entrant. C'est horrible ( . . . c'est affreux ! TOUS. Qu'ya-t-il? NORINE. Moumoute, ma chatte! que je Tiens de trouver sans oon' naissance! LENGLUMÉ. La chatte!... un chatricide! NORINE. Ahl monsieur, je ne vous le pardonnerai jamais... sur- tout après ce que je ^ens d'apprendre. LENGLUMÉ. Quoi donc? SCENE VINGT ET UNIËMB. 485 NORINE. OÙ avez-YOus passé la nuit, monsieur? jE!IGLUHÉ. Ça, je ne serais pas fâché de le savoir... Mistingue non plus. (Le cherchant du regard.) Tiens! OÙ est-il doUC? NORINE. Eh bien, je vais vous le dire : Vous vous êtes roulé dans Torgie, chez des. liquoristes de bas étage ! LENGLUMÉ. Moi? NORINE, lai tendant un papier. Chez la mère Moreaul TOUS. Oh! NORINE. Osez le nierl voici la note de vos déportements I (Lisant.) « Trois bocaux de cerises à reau-de-viél... deux idem de prunes! » LENGLUMÉ, se rappelant. Ah! les noyaux!... les noyaux!... NORINE, lisant. « Plus : un bonnet de femme, un ^soulier du même sexe et un tour en cheveux appartenant à la demoiselle de comptoir. » LENGLUHé. Ah! je comprendsi... je comprends!... NORINE. Total : soixante-quatre francs. LENGLUMÉ. C'est chacun trente-deux... Mistingue!... où diable est-il passé? NORINE. Et vous étiez tellement abruti par Falcool, qu'il a fallu vous enfermer dans la cave au charbon! 486 L'AFFAIRE DE LA RUE DE LOUKCINE. LENGLUMé. Attends! (Fouillant à «a poche.) Il m*en reste un morceau... Je vais t'expliquer... IfORINB. On nous attend pour le baptême, monsieur; mais ncut causerons ce soir. LENGLUMÉ, à part. La nuit sera orageuse !... Il faudra que je me fasse par- donner! On entend ronfler dans PalcÔTo. TOUS. Qu*est-ceque c'est? LENGLUHÉ. Sapristi!... est-ce que j'aurais ramené un troisième la- badens? Justin ouvre les rideaux de l'alcôye. On aperçoit Mistingue couché tout hahillé sur ^e Ut. TOL"B. Encore lui! LENGLUUÉ. Ah çà! il ne sortira donc pas de mon lit? Donne-moi ma canne!... (se ravisant.) Ou plutôt non!... ne le réveillons pas... Justin! JUSTIN. Monsieur? LENGLUMÉy montrant Mistinguo. Tu vois bien ce colis... dès que nous serons partis... tu lui colleras dans le dos une étiquette, avec cette inscrip- tion : Cuisinier pour Brunswick. — Fragile. Après quoi, tu le déposeras à la gare de Strasbourg... bureau^des marcbandises... Aies-en bien soin... c'est un labadens ' SCÈNE VINGT ET'UNIÈME. 487 CHŒUR AIR de Mangeant. . > Ah î rions des suites De notre frayeur; Nous en voilà quittes. Enfin, pour la peur! LENGLUMÉ, au public. A.IR : 71u n'as pas vu ces bosquets de lauriers. Tous nos forfaits doivent vous étonner; Mistingue et moi, nous sommes sans malice. Ne soyez pas prompts à nous condamner, Et pesez bien tout dans votre justice. Nous désirions, nous osions espérer. Vous faire rire au gré de votre attente. L'intention est à considérer; Aussi, messieurs, nous venons implorer La circonstance atténuante. CHOEUR, REPRISE Ah I rions des suites, Etc. 9IV DU PREMIER YOLUMB. TABLE Ull CHAPEAU Dfi PAILLE d'ITALIE 1 im MISANTHROPE ET l'aUVERQNAT 133 BBQAED ET SA BONNE 201 LA FILLE BIEN GARDÉE 26&»« UN JBUNE HOMME PRESSE . . . . \ . . . 333 DEUX PAPAS TRÈS-BIEN. 377 l'AFFAÏAE de LA RUE DE LOURGINE 431 * !•'. Aurfa;i. — Imprimerie de Lagny. l \ K' - ^ ^- ""^